La crise qui secoue le géant minier Ferphos a pris une nouvelle tournure. Les cadres dirigeants limogés crient à l'arbitraire. Chez la tutelle – la Société de gestion des participations de l'Etat (SGP Somines) – c'est un autre son de cloche. Rencontrés au niveau du siège de cet organisme d'Etat à Alger, le président du directoire de ladite société était formel en déclarant : « Le limogeage des cadres dirigeants du groupe Ferphos, dont le PDG n'est pas arbitraire. Toutes les décisions ont été prises sur la base de faits avérés, établis et constatés. » Selon le premier responsable de la SGP chargé de la gestion d'un portefeuille de 24 entreprises minières, la genèse de l'affaire remonte à l'exercice 2006 lorsque les différents rapports établis par les commissaires aux comptes ont mis à nu de graves anomalies dans la gestion du groupe et de ses 5 filiales. C'est du moins ce qu'il a laissé entendre en indiquant : « Pour ne pas faire d'impairs, nous avons exigé un audit externe. Ce dernier a confirmé tout ce qui a été dit et relevé par les commissaires aux comptes. Nous ne nous sommes pas limités à cet audit externe et avons engagé un autre audit de confirmation ou d'infirmation. Cette fois-ci, nous avons sollicité des experts étrangers qui, eux aussi, ont tout confirmé. Si, réellement, il n'y avait rien de grave et si on pouvait arranger les choses, on l'aurait fait. Nous sommes les propriétaires de Ferphos, donc notre responsabilité est engagée. » Le proche collaborateur du président du directoire abondera dans le même sens lorsqu'il souligne : « Nous nous attendions à ce que le groupe fasse un assainissement durant l'exercice 2007. Ce qui n'a malheureusement pas été le cas et les commissaires aux comptes ont encore une fois rejeté les comptes de 2007. Pis, ils ont considéré que la situation était plus grave. C'est à ce moment-là qu'ils ont fait une communication au procureur de la République (dépôt de plainte). Nous ne pouvions nous taire et ne pas réagir, autrement nous serions complices. A la demande de l'AG du conseil d'administration, nous étions dans l'obligation de donner suite au dossier en engageant une action judiciaire en juillet 2008. » Par ailleurs, du côté du ministère de tutelle (ministère de l'Energie et des Mines) il est attendu une éventuelle réhabilitation des cadres dirigeants évincés. Ces derniers auraient été lavés de tout soupçon. La tenue d'une assemblée générale au niveau de la SGP Somines serait imminente. L'objet de cette rencontre a trait à la probable réintégration, à leur poste de travail, de Lakhdar Mebarki, Amara Charafeddine, respectivement PDG et directeur de la division Stratégie et promotion des finances (SPF), de Ferphos Groupe et de Lotfi Bouaraâra, PDG de la société des transports routiers de minerais Sotramine, une filiale du même groupe. Chakib Khelil s'en mêle Les mêmes sources font savoir que le président du directoire a été instruit par le ministre Chakib Khelil pour annuler toutes les décisions de licenciement prises à l'encontre de l'ensemble des cadres dirigeants de Ferphos. A ce propos, nos interlocuteurs ont tenu à préciser que le 28 juillet 2008, le premier responsable du secteur de l'énergie et des mines en Algérie avait initialement et officiellement saisi la SGP Somines à l'effet de suspendre toutes décisions concernant les cadres dirigeants, et ce, au niveau de tous les secteurs miniers. Les nouvelles instructions transmises à la même institution, il y a moins d'une semaine, soit entre les 26 et 27 avril, ne sont en fait qu'un rappel au respect de celles de juillet. En effet, soutiennent-ils, « le président du directoire de la SGP a reçu des instructions fermes pour procéder à l'annulation de toute décision prise après le 28 juillet 2008, notamment à l'encontre des cadres dirigeants de Ferphos. M. Mebarki devait initialement être licencié le 23 juillet 2008 ». Cette décision de licenciement de l'ex-PDG a été mise à exécution le 24 janvier 2009. Le numéro 2 du groupe, Amara Charafeddine, subira le même sort le 4 avril 2009. Les mêmes mesures se sont poursuivies pour atteindre, quelques jours plus tard, le directeur commercial de la filiale Somiphos. Il a été mis à la retraite anticipée. Quant à Lotfi Bouaraâra, le PDG de Sotramines, la SGP a décidé de le destituer de son statut de président du conseil d'administration de sa société. Son licenciement ne pouvait être décidé du fait qu'il soit en congé de maladie. Dans l'ensemble de ses décisions, la SGP s'était basée sur l'action judiciaire introduite le 26 juillet 2008 à leur encontre pour divers et graves griefs liés à la gestion de Ferphos Groupe. Or, toujours d'après les mêmes sources ministérielles, le dossier de l'affaire dite « Ferphos » a été partiellement classé depuis près d'un mois pour absence de preuves. C'est du moins ce qu'aurait conclu l'enquête préliminaire menée aussi bien par les services judiciaires compétents que ceux sécuritaires. Pour pouvoir le confirmer et avoir de plus amples informations sur la question auprès de ces services, nos maintes tentatives sont restées vaines. Toutefois, contacté par téléphone, Lakhdar Mebarki nous a confirmé que des démarches sont actuellement en cours quant à la réhabilitation de tous les cadres dirigeants, mais que, pour le moment, il ne pouvait se prononcer sur son éventuel retour à Ferphos. « Après enquêtes approfondies par les services concernés, les accusations dont j'avais fait l'objet se sont avérées infondées. La justice a classé le dossier depuis des semaines. Je sais que des démarches sont actuellement en cours pour ma réhabilitation. Les autres cadres dirigeants sont également concernés. Mais pour le moment, je ne peux me prononcer sur mon éventuel retour à Ferphos », a-t-il expliqué. La justice tranche Quant à Amara Charfeddine, il s'interroge toujours sur les raisons ayant motivé la décision de son licenciement : « Je n'arrive toujours pas à expliquer le pourquoi de mon licenciement. Au jour d'aujourd'hui, je n'ai jamais eu affaire à la justice. La décision de mon licenciement m'est parvenue par le biais de l'actuel PDG. Toutefois, on parle d'une éventuelle réhabilitation de tous les cadres dirigeants licenciés, y compris moi-même, car la justice a classé l'affaire depuis plusieurs semaines. Nous avons été limogés en raison de l'action judiciaire engagée par la SGP à l'encontre du groupe et de ses dirigeants », nous a-t-il déclaré. En ce qui concerne Lotfi Bouaraâra, dont l'entreprise est à l'arrêt total depuis des mois en raison de la grave décrue des exportations de phosphate, (un déficit net de 26 millions de dinars pour le seul mois d'avril pour Sotramine), il a tenu à préciser : « Moi aussi, je devais être licencié, mais étant en congé de maladie, on a décidé de me démettre de mon statut de président du conseil d'administration de mon entreprise. J'ai été remplacé par Salah Mellak, le PDG de l'entreprise Ferrovial. Sotramine va vers la ruine. Contrairement à ce qui est dit çà et là, mon dernier déplacement en Espagne n'était pas une fuite. J'étais parti en formation. En outre, Sotramine est à l'arrêt d'activité depuis des mois. Autant que mes autres collègues, je suis dans l'expectative. Je ne sais pas comment vont aller les choses. C'est l'incertitude. Moi aussi j'ai appris que le dossier de Ferphos a été classé par la justice. Me concernant, c'est la commissaire aux comptes qui s'acharne sur moi et mon entreprise pour des raisons occultes », nous a-t-il indiqué. Interrogé à propos du classement de l'affaire Ferphos et des instructions de Chakib Khelil, dont ils auraient été destinataires, le président du directoire et son proche collaborateur, les seuls responsables de la SGP Somines étaient tous deux catégoriques : « Nous n'avons aucune information officielle faisant état du classement de l'affaire Ferphos. Si c'était le cas, c'est la SGP, la première et principale concernée, à en être informée. Quant aux instructions du ministre, cela relève de la confidentialité. C'est une affaire interne entre la SGP et le ministère. Je ne peux en dire plus. » Et d'insister : « Je vous dis officiellement que jusqu'à preuve du contraire, aucune information ne nous est parvenue sur le degré d'évolution de l'affaire au niveau de la justice. Donc, en attendant, les choses restent et resteront tel quel. Ferphos est actuellement géré par un nouveau PDG qui connaît fort bien le groupe. Il a eu à y occuper plusieurs postes de responsabilité. »