Mis à part les grands axes routiers comme la RN 1, toutes les routes menant vers, ou venant de, Médéa offraient un paysage sibérien. Cette rigueur climatique imposa la fermeture des établissements scolaires, une pression sur les produits alimentaires tels le pain et les légumes frais et un immobilisme non attendu. La pression s'exercera même sur les marchands de bottes qui jubilaient : des queues se formaient et les prix connaissaient des hausses à la manière des marchés de change puisque la paire simple arrivait à 350 DA et les marchands prévoyaient des hausses au cas où l'atelier de fabrication s'arrêterait, lui qui a assuré une permanence pour ses ouvriers durant toute la nuit de samedi à dimanche. Des familles et de jeunes étudiants se plaignaient du non-dégagement des routes menant vers la capitale, de la non-assistance aux chauffeurs de taxi dont les véhicules restaient immobilisés chez eux depuis quatre jours ; les examens au niveau des facultés de l'université de Soumâa-Blida enregistreront l'absence des étudiants des régions de la wilaya de Médéa. De rares bus ont osé braver la route uniquement parce que leur lieu de stationnement se trouvait sur une des routes principales du centre-ville. Inconscience des élus, démission de l'administration en cette période où « tout un chacun doit se sentir mobilisé afin qu'il n'y ait pas mort d'homme », dira un vieux qui a relaté des souvenirs de moments passés dans la tourmente, mais formant l'homme à la prévision. La non-assistance à personne en danger peut être appliquée pour tous ces responsables dont les véhicules de service - des tout-terrains - restaient « bien au chaud » pendant que des centaines de personnes ne pouvaient ni sortir ni entrer. Le secteur de la santé était inopérant jusqu'à samedi et même les médecins privés brillaient par leur absence, offrant ainsi la région à l'abandon. Région montagneuse par excellence, la wilaya de Médéa aurait sans doute dû lancer un plan Orsec et les prochains jours dévoileront l'étendue de ce qui pourrait prendre la forme d'un désastre. « Chaque année apporte son lot de journées glaciales et les autorités se doivent de parer à toute urgence au lieu de partir en week end et ne tenter de désengager les artères que ce dimanche et avec des moyens obsolètes », fulminait un ancien qui observait un camion-citerne de la Protection civile dégager la route par des jets d'eau. A la mi-journée de dimanche, le redoux facilitait le dégagement de quartiers dont les habitants pouvaient alors sortir et piquer sur les magasins d'alimentation - surtout - où même les pâtes alimentaires « fondaient comme neige ». Les stations et arrêts de bus étaient complètement vides et des familles avec bébés faisaient peine à voir, tout comme ce chef de famille transportant deux bouteilles de gaz sur le dos et quêtant un quelconque moyen de les acheminer vers son domicile : « Nous ne sommes pas en Europe pour exiger un maximum d'assistance, mais c'est à la commune d'alimenter les quartiers inaccessibles, de marquer sa présence. Une commune, c'est cela aussi ! », dira-t-il excédé. L'intérieur du marché couvert apportait un peu de vie, mais l'amoncellement des ordures sur quatre journées a vaincu le manteau de neige puisque les fameux sacs noirs émergeaient ; d'autres sacs étaient éventrés et ne se révélaient que lors des marches forcées des piétons qui disputaient l'espace réduit aux quelques courageux automobilistes se frayant un passage puis se retrouvant bloqués par la faute - surtout - d'aires de stationnement. Avec le dégel prévu à partir de lundi, craint les chutes, les accidents de la route et le retour dans des écoles non chauffées pour nombre d'entre elles.