Il est ouvert à tous les courants de pensée (libéral, communiste, islamiste, nassérien…) et aspire au changement. «L'idée était d'essayer d'envoyer le message que les Egyptiens ont des choses à dire. C'est une perte de temps et d'énergie d'essayer de lancer des politiques sans démocratie», explique Alaa Al Aswany, 51 ans, qui se recrute parmi les écrivains de gauche. L'écriture doit, selon lui, être un engagement artistique en faveur des valeurs humaines, de la justice et la liberté. «Je ne peux pas voir l'écriture autrement. Quand j'écris un article, c'est un engagement pour la liberté dans mon pays. Dans un roman, l'engagement est pour l'ensemble de l'humanité, pour la défense de la vie. Les personnages sont des êtres humains avant tout», estime Alaa Al Aswany qui publie régulièrement des opinions dans le journal d'opposition Al Doustour. A ses yeux, l'élément local, le vécu dans un pays, ne doit pas être dominant dans une œuvre littéraire. Œuvre qui n'aura de valeur que si l'élément humain est pris en considération. «Cet élément permet au roman d'être lu et apprécié dans toutes les langues. Je m'inspire des gens que j'ai connus pour élaborer mes personnages, mais sans les copier. Tout ce que j'ai écrit est tiré de la vie. Je ne suis pas d'accord avec l'opinion des personnages qui ont le droit de penser ce qu'ils veulent», explique-t-il. Ce n'est donc pas par hasard que Immeuble Yacoubian, paru en 2002 au Caire et Chicago, publié en 2006, sont des succès universels. Ces romans ont été traduits en 22 langues. Immeuble Yacoubian a été adapté à l'écran par Marwan Hamed mettant en vedette Adel Imam. Même succès. L'adaptation a plu à l'auteur. Le romancier n'a, selon lui, pas le droit d'analyser le succès d'une œuvre. Son travail consiste à écrire. «Aux critiques et au public de parler du succès. Chicago a été doublement plus vendu que Immeuble Yacoubian. Ce roman a été accueilli d'une manière plus positive en Occident et dans le monde arabe. Je peux peut-être dire que c'est également le succès du romancier», relève-t-il. Dans Chicago, Alaa Al Aswany remonte à ses années à la faculté d'histologie (étude des tissus) de l'Illinois. «Avec son art de camper de multiples personnages et de susciter des intrigues palpitantes, Al Aswany compose un magnifique roman polyphonique. D'un chapitre à l'autre, il entrecroise des vies qui se cherchent et se perdent dans les méandres du monde contemporain», écrit son éditeur français, Actes Sud, sur ce roman. Son dernier livre, Feux amis (Nirane sadika), paraîtra en plusieurs langues en 2009. «Il s'agit d'un roman et des nouvelles. Une collection de mes œuvres antérieures à Immeuble Yacoubian. Je n'étais pas vraiment publié avant ce roman. A chaque fois que le gouvernement refusait la publication de mes livres, mes amis et moi-même payait pour éditer de 500 à 1000 exemplaires», dit-il. «On a refusé à trois reprises la publication d'un roman pour la simple raison que le personnage principal était un jeune en colère qui a commencé à critiquer l'Egypte elle-même. On a estimé que c'était mon opinion», ajoute-t-il précisant qu'il n'existe pas de censure officielle de livres dans le pays des Pharaons. La censure se concentre surtout sur la télévision, le cinéma et le théâtre. Alaa Al Aswany est-il un écrivain de gauche ? «La littérature est un art de gauche. Autrement dit, défendre l'humanité, l'égalité les pauvres, la justice sociale. On ne peut pas écrire, si on ne croit pas à ces valeurs», répond-il à l'aise. Il est critique vis-à-vis du mouvement wahabite. «Mes romans contiennent tous les sujets qui rendent un fanatique malheureux : la relation physique, l'ouverture sur les problèmes des minorités. Le fanatisme et la littérature ne vont pas ensemble. La littérature donne une vision d'ouverture sur le monde», explique le romancier. En Egypte, il existe, selon lui, deux combats : l'un pour la démocratie et un autre contre le fanatisme et pour la tolérance. «En somme, un combat entre une interprétation ouverte de l'Islam, telle qu'elle existe en Egypte et celle négative et agressive, hostile à l'art et à la femme, celle du wahabisme», précise-t-il. D'après lui, l'Egypte de la tolérance et de l'ouverture existe. «La tradition littéraire dans ce pays existe depuis quarante siècles», affirme-t-il. Pour lui, écrire un roman exige une présence au sein de la société. «J'ai du respect pour des écrivains qui vivent ailleurs. J'ai étudié en Amérique et j'avais l'opportunité d'y rester. Mais, j'ai décidé de rentrer chez moi. Je ne peux écrire sur les Egyptiens si je ne vis pas en Egypte. Tant que je ne suis pas obligé de quitter le pays du moins», souligne-t-il. Etre comparé au Nobel de littérature, Nadjib Mahfoud, son compatriote est pour lui un grand honneur. «C'est l'un des écrivains les plus importants de la littérature de tous les temps», tranche-t-il. Aujourd'hui, Alaa Al Aswany fera une vente-dédicace de ses romans au niveau de la librairie du Tiers-Monde à Alger à partir de 14 h.