Pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Trois ordres distincts à préserver, mais surtout à séparer. Montesquieu « apologeait » la séparation de ces trois ordres pour garantir la démocratie et bannir les conflits d'intérêt. Plusieurs siècles après sa thèse, certaines nations sont encore loin d'appliquer l'indépendance de ces trois pouvoirs sans interconnexion aucune. La Constitution algérienne de 1996 n'affranchit pas le président de la République du titre honorifique de président de parti politique. Mais les conséquences de cette double casquette sur la bonne gestion du pays peuvent soulever des interrogations. Le cumul de pouvoirs, si tel lui confère le titre de président du FLN, peut permettre au doute de s'immiscer. Cela ouvre la porte aux supputations en tous genres. Et si la Constitution de 1996 reste silencieuse sur ce cumul de pouvoirs, pourquoi est-elle venue interdire aux magistrats, pour ne citer que ces derniers, d'adhérer pendant la durée de leurs fonctions à un parti politique ? La loi sur les partis politiques de 1997 dispose que « les membres du Conseil constitutionnel ainsi que tout agent de l'Etat exerçant des fonctions d'autorité et de responsabilité auxquels les statuts particuliers au règlement intérieur opposent expressément des incompatibilités d'adhésion sont tenus de cesser tout lien et de s'interdire tout rapport et activité sous quelque forme que ce soit avec tout parti politique pendant la durée du mandat ou de la fonction ». Cela signifie-t-il qu'il n'existe aucune incompatibilité entre le statut de chef d'Etat et celui de chef de parti ? Peut-être parce que les deux relèvent d'un même pouvoir : l'exécutif. En effet, le Président ne se retrouve pas avec un pied dans l'ordre judiciaire. Mais comment assurer la neutralité devant tant de pouvoirs ? A titre d'exemple, pour la création d'un nouveau parti politique, il faut l'agrément du ministère de l'Intérieur. En cas de refus d'agrément, le citoyen n'est-il pas amené à se demander s'il n'y a pas eu pression du président du parti politique majoritaire peu enclin à la concurrence politique ? Selon les termes de la loi, en cas de rejet de l'agrément par le ministère de l'Intérieur, il est possible d'interjeter appel devant le Conseil d'Etat. Or, le président du Conseil d'Etat est nommé par le président de la République. L'article 99 de la Constitution stipule que le Parlement contrôle l'action du gouvernement. Peut-on réellement imaginer que le Parlement, à majorité FLN avec pour président le président de la République lui-même, sera à même de contrôler les actions du gouvernement à tendance FLN, dont les membres ont eux-mêmes été nommés par le Président ? Quand la loi de 1997 sur les partis autorise ces derniers à recevoir une aide financière étatique comprise dans le budget de l'Etat et que ce même budget est voté par le Parlement dont le président de la majorité n'est que le président de la République, comment garantir que la meilleure part du gâteau ne reviendra pas toujours aux mêmes ? Montesquieu préconisait la séparation des pouvoirs. La formule idéale pour asseoir une démocratie, c'est que chacun de ces pouvoirs puisse s'exercer sans interférence et sans prépondérance de l'un des ordres. Une démocratie forte s'appuie sur un pouvoir législatif prépondérant. Ici, c'est le pouvoir exécutif qui vient renforcer sa position.