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Le commandant Kaci : Un exemple de courage
Publié dans El Watan le 27 - 08 - 2009

J'ai souvent écrit, m'adressant à mes frères, jeunes ou moins jeunes, combattants de la guerre de libération : «Les moudjahidine ont le droit et le devoir de témoigner de ce qu'ils ont fait ou de ce à quoi ils ont assisté.» De plus, ils doivent réfuter les mensonges de nos adversaires français mais aussi ceux de nos frères quelque peu faussaires de l'histoire sciemment ou inconsciemment… à côté de la vérité. Mon sujet est de parler du commandant Kaci, décédé.
Il est né, Hamaï Mohand Oukaci, en 1921, à Semaoun (âarch Ath Oughlis). Tous ceux qui ont connu son père Da El Mouloud vous confirmeront qu'il a donné à son fils d'admirables leçons de «takbaïlit» et de courage. Kaci, dès l'âge de 19 ans, depuis 1940, en France où il alla quelques fois travailler et dans la Soummam, se distingua toujours par un engagement total dans toutes les luttes initiées par le PPA, les AML, le MTLD et le FLN. La vallée de la Soummam et les montagnes qui l'entourent (Akfadou sud, Djurdjura sud, Bibans, Babors) étaient absentes le 1er novembre 1954 ; elles n'ont été rattachées à la zone 3 (W3), que dirigeait Krim, qu'à la fin octobre 1955 : Krim ne connaissait pas encore les militants de ce que nous appelions, faussement, petite Kabylie.
Il revenait à de vieux militants, parmi lesquelles se distinguent Naït Kaâbache Mohamed Akli (Meisna), Mehenni El Hadj (Ath Mansour), Mokrane Assemaouni, alias Mourah (Ath Oughlis), autour de Kaci, d'engager notre région dans la guerre de libération. La première opération que nous eûmes à réaliser fut la récupération de l'argent du MTLD que détenait le trésorier Saïghi Abdelkrim «Chaoui» de Aïn Beïda à l'aise au milieu des Kabyles de la Soummam depuis de nombreuses années. Les vieux ne restèrent pas longtemps seuls : de toutes les régions, d'Ouzelaguen à la mer, des jeunes accoururent. Ceux qui avaient une formation scoute (particulièrement d'El Kseur) furent les plus remarqués et les plus admirés : ils apportèrent à la jeune organisation un dynamisme admirable… inespéré. Notre adhésion au FLN fut formalisée quand Amar N'Cheich, responsable dans la zone d'Azazga, nous rendit visite et discutera avec de nombreux militants. La pénétration des villages commença et la marche vers Béjaïa devient de plus en plus rapide.
Nous fûmes confrontés à certaines difficultés, courant 1955, dans trois gros villages (El Flaye, Takaâts, Amagaz), Kaci savait que j'y avais des amis politiques, des amis tout court et des parents : il ne discuta pas les solutions que j'y imposais. Kaci était hanté par la volonté de structurer la ville de Béjaïa, ce qui expliquait sa marche de plus en plus rapide, de village en village, vers la mer. Cela ne l'empêchera pas de lancer le service médical de la wilaya sous la responsabilité de Bouderba, étudiant en médecine que j'avais ramené d'Alger en compagnie de trois autres étudiants dont une jeune fille admirable de courage. Mais Kaci revenait toujours à sa passion : structurer Béjaïa. Il me chargera de certains contacts qui permettront de faire basculer, globalement dans le combat libérateur, cette ancienne capitale des Hamadites. Je me rendis donc rencontrait Lakhal Ouyounès vieux militant de l'OS, compagnon de combat et de prison de Abane Ramdane. Dès mes premières paroles, il se rebiffa et cria presque : «Pendant toute ma détention aucun militant de Béjaïa ne s'inquiéta du sort de mes enfants : avaient-ils à manger ?» «Précisions, frère, lui dis-je, je ne suis pas le messager du MTLD mais du FLN donc du peuple.» Il baissa la tête quelques secondes et, bourru, cria presque : «Qu'attendez-vous de moi ?» Le premier militant FLN de Béjaïa venait de s'engager dans nos rangs. Pendant que Kaci continuait sa progression vers la mer, je dûs retourner à Béjaïa pour secouer les conseillers municipaux, toujours en fonction malgré les ordres déjà anciens du FLN et les obliger à démissionner.
Les élus, 2e collège, étaient tous UDMA et un seul, si Chérif Kaci, accepta de démissionner tout de suite : les autres ne le firent qu'après avoir obtenu «l'ordre», par téléphone de Ferhat Abbas. L'élu «indigène» du 1er collège aurait voulu que ce soit Krim Belkacem et pourquoi pas, Boudiaf qui soient ses interlocuteurs. Je me fis très petit et lui dis : «Je ne suis qu'un messager et tu prendras ta décision seul.» Il ne s'est pas trompé sur mon irritation, et le le lendemain, il me téléphona pour m'annoncer que sa démission était effective.
Plus tard, peut-être, faudra-t-il relater toutes les péripéties de ces démissions et enlever ainsi à certains faussaires de l'histoire l'occasion de s'octroyer des actions qui ne sont pas les leurs et d'oublier les engagements pris avec la révolution et non réalisés. Pendant ce temps, Kaci pénétra le village de Toudja.
Dans l'organisation qu'il mit sur pied, dans ce courageux village, il distingua un élément qui vivait et travaillait à Béjaïa, c'est le frère Allaoua Ihadaden qu'il chargea de recruter une équipe pour lancer la première cellule. Cette cellule, trop rapidement constituée, ne tarda pas à tomber entre les mains de la gendarmerie. N'empêche ! La flamme était allumée et elle ne s'éteindra qu'à l'indépendance. Les péripéties des diverses organisations qui s'y implantèrent rappelèrent à ceux qui connaissaient l'histoire de la région qu'en 1832 à l'invasion française, «Vgaït» se défendit quartier après quartier, rue après rue, maison après maison et les derniers combattants rejoignirent les villages des montagnes environnantes.
Béjaïa s'installait de plus en plus dans la guerre et le commandant Kaci au sud et au nord de la Soummam continuait l'implantation de la révolution. A mon initiative, nous préparâmes le retour au fln de quelques éléments qui nous quittèrent sous l'influence d'un imam défaitiste et d'un potentat désireux de garder son autorité ancienne. Kaci, après le rapport qu'il lui présenta, reçut instruction du congrès d'Ifri de clarifier cette situation de ramener dans le droit chemin tous les égarés. Hélas, je fut arrêté et le commandant Kaci fut envoyé à Tunis par le cce pour seconder le colonel Ouamrane.
Ce sera le colonel Amirouche, à l'époque commandant, qui prendra la suite de cette initiative. A Tunis, Kaci, membre du cnra, sera désigné à la direction de la base de Tunis : il sera ainsi préfet de police et préfet administratif des Algériens.
A l'indépendance, il fut marginalisé par le pouvoir en place parce qu'il a voulu rester fidèle au GPRA qu'il considérait «pouvoir légitime».
Cela ne l'empêcha pas, à l'appel du colonel Oulhadj, de se joindre à moi pour neutraliser le bataillon mis sur pied à Sétif par Benbella, Boumediène et Tahar Zbiri, pour faire la guerre à la W3. Nous eûmes aussi à nous rendre à Sidi Aïch, où trois traîtres venaient d'être exécutés sommairement, pour dire à tous que c'est là une atteinte à la construction de l'Etat et un oubli des conclusions du congrès de la Soummam. Marginalisé, Kaci garda intacte sa dignité, gloire et rahma pour lui.
Kaci est mort le 29 août 2003 et enterré le lendemain.


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