Cette réalité, combien inquiétante, a prédominé les débats du colloque international qui se tient depuis hier à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, sous le thème «L'économie algérienne dans la mondialisation, atouts et contraintes». Pour mieux décrire l'ampleur de la corruption, dont la mondialisation favorise l'expansion, Clotilde Champeyrache, maître de conférences à l'université Paris 8, avancera que «plus de 35% des représentants de compagnies étrangères travaillant avec l'Algérie déclarent avoir été obligés de payer des pots-de-vin pour obtenir des contrats publics», en se basant sur un rapport récent de la Banque mondiale. Cette universitaire de l'Hexagone, qui a présenté une communication sous le thème du «BTP en Algérie : anticiper les risques de privatisation de la richesse publique» mettra en garde contre les dérives criminelles susceptibles d'accompagner l'attribution des marchés publics. «En matière de marchés publics, le paiement de pots-de-vin devient un passage obligé auquel doit se soumettre l'entrepreneur isolé face à des fonctionnaires organisés pour prélever un pourcentage à chaque étape administrative», relèvera-t-elle. Sur un autre plan, le professeur Champeyrache soulignera les conséquences de l'implication massive des multinationales dans la réalisation des projets stratégiques : «Les entreprises chinoises, dira-t-elle, se taillent la part du lion en proposant des devis particulièrement attractifs et des délais de livraison des chantiers extrêmement rapides. Les entreprises étrangères sont particulièrement présentes dans le domaine des fournitures pour le secteur comme le ciment dont les importations dépassent les 350 000 t par an, l'acier, les matériaux et autres équipements pour revêtement, plomberie, électricité et quincaillerie», ce qui peut s'avérer un terrain favorable à l'émergence des pratiques mafieuses. «La mafia prend la forme d'un réseau d'entreprises légales par son activité mais de propriété mafieuse qui drainent et exploitent les ressources financières, matérielles ou immatérielles en excluant les non-mafieux.» Ces réseaux provoquent, dans certains cas, des pénuries artificielles afin de dresser des obstacles devant les entreprises honnêtes afin que «les entreprises possédées par la mafia réussissent à drainer la quasi-totalité des appels d'offres», a ajouté ce professeur d'université qui suggérera que «les effets positifs de l'investissement massif de fonds publics par l'Etat algérien pour réaliser de grands travaux de construction ne doivent pas masquer les risques criminels inhérents aux marchés publics. Pour leur part, Sabrina Amnache-Chikh et Nadia Dorbane, enseignantes à la faculté des sciences économiques de Tizi Ouzou, présenteront la communication «La corruption et l'économie rentière, la possibilité d'une articulation», à travers laquelle elles feront ressortir qu'en matière d'efficacité du gouvernement, l'Algérie, où 38% des entreprises reconnaissent qu'elles versent des pots-de-vin, reste à la traîne devancée par la Tunisie et le Maroc, et ce, malgré l'engagement de l'Algérie à lutter contre la corruption, à travers la loi 06-01 de 2006. Pour ces deux universitaires, «il faut rompre avec les logiques de distribution rentières et administratives qui débouchent dans la plupart du temps sur le favoritisme et la corruption». Les débats lors de ce colloque qui se poursuivra aujourd'hui porteront également sur d'autres thèmes non moins importants comme le redéploiement du secteur industriel, les défis de l'agriculture algérienne à l'ère de la mondialisation, les sociétés rurales et les fluctuations des cours du pétrole, qui seront abordés par des professeurs et chercheurs de plusieurs universités du pays.