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« Les élections en Afrique sont des concours de clientélisme »
Sylvain Touati. Assistant de recherche à l'IFRI, spécialiste de l'Afrique subsaharienne
Publié dans El Watan le 02 - 07 - 2009

Sylvain Touati est assistant de recherche au sein du programme Afrique subsaharienne à l'institut français des relations internationales (IFRI). Diplômé d'un Master en Relations Internationales et Géopolitique de l'Institut d'Etudes Politiques de Toulouse (2006). Depuis Kinshasa où il est en séjour d'étude, il a bien voulu répondre à nos questions.
Quel regard posez-vous, M. Touati, sur la quête de démocratie dans les pays africains ?
Lorsqu'elle a vraiment lieu, la quête de la démocratie se fait à un rythme varié en fonction des différents pays africains. Certains pays semblent s'ancrer dans un cadre démocratique mêlant élections réussies, liberté de la presse et des opinions, pluralisme politique avec la réussite d'alternance lors des scrutins électoraux (Mali, Ghana, Bénin, Afrique du Sud). Certains pays, que l'on croyait sur cette trajectoire démocratique, ont connu un arrêt en 2008-2009 dans leur ouverture vers plus de pratiques démocratiques (Kenya, Mauritanie, Madagascar). D'autres pays, même s'ils se prêtent à un calendrier électoral, n'ont pas encore pris la voie du pluralisme politique et de la liberté d'expression (Nigeria, Angola, Sénégal). Je souhaiterais aussi aborder la question des élections. Un amalgame fort est fait entre tenue d'élections et démocratie. Les élections sont un indicateur du niveau de maturité d'un processus politique mais ne garantissent en rien des pratiques démocratiques. Quasiment tous les pays africains tiennent des élections mais la majorité d'entre elles sont irrégulières, en proie aux fraudes et ne laissent que peu de place pour le débat politique entre les différentes forces en présence. Les scores « plébiscites » obtenus par certains leaders politiques montrent souvent que la route est encore longue avant l'établissement d'une démocratie.
Est-ce une fatalité que les peuples d'Afrique continuent à vivre encore sous le joug de régimes despotiques, voire personnels ?
Je ne pense pas qu'il y ait de fatalité dans la vie politique de quelque pays que ce soit. Les évolutions prises par certains pays (Afrique du Sud, Bénin, Ghana, Bénin) depuis une quinzaine d'années montrent que tout peut évoluer si la volonté et le leadership politique sont présents. Elle nécessite parfois des choix difficiles. L'exercice démocratique est un combat au quotidien qui se livre auprès des populations pour les convaincre du bien-fondé de ce système politique. C'est parfois très difficile. On observe ainsi que même dans les pays « modèles » cités précédemment, les taux d'abstention sont très forts, les scandales politiques ou de corruption discréditent de nombreux acteurs politiques. Si l'installation d'un régime démocratique peut permettre une certaine stabilité, celle-ci peut être aussi obtenue par des régimes autoritaires (cas du développement de nombreux pays asiatiques). Le développement économique tient plus à l'établissement d'institutions solides, fiables et qui garantissent un climat des affaires serein. Ainsi de nombreuses populations sont déçues par le fonctionnement démocratique qui nécessite beaucoup d'efforts, de débats, de prise en compte de la formation et des désirs des populations. Pour résumer, la démocratie n'est pas un système politique « facile ». Il nécessite d'être préparé, d'y croire et de le vouloir. Ce n'est pas toujours le cas. Mais si l'on prend à l'échelle du continent, on observe une tendance positive pour les processus de démocratisation.
Beaucoup parmi les dirigeants des pays africains, à l'image de Moubarak en Egypte, feu Omar Bongo au Gabon et même Abdoulaye Wade du Sénégal, ont pratiquement préparé le terrain à leurs enfants et proches. Pourquoi à votre avis ces dirigeants ne veulent-ils pas amorcer des transitions démocratiques dans leurs pays ?
Il faudrait leur poser directement la question. Je pense que de nombreux chefs d'Etat n'ont pas confiance en les capacités de leurs populations. Ils organisent le pouvoir de façon clientéliste dans le but d'imposer leurs autorités en installant des personnes qui dépendent d'eux. Ce faisant, ils entravent tout développement des capacités des pays concernés. La méritocratie n'étant pas suffisant pour accéder aux postes qualifiés, les éléments africains les plus brillants sont souvent contraints à l'exil. Ceux restant sur place se complaisent sans réellement arriver à dégager des futurs socioéconomiques viables pour leur population. Les élections deviennent dès lors des concours de clientélisme, d'achat de voix, de promesses à l'emporte-pièce qui mettent de côté les questions socioéconomiques les plus cruciales. C'est souvent un cercle vicieux qui entrave les transitions démocratiques. Ce qui est intéressant de noter pour les cas de MM. Bongo et Wade est que les populations de leurs pays refusent ce mode de succession. Ainsi Karim Wade vient de perdre les élections municipales de Dakar au profit de l'opposition. Son père insiste tout de même en le plaçant à la tête d'un super ministère dans le but qu'il continue à faire ses preuves. Ce n'est pas sûr que malgré ses soutiens financiers et le soutien de son père que Karim Wade réussisse à remporter d'éventuelles élections. Omar Bongo n'avait pas clairement désigné de successeur politique. Son fils, Ali Ben Bongo, ministre de la Défense, semble être le principal outsider pour la succession, mais il sait qu'il ne dispose pas d'un soutien populaire suffisant tandis que le reste du clan Bongo hésite à lui apporter son soutien du fait de rivalités internes. S'il veut arriver au pouvoir, Ali Ben Bongo devra certainement faire beaucoup de concessions et de promesses qui vont lui brider ses moyens d'action. En tous les cas, ce n'est pas sûr qu'il puisse imposer son autorité avec la même vigueur que son père.
Après les coups d'Etat, on assiste ces derniers temps à un phénomène de transmission de pouvoir par héritage familial dans plusieurs pays africains…
Encore une fois, on ne peut pas parler d'une Afrique une et indivisible. Il faut prendre les situations pays par pays. A l'échelle du continent africain, très peu de monarchies sont à la tête d'un Etat (Maroc, Swaziland), donc les successions constitutionnellement héréditaires sont rares. Par ailleurs, très peu de pays ont les mêmes dirigeants depuis leur indépendance. Même Omar Bongo, qui était le plus ancien chef d'Etat en exercice, avait succédé au président Mba. Les successions se passent généralement sous forme d'élections ou de coup d'Etat. Les cas où le transfert de pouvoir se passe de façon héréditaire lors d'élections sont très rares et souvent se font de façon conflictuelle, les populations étant généralement contre, comme l'a montré la succession de Gnassingbé Eyadéma au Togo. Les cas que vous avez mentionnés sont des exceptions à l'échelle du continent. Il faut donc éviter de lancer des jugements rapides annonçant la généralisation de mise en place de républiques héréditaires.
D'autres dirigeants, qui ne semblent pas être fatigués du pouvoir, recourent à des révisions des Constitutions pour s'offrir des mandats à vie…
Les arguments souvent utilisés pour la révision des Constitutions sont : un besoin de stabilité, la poursuite des réformes entreprises ou encore « une demande populaire ». Si on donne du crédit à ces arguments, ce sont clairement des mauvais signes de la santé d'une démocratie. Cela montre que les chefs d'Etat et leur entourage n'ont pas confiance en leurs institutions et leurs populations pour poursuivre sans eux les politiques entamées.
Le président du Niger, Mamadou Tandja, vient de s'offrir des « pouvoirs exceptionnels » après que la Cour constitutionnelle eut déclaré non valide sa volonté de réviser la Constitution pour un 3e mandat. N'est-ce pas là une remise entre parenthèses d'une démocratie balbutiante au Niger ?
Il est important de noter que le président Tandja au début de son projet a en grande partie respecté les prérogatives que lui accorde la Constitution. Il a consulté la Cour constitutionnelle puis a dissous l'Assemblée nationale, éléments de ses prérogatives présidentielles. Toutefois, il y a une réelle crise institutionnelle au Niger avec la volonté présidentielle de modifier la Constitution par voie référendaire. La dissolution de l'Assemblée nationale par M. Tandja avait pour but d'écarter un possible renversement de la part de celle-ci. Attendons de voir l'évolution de la situation. Le président Tandja, déjà contesté par une partie de la population dans le nord du pays, est en train de rencontrer une très forte opposition d'une grande partie des institutions du pays et de l'opposition, voire de ses propres partisans avec l'annonce du retrait du gouvernement des ministres du principal parti qui le soutenait. En soi, cela montre l'attachement d'une grande partie des Nigériens à leur Constitution. Si le président Tandja passe en force, ce serait très dommageable pour le pays et il ne pourrait le faire qu'avec le soutien des forces de sécurité. Si celles-ci décident de soutenir la Constitution et d'empêcher sa révision, le président Tandja n'aura pas d'autres choix que d'abandonner son projet. Pour l'établissement durable d'un régime démocratique, le respect de la Constitution et des institutions est un élément important. Ils permettent de limiter les pouvoirs personnels.
Pourquoi la France – en tant qu'ancienne puissance coloniale – hésite à aider ces pays à se démocratiser, voire soutient même ces régimes despotiques à l'image de celui de Bongo ou encore de Ben Ali ?
Je vous soumets mon interprétation qui n'engage que moi. Officiellement, la République française promeut la démocratie à travers le monde. Cela fait partie des documents officiels annonçant la politique étrangère du pays. Dans les faits, les autorités françaises ont été et sont toujours plus pragmatiques. On établit des partenariats en fonction d'une addiction d'intérêts et avec aussi bien des démocraties que des régimes plus autoritaires. Soyons clairs, si au cours de la guerre froide, la lutte contre le développement de mouvements communistes était mise en avant pour justifier ces soutiens, aujourd'hui il est difficile de les justifier. Cependant, ce qui est vrai à l'échelle du continent africain l'est aussi à l'échelle mondiale. La France entretient des relations, voire souhaite les renforcer avec la Chine, alors qu'elle condamne la situation au Tibet. De même avec la Russie, ou bien les monarchies des pays du Golfe persique. Les intérêts français (alliances géostratégiques, investissements, protection de diasporas) nécessitent souvent des soutiens a priori contre-nature. C'est la realpolitik menée par la plupart des grandes puissances mondiales. Cela devient schizophrénique dans le cas de la France, car les autorités du pays ont toujours adoré se présenter comme la patrie des droits de l'homme et de vanter la grandeur de la France. Soutenir des dirigeants autoritaires n'a pourtant rien de grand. Dans le même temps, on ne fait pas grand-chose pour promouvoir la démocratie. On pourrait résumer ainsi la politique de la France vis-à-vis de la promotion de la démocratie : « Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. » C'est cette attitude du double langage, voire du double standard (on peut critiquer des pays africains, mais rarement des pays plus puissants) qui prédomine au sein des autorités françaises. Une grande partie de l'opinion française est contre ce soutien à des régimes autoritaires, mais cela n'a jamais été un enjeu des élections en France. Personnellement, je pourrais comprendre cette attitude pragmatique si elle s'inscrivait dans un cadre stratégique plus global et répondant à certaines normes.
Est-il crédible pour l'Occident de donner des leçons de démocratie à l'Iran quand il aide, par son silence, des dictateurs qui martyrisent leurs peuples ?
On revient ici à la question du double standard dans les annonces des autorités françaises et du manque de cadres clairs de la politique extérieure de la France. C'est une question de rapport de forces et de volonté politique.Avant l'arrivée de M. Sarkozy à la présidence, la France était beaucoup moins dure vis-à-vis de l'Iran, car les entreprises françaises connaissaient un certain succès dans le pays. On essayait de promouvoir le développement économique des relations franco-iraniennes. L'arrivée de Nicolas Sarkozy a changé la donne dans le sens où le ton a été plus dur, notamment sur la question nucléaire iranienne. Je ne suis pas cette question, donc je ne me permettrais pas de juger cette nouvelle politique. Toujours est-il que les critiques officielles françaises face à la situation iranienne sont fortes alors qu'elles sont très discrètes sur la situation au Niger, à Madagascar ou bien en Mauritanie.


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