Les anthropologues africains sont réunis au complexe Lâadi Flici, à Alger, depuis hier, à la faveur d'un colloque international, le premier du genre, organisé par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), en prélude au 2e Festival culturel panafricain (Panaf' 2009) dont l'ouverture officielle est prévue pour le 5 juillet courant. « En 1969, les anthropologues africains s'étaient retrouvé à Alger à l'occasion du premier Panaf'. A l'époque, l'Afrique luttait encore pour des indépendances non encore acquises. Aujourd'hui libérée, elle se retrouve avec elle-même. L'anthropologie africaine est majeure et mature. Elle peut ouvrir un dialogue et un débat scientifiques », a relevé Youcef Necib du CNRPAH. Avis partagé par Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, qui a observé que les anthropologues africains se retrouvent entre eux et décident des thèmes à aborder. « D'habitude, ils sont invités en Europe et en Amérique du Nord comme faire-valoir. En 1969, l'Afrique n'avait pas beaucoup d'anthropologues ; ils étaient quatre seulement. Ils ont réussi à former des générations de chercheurs », a-t-elle noté. Les quatre ? Le Kenyan Jomo Kenyatta, le Malien Ahmadou Hampaté Bâ, l'Algérien Mouloud Mammeri et le Sénégalais Cheikh Anta Diop. Un hommage a été rendu hier à ces fondateurs de l'anthropologie africaine. Kojo Opuku Aidoo est revenu sur l'héritage du père de la nation kenyane et qui fait de l'anthropologie sociale, étudiée à Londres, une arme contre la colonisation britannique. Bani Diallo Mamadou a évoqué la contribution de l'ethnologue malien Ahmadou Hampaté Bâ en recherche sur les traditions africaines et son combat contre l'utilisation de ces traditions contre les Africains eux-mêmes. Ahmadou Hampaté Bâ a beaucoup travaillé sur les cultures orales. Il avait dit une phrase célèbre : « Je suis un diplômé de la grande université de la Parole enseignée à l'ombre des baobabs. » Mourad Yelles a rappelé l'itinéraire de Mouloud Mammeri qui, lui aussi, avait fait des recherches sur la tradition orale au Maghreb. « Mouloud Mammeri appartient à cette génération d'intellectuels et de penseurs africains de la période charnière entre colonisations et indépendances qui mènent de front la quête scientifique et l'entreprise littéraire », a souligné l'intervenant, qui fut étudiant de l'auteur de L'Opium et le bâton. M. Yelles a rappelé une réflexion de Mouloud Mammeri selon laquelle les ghettos sécurisent et stérilisent. Dans une lettre de Marie Louise Diop, l'action intellectuelle de l'anthropologue et historien Cheikh Anta Diop a été détaillée. L'auteur de Nations nègres et culture avait voulu montrer que les Egyptiens anciens étaient noirs de peau. Il avait même convaincu l'Unesco à organiser un débat sur cela, sans que les travaux recommandés soient exécutés, comme l'analyse détaillé des momies. « Cheikh Anta Diop a montré que l'instruction des filles et la liberté de la femme constituent des facteurs importants du développement des pays africains. Il a prouvé qu'un pays ne peut se développer s'il n'utilise pas ses langues nationales », est-il écrit dans la lettre. Slimane Hachi, directeur du CNRPAH, a annoncé l'organisation, en décembre prochain à Alger, d'un colloque international sur l'oralité. Le premier du genre a été organisé il y a vingt ans !