Muet depuis le début de la crise, le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, été contraint de rompre son silence. Pressé par une opinion nationale et internationale franchement mobilisée pour défendre Aminatou Haïdar, M. Zapatero, cité par la presse espagnole, a reconnu la difficulté de son gouvernement à trouver une solution à cette crise. Il a déclaré hier que son pays «connaissait des difficultés avec le Maroc» sur le dossier de la militante sahraouie, ajoutant que «parfois, et c'est normal, il y a des difficultés» dans les relations de l'Espagne avec ses voisins. Soucieux beaucoup plus de préserver les intérêts de son pays, le chef du gouvernement espagnol a indiqué «espérer que nous trouverions une solution raisonnable» en «pensant évidemment et avant tout à Mme Haïdar». Sévèrement critiqué par l'opposition qui l'accuse d'avoir «jeté l'éponge» dans cette affaire, M. Zapatero a affirmé que son gouvernement «n'a pas jeté l'éponge dans le cas Haïdar» et que «l'Exécutif travaille dans une double direction pour soutenir Mme Haïdar et trouver une solution à sa situation». Il a ajouté que «le gouvernement doit tenter de mettre fin à cette situation qui n'est pas facile». La presse espagnole a rapporté, hier, que le gouvernement espagnol a demandé officiellement au Maroc de remettre un passeport à Aminatou Haïdar. L'étau se resserre sur le Maroc En empêchant le retour de la résistante sahraouie chez elle, le gouvernement marocain s'est met à dos l'opinion internationale. Un étau diplomatique se resserre sur Rabat. Rare sont les fois où une militante des droits de l'homme a suscité un tel élan de solidarité internationale. D'est en ouest, les gouvernements comme les sociétés civiles se disent «scandalisées» par le cas Haïdar. Les Etats-Unis, qui se sont déclarés «préoccupés» par l'état de santé de la militante sahraouie, sont également sollicités par les Espagnols qui espèrent voir Washington agir sur ce dossier. Au Sénat américain, des sénateurs ont demandé à l'administration Obama de faire pression sur le Maroc. Toujours, au niveau de l'action diplomatique officielle, la ministre suédoise des Affaires étrangères, Mme Cecilia Malmstrom, dont le pays assure actuellement la présidence de l'Union européenne, a été sollicitée par des eurodéputés pour faire pression sur Rabat afin qu'il permette à «la Gandhi sahraouie» de retourner chez elle. En Allemagne, le groupe des Verts au Bundestag appelle le ministre des Affaires étrangères à agir pour un retour immédiat de la militante sahraouie dans son pays. Seule la Ligue arabe reste insensible à la situation d'Aminatou Haïdar, et ce, malgré les appels du président de la République sahraouie, Mohamed Abdelaziz, l'invitant à agir en faveur d'un dénouement de la crise. En parallèle à l'action diplomatique, la mobilisation de l'opinion internationale ne faiblit pas. Un mouvement de solidarité internationale en faveur de celle qui est considérée comme le porte-voix du combat du peuple sahraoui pour son indépendance, s'intensifie et ne cesse de rallier à sa cause beaucoup de monde. Ainsi, des rassemblements sont organisés un peu partout en Europe. A Madrid, Bruxelles, Londres et dans d'autres villes européennes, des manifestations publiques ont été organisées, hier, par des syndicats et organisations non gouvernementales et des partis politiques, pour dénoncer le sort réservé à Aminatou Haïdar. Par ailleurs, plus de 200 écrivains, universitaires et journalistes d'Espagne, d'Algérie, du Venezuela, d'Uruguay, du Mexique, de Panama, du Chili, du Brésil et des USA ont signé un appel dans lequel ils expriment leur «soutien actif à la militante» et demandent aux autorités marocaines et espagnoles «d'assumer leurs responsabilités et d'assurer à l'activiste sahraouie, en grève de la faim, son droit de retourner dans son pays et sans condition». Les signataires de l'appel, à leur tête le célèbre écrivain uruguayen Eduardo Hughes Galeano (membre du comité de parrainage du tribunal Russell sur la Palestine), l'Espagnol Antonio Muñoz Molina et sa compatriote Rosa Montero, demandent également à l'Espagne «d'exercer plus de pression sur Rabat afin de permettre un retour rapide à la militante sahraouie». La résistante sahraouie, qui entame, aujourd'hui, son 22e jour de grève de la faim, est «en danger». Fernando Peraita, porte-parole de la plateforme de soutien à Aminatou Haïdar, dans une déclaration à la presse, met en garde contre la dégradation dangereuse de la santé de la gréviste. M. Peraita a déclaré : «Elle traverse un moment risqué. Le danger vient de ce que sa force mentale la fait paraître mieux qu'elle n'est réellement. Elle souffre de vertiges, de pertes de vision. Elle a passé une mauvaise nuit, avec des douleurs.» Mais malgré le danger qu'elle encourt, Aminatou Haïdar, très tenace, est déterminée à mener son combat jusqu'au bout. Elle déclaré qu'elle «poursuivra sa grève de la faim illimitée jusqu'à ce qu'elle obtienne son droit légitime de retour inconditionnel» dans son pays. Une détermination d'acier qui résume celle de tout un peuple qui se bat, depuis 1975, pour son droit à l'autodétermination.