Comme il fallait s'y attendre, les autorités marocaines ont refusé une nouvelle fois d'autoriser le retour de la militante sahraouie Aminatou Haïdar dans sa ville, Laâyoune occupée, a indiqué, hier, le chef de cabinet du ministère espagnol des Affaires étrangères. Il a déclaré que « les autorités marocaines ont refusé une nouvelle fois d'autoriser le retour de la militante sahraouie Haïdar à Laâyoune, qui dispose d'une autorisation de sortie du territoire espagnol ». « Le Maroc n'a pas accepté les conditions exposées par le gouvernement espagnol pour le retour de la militante sahraouie » après 20 jours de grève de la faim à l'aéroport de Lanzarote « où elle a été expulsée par les autorités marocaines après lui avoir confisqué son passeport », a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse. Usant d'un langage inhabituel, l'Espagne « déplore profondément » l'obstruction du Maroc au retour au Sahara occidental de la militante sahraouie Aminatou Haïdar, a déclaré hier le chef de cabinet du ministre espagnol des Affaires étrangères Miguel Angel Moratinos à Lanzarote (îles Canaries). Plus ferme encore, le responsable espagnol Agustin Santos n'a pas hésité à qualifier l'attitude marocaine de « contraire au droit international ». L'Espagne officielle, qui a longtemps ménagé le Maroc lorsqu'il s'agissait du dossier du Sahara occidental, hausse le ton, ce qui exprime en filigrane une crise latente entre Madrid et Rabat. Le chef de cabinet de M. Moratinos, pou enfoncer plus le Maroc, a ajouté : « Le gouvernement espagnol invite Mme Haïdar à poursuivre sa lutte pour les droits de l'homme et réitère sa proposition, si elle le juge utile à son combat, de lui accorder un statut de réfugiée ou la nationalité espagnole jusqu'à ce qu'elle puisse retourner à Laâyoune avec des documents marocains. » Il a souligné, par ailleurs, que l'Espagne mettait à la disposition de la militante un logement et « ferait en sorte qu'elle puisse recevoir ses enfants qui vivent à Laâyoune ». L'évolution de la situation prend des allures de sérieuse crise diplomatique entre Madrid et Rabat. L'intervention du roi d'Espagne dans ce dossier, qui devient explosif pour le Maroc comme pour l'Espagne, n'est pas à exclure. Selon l'entourage de la militante sahraouie, si la situation demeure en l'état, le roi Juan Carlos saisira officiellement le roi du Maroc Mohammed VI. Le gouvernement espagnol, qui fait face à une forte pression interne et externe, est sommé de trouver un dénouement au cas Aminatou Haïdar. Même le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de M. Zapatero se met de la partie et parle de « l'ouverture d'un nouveau scénario » dans les relations entre l'Espagne et le Maroc. Le mouvement de solidarité ne faiblit pas, bien au contraire, il s'élargit de plus en plus.Hier, de nombreux artistes de renom et d'hommes politiques espagnols ont manifesté à l'aéroport de Madrid Barajas pour demander au gouvernement de Zapatero de faire pression sur le Maroc afin que la militante sahraouie, en grève de la faim à Lanzarote, puisse retourner le plus tôt possible à Laâyoune occupée, d'où elle a été expulsée le 14 novembre. Vendredi soir, L'avion espagnol qui devait ramener la militante sahraouie Aminatou Haïdar à Laâyoune occupée n'a pas pus décollé de l'aéroport de Lanzarote, dans les îles Canaries. Le gouvernement marocain a interdit son atterrissage dans cette ville sahraouie occupée, après lui en avoir donné dans un premier temps l'autorisation. Aminatou Haïdar devait quitter les îles Canaries en compagnie du directeur de cabinet du ministère espagnol des Affaires étrangère, Agustin Santos, et de l'avocate Ines Miranda. Après 19 jours de grève de la faim qu'elle avait entamée pour s'élever contre la décision arbitraire du gouvernement marocain qui l'empêche de retourner chez elle, la militante sahraouie risque de voir son séjour forcé aux îles Canaries se prolonger. Après plusieurs tentatives, « le ministère espagnol des Affaires étrangères avait obtenu des autorités marocaines un permis de survol de l'espace aérien marocain pour que Mme Haïdar puisse retourner chez elle avec un sauf-conduit », vendredi passé. Mais contre toute attente, au moment du décollage de l'avion, « le Maroc a donné un contre-ordre ». Un revirement qui a vraiment met mal à l'aise les diplomates ibériques. En attendant de rejoindre sa ville de Laâyoune, la militante sahraouie Aminatou Haïdar a réussi un coup politique d'une grande portée diplomatique. Elle a pu remobiliser l'opinion internationale, d'Est en Ouest, autour de la question du peuple sahraoui et de son droit à l'autodétermination. Plusieurs ONG internationales, des partis politiques européens, des personnalités du monde politique et intellectuel ont exprimé leur solidarité en faveur de l'indépendance du Sahara occidental. Le prix Nobel de littérature, le Portugais José Saramago, pour ne citer que lui, a qualifié de « cruauté incroyable » la réaction du gouvernement marocain. Le secrétaire général du Parti communiste espagnole (PCE), José Luis Centella, est allé jusqu'à réclamer la suspension des accords bilatéraux entre l'Union européenne et le Maroc « devant cette nouvelle atteinte aux droits de l'homme ». L'Union africaine (UA) s'est jointe aussi à ce mouvement de solidarité internationale. Hier, le président de la commission de l'UA, Jean Ping, a demandé aux autorités marocaines de permettre à la militante sahraouie de retourner dans son pays, le Sahara occidental. Il a déclaré dans un communiqué que « la commission s'associe aux autres acteurs internationaux pour demander aux autorités marocaines de permettre à Mme Haïdar de retourner au Sahara occidental ». De son côté, le gouvernement d'Afrique du Sud a condamné, dans un communiqué, les violations marocaines des droits de l'homme au Sahara occidental. Il a également dénoncé l'expulsion de l'activiste Aminatou Haïdar du Sahara occidental. Outre Atlantique également, l'opinion américaine n'est pas restée insensible à ce que le Maroc fait subir à la militante sahraouie. Ainsi, le fondateur de l'organisation américaine John Train ainsi que son président Edward Straitor ont exprimé leur solidarité et leur soutien au combat « juste » d'Aminatou Haïdar pour retourner dans sa patrie. La « Gandhi sahraouie » a affirmé, hier, que « la seule chose » qu'elle voulait est de rentrer chez elle, auprès de sa famille, à Laâyoune occupée, et qu'elle poursuivrait sa grève de la faim « jusqu'au bout ». Et pour montrer son courage, elle a déclaré : « Je pense toujours à mes enfants. Mais je préfère que mes enfants vivent sans mère, mais avec dignité. » A entendre ces paroles, le régime marocain ne pourra jamais avoir raison de la détermination d'Aminatou Haïdar.