Des patients diabétiques sont pris de panique depuis la publication par la presse nationale d'articles faisant état d'études concernant un possible lien entre la prise de Lantus et le risque de développer un cancer. Les diabétologues et les généralistes sont pris d'assaut par leurs patients pour demander conseil. Certains d'entre eux ont même interrompu leur traitement, ce qui peut être, selon les spécialistes, fatal pour eux. L'autorité sanitaire américaine (FDA) reste sceptique face à ces études, qui, selon elle, font un rapprochement trop rapide entre la prise du médicament et la hausse des cancers. La FDA explique, en effet, que le suivi des patients en observation n'avait pas été assez long pour que les conclusions soient robustes. La FDA a ajouté que les patients ne doivent pas cesser de prendre le Lantus en cas de diabète sans consulter leur médecin auparavant. L'agence européenne, l'agence française (AFSAPS) et la Société francophone de diabétologie demandent une évaluation plus approfondie des résultats des quatre études publiées par la revue officielle de l'Association européenne des études sur le diabète, Diabetologia dans sa version électronique du 26 juin 2009, recommandant aux patients de ne pas interrompre leur traitement. « L'Agence européenne des médicaments (EMEA) procède à l'analyse approfondie de ces données. Dans l'attente des résultats, et compte tenu de données discordantes voire contradictoires entre ces études, aucune conclusion ne peut être apportée », souligne l'agence française dans un communiqué rendu public. La Société algérienne de diabétologie a, de son côté, adressé une correspondance le 2 juillet à tous les praticiens, les informant de tout ce qui s'est dit à propos de ces études. « j'invite tous les médecins à redoubler d'effort pour rassurer leurs patients et répondre à leurs inquiétudes en leur expliquant les tenants et les aboutissants de cette rumeur qui s'apparente avant tout à une tempête dans un verre d'eau », écrit le Pr Khalfa, président de la Société algérienne de diabétologie. La lettre revient en détail sur les quatre études et les éléments d'analyses. « Ce sont toutes des études rétrospectives où les renseignements ont été puisés à partir de registres et de bases de données avec tout ce que cela peut comporter comme insuffisances (informations manquantes), car il est bien connu qu'une étude rétrospective à partir d'archives ne peut avoir la puissance statistique d'une étude prospective de suivi bien conduite. L'autre limite de ces études est liée au critère primaire retenu, à savoir le cancer qui est une pathologie multifactorielle où de très nombreux facteurs sont impliqués dans la carcinogenèse. Et avant d'incriminer un facteur donné (la glargine dans ces études), il convient de faire des analyses multivariées très fines pour déterminer la part respective de chacun des facteurs de risque. Ce type d'analyse n'est possible que si tous ces facteurs sont listés dans le protocole, ce qui est loin d'être le cas dans les 4 études du fait de leur caractère rétrospectif », explique la Société algérienne de diabétologie. Selon le président de l'Association européenne d'étude du diabète (EASD), le Pr Smith, l'étude suédoise rétrospective (analyse de milliers de dossiers cliniques) montre que seuls les patients sous Lantus ® voient doubler leur risque de développement du cancer du sein, sans augmentation du risque pour d'autres cancers ou lorsque la glargine est associée à d'autres insulines. Par contre, l'étude écossaise, selon le Pr Gale, rédacteur en chef de Diabetologia, montre des différences trop légères pour être significatives. Une troisième étude de cohorte, menée en Allemagne et portant sur 127 031 diabétiques, « retrouve une augmentation du risque de cancer (dont la nature n'est pas renseignée) avec toutes les insulines » et non uniquement avec la glargine. A l'inverse, une quatrième étude, réalisée au Royaume-Uni sur moins de onze mille patients (10 067), « ne montre pas d'augmentation du risque pour des cancers, tels que celui du sein, du pancréas, de la prostate et le cancer colo-rectal. Ces résultats sont donc plutôt contradictoires et nécessitent des explorations complémentaires. Les professeurs Smith et Gale insistent d'ailleurs sur le fait que ces larges études sont difficiles à interpréter, qu'aucune ne permet de tirer des conclusions, qu'il ne faut pas être « alarmiste » et surtout que l'insuline et ses dérivés ont fait leurs preuves dans le traitement du diabète. Ils rappellent que même si le risque augmente, il s'agit d'« un ou deux cas supplémentaires pour 1000 patients », ce qui est faible. En réponse à ces études, Sanofi-Aventis, le laboratoire qui commercialise ce produit, a garanti par communiqué « la bonne tolérance de Lantus » et précise que les « résultats de ces registres ne sont pas concluants sur une quelconque relation de causalité entre le traitement par Lantus® (insuline glargine) et la survenue de tumeurs cancéreuses », affirmant que « le groupe continuera de surveiller rigoureusement la sécurité de Lantus en étroite collaboration avec les autorités de santé et les experts scientifiques ». L'Afssaps affirme de son côté que l'Agence européenne des médicaments (EMEA) poursuit son évaluation des résultats de ces études et de toutes les données disponibles, ainsi que celles apportées par le laboratoire Sanofi-Aventis sur le profil de risque de l'insuline glargine. Elle ajoute que « plusieurs points feront l'objet d'une analyse approfondie, notamment le rapport avec la dose administrée, la durée des études et le rôle des autres facteurs de risque du cancer du sein et d'autres cancers (âge, tabac, indice de masse corporel...) ».