Samedi dernier, devant le Parlement ghanéen, le président des Etats-Unis d'Amérique, fort de ses origines africaines et de quelques porte-avions, comme celui qui caressait pacifiquement nos eaux territoriales en même temps qu'il parlait, a affirmé que l'avenir de l'Afrique appartient aux Africains eux-mêmes. Cette déclaration est, à quelques nuances près, celle de Massinissa, près de deux mille ans auparavant. On attribue en effet au roi numide cette fameuse phrase qui pourrait fort bien servir de devise à l'Union africaine : « L'Afrique aux Africains. » Simple, fort, efficace, de la communication moderne, façon slogan. Les nuances. Obama s'inscrit dans le futur puisqu'il parle d'avenir, tandis que Massinissa parlait au présent, un présent bien passé sans doute mais affirmatif. Obama parle du continent africain puisqu'on en connaît depuis longtemps les contours et la consistance et qu'outre les porte-avions, il dispose de satellites pour s'assurer quotidiennement de sa réalité. Massinissa, qui ne disposait, lui, que des chevaux barbes de sa prestigieuse cavalerie, parlait de ce que l'on nommait alors l'Ifriqiya, qui correspondrait grosso-modo à la Tunisie actuelle et à des parties contigües de l'Algérie et de la Libye actuelles, et tout cela pour une histoire bien compliquée à faire tenir dans une chronique : sa rivalité avec Syphax, allié de Rome avant de devenir celui de Carthage, etc. (il faut bien, chers lecteurs, que vous alliez vous documenter). En son temps, on ignorait la géographie du monde et la réalité du continent. Obama, bien que pouvant personnellement revendiquer des origines africaines, parle en puissance étrangère à l'Afrique. Massinissa parlait de l'intérieur de l'Afrique. Des nuances de taille, comme nous pouvons le voir. Mais, au delà de la coïncidence formelle des propos, il est intéressant que tout cela se produise ou revienne quand se tient la 2e édition du Panaf'. De nombreux artistes et participants à l'évènement ont déclaré toute leur foi en l'Afrique et leur conviction que la culture pourrait constituer le levier primordial de son développement. On peut prendre cela pour des déclarations de circonstance ou des rêves fumeux de saltimbanques. Pourtant, dans la constitution moderne des grands ensembles économiques et politiques, la culture a joué un rôle essentiel. Au delà de la géographie, de l'histoire et des intérêts, l'Europe, exemple le plus proche et le plus récent d'une telle démarche, s'est bâtie sur un substrat culturel commun. Même son nom a été emprunté à la mythologie grecque, désignant, selon Homère, une reine mythologique de Crète. Penser donc que l'Afrique pourrait « démarrer » d'une telle approche culturelle n'est donc pas aussi loufoque. Ce n'est qu'avec un fort sentiment d'appartenance à un ensemble que l'on peut penser à l'échelle de cet ensemble et envisager alors des formules en mesure de le faire mouvoir. Et la culture est justement ce sentiment-là. Mais cette vérité fut déjà celle des artistes et intellectuels présents en 1969 à Alger ! Et si Massinissa, souverain éclairé, ami des arts et des lettres qui faisait même venir des artistes étrangers à Cirta, avait raison, l'histoire ne lui a pas encore rendu justice.