La présidence suédoise de l'Union européenne semble vouloir prendre à contre-pied les principaux pays européens, notamment la France et l'Italie, à propos de la politique d'immigration. Si Sarkozy et Berlusconi ont toujours voulu fermer à double tour les frontières de l'Europe aux immigrants du Sud, tel n'est pas le souhait de la Suède. Ce pays entend peser de tout son poids pour imposer aujourd'hui une autre façon d'appréhender l'immigration, loin des solutions « hard » qui consistent à financer des centres d'accueil dans les pays du Sud ou des reconductions musclés aux frontières. La Suède, elle, veut plaider auprès des pays membres pour une poursuite de l'ouverture en matière d'immigration et d'asile. « Il est primordial de continuer à défendre le principe d'ouverture et de ne pas céder au protectionnisme, comme cela est souvent le cas en temps de crise », a indiqué le ministre adjoint suédois en charge des questions migratoires et de la politique d'asile, Tobias Billströom, sur le site Internet de la présidence suédoise de l'UE. L'appel de Billstrom intervient à la veille d'une réunion des ministres de la Justice et des Affaires intérieures des 27, qui doivent discuter aujourd'hui de la partie du programme de Stockholm consacrée aux questions d'asile et de migration. Ce programme a pour objectif de fixer le cadre de travail de l'UE en ce qui concerne la coopération des polices et des douanes, la protection civile, la coopération judiciaire en matière pénale et civile, les questions d'asile et de migration et la politique des visas pour les années 2010 à 2014. L'action de l'Union en matière de justice et d'affaires intérieures est planifiée dans des programmes de travail quinquennaux. Le premier a été adopté à Tammerfors en 1999. L'actuel programme – programme de La Haye –, adopté à l'automne 2004, est en vigueur jusqu'en décembre 2009. Dimension humaine La création de voies d'accès pour l'immigration légale et l'immigration de main-d'œuvre vers l'UE figure également à l'ordre du jour. Billströom a par ailleurs souligné qu'aujourd'hui, le pays dans lequel on fait sa demande a souvent plus d'importance que les raisons pour lesquelles on sollicite l'asile. Cela doit changer. L'UE doit être « plus ouverte et plus attirante pour l'immigration de main-d'œuvre afin de pouvoir être en concurrence avec les Etats-Unis, le Canada et d'autres pays qui sont bien meilleurs pour attirer vers eux la main-d'œuvre », a-t-il estimé. Selon lui, la Suède veut ouvrir une voie pour ceux qui souhaitent venir travailler en Europe. « Chaque Etat membre doit même, dans l'avenir, pouvoir décider de son niveau d'immigration de main-d'œuvre en fonction des besoins du marché du travail, mais nous devons nous mettre d'accord sur les idées principales », suggère-t-il. L'actuelle présidence de l'UE souhaiterait que les pays membres se mettent d'accord sur le programme de Stockholm afin qu'il soit adopté en décembre prochain. Il est certain que la proposition suédoise va susciter de vives réactions de la France, de l'Italie et même de l'Espagne qui ont clairement déclaré leurs intentions de rendre « étanches » les frontières sud de l'UE. Même l'Union pour la Méditerranée, dont le premier anniversaire vient d'être célébré sobrement, a été conçue sans la dimension sociale et humaine qui aurait pu garantir un partenariat à double sens. La majorité des pays européens préfèrent une « immigration choisie » qui vise à récupérer la matière grise des pays du Sud et à fermer la porte devant des jeunes qui veulent tenter leur chance en Europe. La libre circulation des personnes étant aujourd'hui un vœu pieux, la proposition de la Suède – un petit pays qui a besoin de main-d'œuvre – risque de désunir la grande famille européenne.