Ségolène Royal présentera demain son programme présidentiel en s'appuyant sur les idées issues de plus de 5000 débats participatifs. La candidate socialiste est particulièrement attendue sur ses propositions économiques et sociales. Paris : De notre bureau Le meeting parisien de mardi soir marque-t-il un nouveau départ pour Ségolène Royal, un tournant dans sa campagne alors que 11 sondages consécutifs ont donné Nicolas Sarkozy vainqueur au second tour ? Face aux attaques de la droite, Ségolène Royal a affirmé mardi soir qu'elle tiendrait bon dans la bataille présidentielle, promettant « d'élever la France » et de poursuivre le combat de la gauche pour une « liberté réelle, une égalité réelle, une fraternité réelle ». Ségolène Royal se présente comme la candidate des « sans-voix » et de « l'autorité juste » face à la « brutalité » de Nicolas Sarkozy, candidat d'une « oligarchie » et des « puissances de l'argent ». « La droite ne se gauchise pas : elle fait diversion. Elle cherche à cacher, le temps d'une campagne, qu'elle se ‘‘bushise'' au moment même où le peuple américain ne veut plus des néo-conservateurs », a-t-elle dit, promettant d'offrir aux électeurs « un clivage clair » fondé sur « deux conceptions de la société », « deux visions différentes de la France et de son avenir », a-t-elle dit mardi soir. Face aux projets « communautaristes et anti-laïques », pour un « tout petit nombre » de Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal promet une France « diverse, multiple, colorée, métissée et pourtant très française » qui « sait être fidèle à ses valeurs, protectrice de tous les siens et ouverte sur le monde ». Nicolas Sarkozy fustige les « professionnels de la repentance » Depuis Toulon, ville d'accueil d'une forte communauté pied-noir, acquise au Front national et gérée entre 1995 et 2001 par l'extrême droite, Nicolas Sarkozy, le candidat UMP s'en est pris aux « professionnels de la repentance », jugeant le temps venu du « pardon » et de la « réconciliation » pour tous les peuples méditerranéens, notamment ceux qui furent colonisés par la France en Afrique du Nord : « A tous les peuples de la Méditerranée qui passent leur temps à ressasser le passé et les vieilles haines de jadis, je veux dire que le temps est venu de regarder vers l'avenir. » Courtisant les voix des rapatriés et enfants de harkis, nombreux dans le sud de la France, il déclare : « On doit désapprouver la colonisation et le système injuste, mais il ne faut pas confondre le système et les hommes . » Le candidat UMP a avancé que la France avait « d'abord une dette morale » vis-à-vis de « ceux qui sont revenus des colonies en ayant tout abandonné, n'emportant avec eux que leurs souvenirs de jeunesse et cette nostalgie qui ne les quittera plus jamais ». Il a estimé que le France devait « des excuses et des réparations » aux enfants des harkis qui ont combattu aux côtés des soldats français pendant la guerre d'Algérie, et exprimé la « reconnaissance de la France » à tous les anciens combattants des anciennes colonies. Le ministre-candidat veut également « tendre la main aux Algériens, aux Marocains, aux Tunisiens » et leur dire que « la France les accueille fraternellement ». C'est aussi de Toulon, porte méditerranéenne de la France, que le candidat UMP a développé un discours-programme sur la « grande politique méditerranéenne » qu'il engagerait s'il était élu en proposant la création d'une « union méditerranéenne » sur le modèle de l'Union européenne. Il a estimé que la France devrait en prendre l'initiative avec l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Grèce et Chypre. L'union de la Méditerranée aurait vocation à « travailler étroitement » avec l'Union européenne et à avoir un jour avec elle des institutions communes. Elle aurait un « conseil de la Méditerranée » comme l'UE a un « conseil de l'Europe » et un « système de sécurité collective ». « Notre grand tort est d'avoir longtemps, trop longtemps, tourné le dos à la Méditerranée », a estimé le candidat. Un oubli dû, selon lui, à la guerre d'Algérie, à « l'occultation du passé colonial » de l'Europe et à la « mode si détestable de la repentance ». Nicolas Sarkozy voit dans l'union méditerranéenne une solution au problème de la Turquie, dont il a réaffirmé qu'elle n'avait « pas sa place dans l'Union européenne ». « C'est la grande ambition commune que je proposerai à la Turquie : être le pivot d'une nouvelle alliance, d'une nouvelle union méditerranéenne », a dit le candidat de l'UMP. Le candidat UMP a souhaité que les quatre piliers de cette nouvelle organisation internationale soient une politique d'immigration choisie, l'écologie, le co-développement et la lutte contre le crime organisé. Pour Nicolas Sarkozy, c'est aussi dans le cadre de l'union méditerranéenne qu'il faudrait concevoir une « politique commune d'immigration choisie ». Chaque pays fixerait chaque année le nombre d'étrangers qu'il peut accueillir et une « charte » définirait « clairement les principes de l'entrée et du séjour des étrangers dans les pays d'accueil ». Durcissement de la politique d'immigration Nicolas Sarkozy a prôné la conclusion d'une convention entre les pays méditerranéens pour faciliter les reconduites à la frontière et plaidé pour un durcissement, en France, de la lutte contre l'immigration clandestine. Il a souhaité qu'un immigré reconduit dans son pays ne puisse plus avoir de titre de séjour en France pendant les cinq ans qui suivent et que les étrangers en situation irrégulière soient « exclus du droit au logement opposable ». Le « co-développement », notamment pour résoudre le problème du sous-développement de l'Afrique, serait le troisième pilier des politiques communes de l'union méditerranéenne, avec un « développement solidaire au lieu d'être antagoniste », la reconnaissance d'un « intérêt méditerranéen commun », le partage de la technologie, de la connaissance, des compétences, des médicaments entre les pays, des universités, des pôles de compétitivité et des laboratoires communs tout le pourtour de la Méditerranée, un « libre-échange négocié et régulé »... Il a également proposé la création d'une « Banque méditerranéenne d'investissement » sur le modèle de la Banque européenne d'investissement et la conclusion d'accords de sous-traitance entre les entreprises, ainsi qu'une « gestion commune de l'eau » et une politique commune de l'énergie. Le quatrième pilier serait la coopération dans la lutte contre la corruption, le crime organisé et le terrorisme, et la création d'un « espace judiciaire commun ». Nicolas Sarkozy a estimé qu'il faudrait aussi « repenser » la politique arabe de la France et le problème de la paix au Moyen-Orient dans le cadre de cette union : « Si nous voulons trouver une solution à ce conflit qui empoisonne l'équilibre du monde, nous devons le traiter dans le cadre du bassin méditerranéen. » Nicolas Sarkozy n'a, toutefois, pas précisé quels pays pourraient faire partie de cette union.