Mais la Coupe du monde de football pourrait changer la donne, surtout si l'équipe nationale fait bonne figure. «Je suis un fan de rugby, mais je ne suis pas contre le football. Et, aujourd'hui, c'est une affaire de choix, ce n'est plus une question de division raciale. C'est juste que ma culture, c'est le rugby et non le foot », explique Bruce Esterhuizen, descendant des premiers colons européens, les Afrikaners. «Je n'ai rien contre le foot et, bien sûr, je vais soutenir mon pays et mon équipe», lance cet homme de 39 ans qui vit en famille à Pretoria, également appelé Tshwane. Fondé en 1855 par des colons fuyant l'autorité britannique, l'actuel siège du gouvernement sud-africain a conservé une forte identité afrikaner. La communauté blanche de Pretoria, qui représente 28% de la population, adore le Super 14 (championnat des meilleures provinces de rugby de l'hémisphère Sud) et l'équipe des Blue Bulls basée en ville. Elle a toujours été indifférente au football, sport très apprécié par les Noirs. La première rencontre de la Coupe du monde, vendredi, entre l'équipe nationale des Bafana Bafana et le Mexique devrait aplanir ces frontières. «Si les Bafana gagnent leur premier match, tout le monde va les suivre», prédit M. Esterhuizen. Pour lui, le Mondial est une chance d'unir les habitants de Pretoria, comme en 1995 avec la Coupe du monde de rugby. Le premier président noir du pays, Nelson Mandela, avait rallié la majorité noire derrière les Springboks, vainqueur du trophée un an à peine après la chute du régime d'apartheid. Quinze ans plus tard, il y a peu de chance que les Bafana Bafana, 83es au classement mondial de la FIFA, réitèrent un tel exploit. Pour Gerhard et Riekie Rudolph, un premier pas a de toute façon été franchi avec la Coupe du monde. Ce couple de Pretoria s'est rendu le mois dernier à Soweto, célèbre township de Johannesburg, pour soutenir l'équipe des Blue Bulls, «délocalisée» dans ce quartier de football, parce que son stade habituel était occupé pour préparer la venue de plusieurs matches du Mondial. Les Blue Bulls affrontaient les Néo-Zélandais de Canterbury Crusaders pour la demi-finale du Super 14. Dans le stade d'Orlando, temple historique du ballon rond, des habitants noirs du township se sont retrouvés avec des fans blancs de rugby, dont la plupart se rendaient pour la première fois à Soweto. Après ce premier essai, des matches de préparation de la Coupe du monde ont également été très suivis par de nombreux Sud-Africains, même à Pretoria. «C'est une ville de rugby. Le foot, c'est pour les femmelettes», commente John Wilkinson, 75 ans, qui admet cependant avoir regardé le match Afrique du Sud – Danemark (1-0) la semaine dernière. «En fait, j'ai bien aimé. J'ai même été assez surpris», lance cet ancien joueur de rugby.