La laïcité stricte, loin d'affaiblir l'islamisme, l'attise davantage tant elle stigmatise l'Islam». C'est l'idée qui a prévalu, hier, lors des débats d'El Watan autour de «La laïcité et l'Islam», animés par Cécile Laborde, politologue, professeur de théorie politique à l'université de Londres et spécialiste du modèle républicain de la laïcité. Les «laïcs stricts» considèrent ainsi que le port d'un signe religieux remet en cause le principe de la laïcité et que le hidjab est un symbole de domination masculine. Le fait est que l'histoire de France, ponctuée de guerres de religion, a incité à une pratique discrète de la foi. «Il existe notamment un principe juridique selon lequel une réserve religieuse doit s'appliquer aux fonctionnaires pour représenter l'impartialité de la France», souligne-t-elle. De là vient peut-être l'obsession française des signes religieux. C'est dans les écoles publiques que la laïcité stricte a trouvé son application maximale. Les partisans de la «laïcité ouverte» perçoivent la laïcité comme une idéologie qui masque la réalité des inégalités des religions en France. Dans le fond, explique la conférencière, le pays de Sarkozy n'est pas si différent des pays européens qui n'appliquent pas le principe de la séparation de l'Eglise de l'Etat. La France serait, selon la description des «laïcs ouverts», un «Etat catho-laïque». Les arguments appuyant cette affirmation sont légion : l'Etat français entretient les églises, accorde des avantages fiscaux aux associations religieuses et sponsorise les écoles privées religieuses. «Il apparaît, commente Cécile Laborde, que la laïcité réelle a peu de rapports avec la laïcité fantasmée.» En fait, on demande aux musulmans de se conformer à une laïcité imaginée. Selon les partisans de la «laïcité ouverte», la séparation n'est pas l'égalité. Les religions doivent être traitées équitablement par l'Etat. Cécile Laborde estime que la laïcité est un principe qui devrait s'appliquer aux institutions et non aux citoyens. Il faut néanmoins faire des accommodements pour respecter la liberté religieuse. La conférencière préconise un soutien financier aux écoles privées musulmanes, une aide publique à la construction des mosquées et la permission de consulter des imams dans les prisons. «Aujourd'hui, il est plus facile d'être chrétien que musulman en France. On ne peut pas demander aux musulmans de respecter la laïcité si d'autres groupes religieux s'en sont affranchis.» Les craintes des Français au sujet de l'Islam s'amoncellent, offrant une belle image de leur méconnaissance de la religion de Mahomet : L'Islam est-il compatible avec la laïcité ? La loyauté des musulmans par rapport à la Ouma remet-elle en cause leur intégration ? L'Islam a-t-il des tendances prosélytes ? La laïcité est brandie comme un épouvantail pour justifier leurs appréhensions. Cécile Laborde se montre très critique de la loi, votée en 2004, interdisant le port du foulard dans les établissements scolaires. Pour les laïcs «stricts», le foulard représente le «non-respect de liberté de conscience de celles qui ne le portent pas». En clair, les femmes qui portent le foulard culpabiliseraient les autres. Aux Etats-Unis, le principe de «non-establishment» met en avant la laïcité pour préserver la liberté religieuse de ses citoyens. «L'Amérique accorde la primauté à la liberté de conscience tandis que la laïcité républicaine française tend à la préservation de la sphère publique laïque.» En France, la liberté religieuse peut être limitée au nom de la laïcité. La laïcité à la française est ainsi perçue, par les Anglo-Saxons, comme une forme très autoritaire de la démocratie.