Pour faire face à l'exiguïté de ces habitations précaires, les occupants procèdent trop souvent à leur extension en érigeant tout autour des abris de fortune et des constructions sommaires. Certains réalisent ces nouvelles pièces à l'aide de matériaux de construction (briques ou parpaings) tandis que d'autres utilisent des matériaux de fortune et de récupération (tôles, planches en bois, plastique, bâches, etc.). Dans les deux cas, le décor est le même et ne diffère pas trop des grands bidonvilles de la banlieue algéroise. La défiguration de ces sites est aggravée par les clôtures cernant les chalets, faites dans la majorité des cas d'objets disparates (morceaux de nylon et de tissu, de zinc et de bois). Les habitants de ces sites s'en défendent et estiment qu'«il est impossible de vivre dans une habitation en préfabriqué d'une superficie de 36 m2». «Nous sommes une famille de 7 personnes, vous pouvez deviner facilement comment nous vivons à l'intérieur de ce chalet. Il ne faut pas s'étonner de voir les gens procéder à l'extension de leurs habitations. Que l'on nous donne des logements décents et que l'on rase ces sites. Mais tant que nous sommes abandonnés par l'Etat, plus de sept ans après le séisme, alors que ces habitations ont une durée de vie limitée, c'est notre droit légitime de faire de ces chalets qui nous appartiennent ce que nous voulons», déplore un père de famille au niveau d'un site de chalets à Boudouaou, qui en a bénéficié dans le cadre du logement social. Extension et dégradation En procédant à l'extension de leurs habitations, les occupants de ces sites déclarent être «à la recherche d'un minimum d'intimité». «L'intimité n'a plus de sens dans les chalets, surtout lorsqu'il s'agit de familles nombreuses. Face à la gêne que cela entraîne, si j'avais la possibilité de construire sur le toit du chalet, je le ferais», ironise avec amertume un habitant d'un chalet dans la commune de Corso, daïra de Boumerdès. A l'extension des chalets par leurs occupants, vient se greffer la dégradation effrénée de ces habitations précaires dont la durée de vie est de 10 ans. En effet, «le bois dont est fait le sol des chalets est découvert en raison de la dégradation du plastique le recouvrant. Par conséquent, il est plus exposé, notamment à l'eau de nettoyage, donc il se dégrade rapidement», nous dit Saïd, un occupant d'un chalet à Boudouaou. Plusieurs habitants se plaignent déjà de la moisissure du sol. D'autres soulèvent le problème de la dégradation des parois. La quasi-totalité des chalets présente des dégradations au niveau des murs, des ouvertures et même du toit. La peinture est usée à mesure que les étés et hivers passent. Certains habitants se plaignent même de l'infiltration de l'eau à l'intérieur des chalets. Devant une telle dégradation, il est aisé d'imaginer ce que sera la situation de ces habitations au-delà de leur durée de vie, soit après 2013. Mais les pouvoirs publics seront-ils en mesure de reloger plus de 15 000 familles en moins de 3 ans ? Etant donné qu'il existe encore des centaines de familles sinistrées du séisme de 2003 qui attendent toujours leur relogement, on peut répondre par la négative sans prendre aucun risque de se tromper. Si des sinistrés ayant perdu leur logement dans ladite catastrophe ne sont pas encore relogés plus de sept ans après le drame, les familles ayant bénéficié de ces chalets dans le cadre social devront peut-être attendre des décennies. Entre-temps, les enfants vivant dans les chalets aujourd'hui ou ceux qui ne sont pas encore nés seront, à leur tour, en plus de leurs parents, dans le besoin d'un logement auquel les pouvoirs publics devront faire face avant de les évacuer de ces bidonvilles de demain. Et cette bidonvilisation touchera les daïras de Boumerdès, Bordj Menaïel et de Boudouaou plus que les autres. Car ces trois daïras, à elles seules, comptent plus de 10 400 chalets, soit un tiers des chalets installés sur tout le territoire de la wilaya. Lorsqu'on sait que la réalisation de logements en général et la reconstruction de ceux effondrés lors du séisme en particulier accuse un retard de… près de 10 ans, l'on peut dire que l'éradication de ces futurs bidonvilles n'est pas pour demain. Les pouvoirs publics n'ont d'ailleurs pas encore arrêté un échéancier ferme pour raser ces habitations et faire ainsi disparaître un autre aspect du souvenir douloureux de mai 2003. Ahmed Ouyahia, lors de la campagne électorale pour la présidentielle dernière, avait promis aux citoyens venus l'écouter à la salle omnisports de Boumerdès que les chalets seront tous démantelés et leurs occupants relogés. Trois ans plus tard, aucune décision concrète n'est prise dans ce sens. Il est quasi certain que les 15 000 familles occupant ces chalets entendront des promesses similaires lors des campagnes électorales à venir.