Douze ans se sont écoulés, jour pour jour, depuis l'assassinat du chantre de la chanson kabyle, Matoub Lounès, mais ses chansons résonnent continuellement. «Malgré sa disparition, il est toujours un symbole et un repère incontestables de la résistance pour la démocratie et la liberté», note un jeune, la trentaine, mercredi dernier, à Taourirt Moussa, village natal du Rebelle. Là, tout le monde se rappelle de la journée fatidique du 25 juin 1998. «C'était un homme très généreux. Il aidait surtout les pauvres», témoigne un quinquagénaire qui, dit-il, a connu Matoub dès son enfance. Dans une aile de la maison familiale, qui abrite le siège de la fondation Matoub, une statue et une stèle érigées à l'effigie du défunt, gardent fièrement et savamment le souvenir d'un «artiste debout». La voiture de Lounès, trouée de balles, est toujours exposée au regard des visiteurs qui s'y rendent pratiquement tout au long de l'année. Ces jours-ci, en l'absence de Nna Aldjia et Malika, respectivement mère et sœur du défunt, qui sont actuellement en France, ce sont les membres de la fondation qui accueillent les visiteurs. «Cette année, nous avons pensé organiser une exposition au niveau de la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou pour permettre au grand public de revisiter le Rebelle. Ici, comme de tradition, depuis la mort de Lounès, nous avons prévu un recueillement sur la tombe du défunt», nous a expliqué un membre de la fondation. Fonds documentaire Dans la maison de la culture de Tizi Ouzou, une exposition de livres, de revues et de coupures de journaux et autres documents sur la vie et l'œuvre du Rebelle se tient depuis quelques jours. Une table ronde a été également animée par des universitaires et militants de la cause berbère. Il s'agit, entre autres, de Malika et Idir Ahmed Zaïd ainsi que Saïd Chemakh qui ont évoqué l'œuvre artistique et poétique de Matoub. Un concours de poésie figure également, cette année, dans le programme de la commémoration de la disparition du chanteur. Trois jeunes poètes, Anouar Dahbia dit Samira Neqlia (1er prix), Belkadi Amar (2e prix) et Akiche Amar (3e) ont été les lauréats de cette édition. «Notre objectif est d'arriver à mettre à la disposition des chercheurs et des scientifiques un fonds documentaire pour mieux expliquer la chanson et la poésie de Lounès», a précisé Juba Laksi, secrétaire général de la fondation. Dans le programme des activités du 12e anniversaire de l'assassinat de l'enfant de Beni Douala, on note aussi la projection vidéo des galas de Matoub. A l'occasion aussi, la fondation a prévu d'allumer 1000 bougies autour de sa maison, à Taourirt Moussa. «Pour ce vendredi, nous allons accueillir pas moins de 150 délégations du mouvement associatif, collectif et des officiels ainsi que des personnalités qui viendront rendre hommage à Lounès et se recueillir sur sa tombe», annonce M. Laksi qui précise que Malika Matoub, présidente de la fondation, sera absente, cette année «pour des raison de santé». «Malika ne sera, malheureusement, pas présente car elle est malade. D'ailleurs, elle est convoquée par la justice le 10 juillet prochain pour l'affaire de l'assassinat de son frère, mais je pense qu'elle ne peut pas venir puisqu'elle souffre d'un problème de santé.» Puisque je suis né kabyle Par ailleurs, plusieurs associations culturelles dans la wilaya de Tizi Ouzou ont marqué le 12e anniversaire de la disparition de Matoub. Dans la région, les fans de Lounès l'immortalisent à leur manière, tant ses chansons raisonnaient dans les différentes boutiques et à l'intérieur des véhicules dans la ville des Genêts. Le style Matoub reste indétrônable. A l'étranger, l'auteur de la célèbre chanson Aghouru a été revisité. En France, l'association Tikli des étudiants berbères de Paris VIII et l'Association des jeunes Kabyles de France a mis sur pied un programme de festivités pour marquer l'occasion. Des films documentaires et une conférence intitulée «Puisque je suis né kabyle» animée par Yella Sedik, écrivain et Hacène, enseignant universitaire, sont au menu de cette commémoration. Un rassemblement est également prévu pour aujourd'hui, à Paris. A Marseille aussi, la mémoire de Lounès sera honorée par une veillée artistique. Matoub reste un mythe. Artiste engagé, il défend la culture amazighe, la démocratie, a maintes fois fustigé les «décideurs», notamment dans sa dernier titre, Agherou (trahison). La vie du Rebelle était émaillée de troubles. Il avait reçu une rafale de balles tirées par un gendarme, en octobre 1988, à Aïn El Hammam. Le 25 Septembre 1994, il a été enlevé par un groupe d'individus armés à Takhoukht, près de Tizi Ouzou avant d'être libéré par ses ravisseurs après 15 jours de captivité et suite à une importante mobilisation en Kabylie. Matoub sera assassiné le 25 juin 1998, à Talla Bounane, sur la route de Beni Douala. Douze ans plus tard, la justice n'a pas encore traité l'affaire de cet assassinat. Le procès a été plusieurs fois reporté. Il devait se tenir en juillet 2008, en présence de 51 témoins mais il n'a pas eu lieu. Le juge avait demandé un complément d'enquête. Deux ans plus tard, le flou est entretenu.