« Faites les jeunes heureux, vous les faites meilleurs. » Dans notre pays, durant les années 70 et 80, les colonies de vacances ont connu un appréciable essor. Certaines localités du littoral devenaient, pour la durée de l'été, de véritables regroupements de jeunes venus de toutes les régions du territoire. Les colons, filles et garçons, en tenues claires de couleurs gaies, envahissaient, lors des promenades et des sorties, les plages et artères de la ville. Ces régions désertes durant l'hiver reprenaient vie : animation sympathique, kermesses, cris de joie, chants… L'insécurité dans le pays dans les années 90 a vu leur nombre diminuer. Aussi, certaines entreprises publiques en faillite ont mis fin à ces séjours que leurs enfants savouraient chaque année avec avidité. Maintenant que la sécurité s'installe, verra-t-on ces lieux enchanteurs offrir leurs belles plages, leurs verdoyantes forêts, leurs magnifiques campagnes, leurs majestueuses montagnes à notre jeunesse assoiffée de loisirs sains, avides de dépaysement, de découvertes, d'évasion ? L'enfant, les loisirs et les vacances L'évolution rapide de notre société bouleverse, depuis des décades, les modes de vie et les comportements humains. Les méfaits d'une urbanisation anarchique, les rythmes scolaires épuisants, les programmes chargés, les difficultés et les incommodités des transports, les nuisances de toutes sortes, provoquent en réaction, un besoin toujours accru de détente, de loisirs et de vacances. Il ne s'agit pas pour l'homme de refaire le plein de sa capacité de travail, il s'agit de rechercher une parade aux agressions et aux insatisfactions d'une vie de plus en plus déshumanisée. Ainsi, le loisir apparaît comme l'un des grands phénomènes sociaux de notre temps. Certes, le loisir ne saurait à lui seul tout résoudre : le combat pour le droit aux loisirs et aux vacances s'inscrit dans celui, plus général, du droit pour tous à une vie plus authentiquement humaine par l'amélioration des conditions de travail, de transport, de logement et de l'environnement. Il est inséparable notamment du combat mené pour un système éducatif permettant à chacun d'aller au bout des ses aptitudes. Le droit aux loisirs C'est ainsi que dans ce domaine particulier de l'enfance, l'O.N.U, en proclamant la déclaration des droits de l'enfant, a invité les organisations bénévoles, les autorités locales et les gouvernements nationaux à reconnaître ces droits aux loisirs et à s'efforcer d'en assurer le respect au moyen des mesures législatives et autres adoptées progressivement en application des principes suivants : 1. L'enfant doit bénéficier d'une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l'effet de la loi et par d'autres moyens afin d'être en mesure de se développer d'une façon saine et normale. 2. L'enfant doit avoir toute possibilité de se livrer à des jeux et à des activités récréatives qui doivent être orientés vers les fins visées par l'éducation. La société et les pouvoirs publics doivent s'efforcer de favoriser la jouissance de ce droit. La portée de cette déclaration est plus actuelle que jamais. Aujourd'hui, plus encore que dans un passé récent, les activités socio-éducatives et sportives pratiquées pendant les temps de loisirs et de vacances sont un élément essentiel de l'éducation permanente. L'éducation scolaire, la formation professionnelle, la formation permanente, l'éducation par les activités de loisirs, doivent constituer un tout cohérent. Elles représentent un facteur d'équilibre dont l'importance est fondamentale pour le développement de l'individu. Différentes de l'école, différentes de la famille, les collectivités de loisirs d'enfants et de jeunes participent à l'éducation. Un besoin Profond Le loisir n'est ni oisiveté ni évasion, il est un besoin profond de l'individu qui doit pouvoir en disposer librement pour lui-même et pour un temps dont il est au premier degré propriétaire. Si le besoin de loisirs et de vacances est perçu par l'ensemble de la population, c'est pour les enfants et les jeunes qu'il présente le plus d'actualité. Ce sont eux, en effet, les plus fragiles et les plus vulnérables, qui sont les plus touchés. Ils le sont d'abord dans leur personne, car les conditions de vie des adultes sont aussi les leurs. Ils le sont enfin par contrecoup, par les difficultés dans lesquelles se trouvent les adultes de leur accorder les attentions et le soutien dont ils ont besoin. Pas plus que les maîtres, ils ne sont responsables de l'indisponibilité des parents qui travaillent, enfin ils ne sont pas plus que les travailleurs responsables du chômage. Pourtant, ils sont les premières victimes de cette situation. Les difficultés rencontrées au niveau des études, le manque de perspectives et de débouchés professionnels, le chômage qui les frappe au sortir de l'école, la crise de logement, la malvie, l'accroissement des disparités, la libération de l'économie nationale et le développement de diverses publicités, entraînent souvent chez eux, l'inquiétude et le désarroi. En outre, les enfants et les jeunes disposent de temps de loisirs et de vacances d'une durée sensiblement supérieure à celle dont bénéficient leurs parents. Les heures non couvertes par la scolarité ne sont pas toutes des heures de vie familiale surtout quand les parents travaillent, tout comme les temps de vacances scolaires par leur durée même ne peuvent tous être des temps de vacances en famille. L'organisation de ces temps libres, la mise en place de structures d'accueil revêtent un caractère d'urgence dont l'acuité est chaque jour plus évidente : l'enfant, en effet, n'a guère de place dans la cité. L'appartement, la cour de l'école, la rue n'offrent le plus souvent que des espaces réduits, voire dangereux, qui entravent sa nécessaire liberté de mouvement, restreignent ses possibilités d'expression, de création, de communication, limitent son aptitude à nouer des relations harmonieuses avec ses semblables, conditions essentielles de sa santé mentale. Le loisir et les vacances, par l'importance grandissante qu'ils prennent dans la vie quotidienne de l'enfant, peuvent et doivent évoluer encore plus que par le passé, un rôle social de premier plan et particulièrement en matière de prévention et de protection. L'importance des centres de loisirs et des colonies de vacances Partir en colonie de vacances, c'est aller à la découverte, à la conquête d'un autre monde ! Les centres de vacances et de loisirs sont d'abord l'occasion de la détente et du repos. Ils sont aussi celle du libre choix, de l'acte volontaire. Ils sont encore, notamment pendant les vacances, dépaysement et suscitent de ce fait la curiosité et la découverte, ils aident ainsi l'enfant à conquérir son espace, à élargir sa vision des choses et des êtres. Ils permettent de renouer avec la nature et les éléments : l'air, l'eau, l'arbre, la campagne… Des créations d'éveil, R. Toraille dit : « Dynamiques, les activités d'éveil partent d'un certain capital de l'enfant et entraînent à des actions personnelles qui aboutissent à un accroissement du capital primitif. Mieux encore, elles enrichissent la personne elle-même, un enrichissement perceptible à trois niveaux : annexion de faits (instruction), annexion à des méthodes de travail manuel (formation) sens des vocations de loisirs désirables et de la culture permanente nécessaire (éducation) » Il en est ainsi parce que les sources d'activités sont authentiques. Toute la colonie devient « une ruche » heureuse et frémissante,ouverte en permanence sur le monde et sur la vie. C'est le milieu historique et géographique qui offrira seulement la possibilité d'éveiller l'esprit de l'enfant de l'idée de passé, de chronologie, à l'idée du monde et d'environnement diversifiés. Les matières d'éveil seront une source d'intérêt, une réserve de thèmes dans laquelle on puisera pour motiver les activités dirigées, des enquêtes, des recherches individuelles ou collectives. L'enfant apprendra en même temps à regarder, à soutenir son attention, à se former par lui-même une représentation mentale ordonnée des faits et des choses, sens des vocations de loisirs désirables et de la culture permanente nécessaire. Une des tâches prioritaires des animateurs du camp de vacances se trouve d'emblée définie : elle consiste à donner à l'enfant ce qui lui permettra de saisir son univers, présent comme futur, et cela grâce aux activités d'éveil, gage d'une adaptation permanente qui le conduira à l'essentiel, en passant par l'observation, la découverte et la réflexion, puis en allant directement à l'indispensable, en le cernant, en l'analysant presque d'instinct, il en tire alors, grâce aux questions qu'il pose et qu'il se pose comme aux réponses que lui apportent les êtres et les choses, un épanouissement progressif et équilibré de son sens critique et plus généralement de sa personnalité. Elle consiste aussi à acquérir et à développer un appétit durable et jamais satisfait, d'aller toujours plus loin dans la découverte et la compréhension, enfant inlassablement curieux, impatient, émerveillé, sans cesse prêt à s'adapter avec souplesse à des présents et à des futurs en mouvance chaque jour. Dans ces perspectives, il attend avec confiance les réponses aux « pourquoi ? » : s'informer, savoir retenir son jugement, rechercher la vérité derrière les apparences. Il s'habituera à la discipline librement consentie et à la coopération au sein du groupe. Les activités réaliseront à la fois la formation de sa personnalité et le développement de sa sociabilité. Elles donneront un sens à l'obéissance. Ainsi se précise le rôle véritable du centre de vacances en matière de préparation sociale : permettre d'abord à l'individu de trouver sa place dans le groupe, lui permettre ensuite d'utiliser ses capacités et ses forces personnelles pour le progrès de la communauté. Animation et Activités Lever des couleurs accompagné de l'hymne national, petit déjeuner, rangement des lits (apprendre à faire son lit), chants, plage, sieste, travaux manuels, (ateliers divers : plâtre, dessins, découpage, peinture…) promenade (découverte de la faune et la flore de la région, patrimoine archéologique, domaine agricole, unité industrielle, musée…) veillées culturelles, veillées histoires, veillées théâtre, danses folkloriques, chants, chorale, bataille navale (jeu), soirée feu de camp avec chansons appropriées et contes. Les jeux sur la plage consistent en la pratique d'exercices physiques de réchauffement avant d'entamer la baignade. Des mini jeux olympiques sont également organisés : course, saut, natation, football. Les médailles en plâtre sont confectionnées par les colons, or en jaune, argent en gris, bronze en noir. A chaque séjour, lors des veillées et des rencontres sportives, des petites perles d'artistes en herbe se font découvrir : des petites chanteuses à la voix magnifique, des acteurs de théâtre qui n'ont rien à envier aux professionnels, des jongleurs de ballon (des futurs Garrincha), des nageurs, coureurs du 100 m doués, des danseurs d'une grande classe, qui sont à encourager et à suivre. Des troupes folkloriques ou orchestres de la région sont invités aussi pour animer les soirées et la kermesse de fin de séjour. Par le jeu et les activités multiples qu'ils y pratiquent, les centres de vacances offrent à l'enfant et au jeune la possibilité d'expériences développées dans un milieu riche par le contact direct avec les activités de l'homme et des animaux dans leur milieu naturel. Les connaissances qu'il acquiert ne sont pas aux conditions d'un programme mais sont le fruit de découvertes personnelles. Et s'il y a programme, c'est celui que le groupe s'est donné, qui s'organise pour le mener à bien, se répartit les tâches et les responsabilités puis gère en commun les moyens de son entreprise. Sous d'autres cieux, des centres de vacances proposent des loisirs à la carte aux jeunes. L'enfant choisit entre faire de l'équitation ou l'initiation à la plongée sous-marine, du karting ou faire de la voile, du canoë kayak, du VTT ou rester au camp lire, jouer aux échecs, ou d'un instrument de musique, s'adonner aux jeux vidéo… Il est encadré par des moniteurs compétents d'une grande expérience. L'activité de loisirs représente pour l'enfant et le jeune un banc d'essai de leurs possibilités et de leurs aspirations : ils peuvent s'exercer et mesurer sans dommage, puisque tout succès y est occasion de satisfaction et tout échec en l'absence de sanction sociale, une occasion de perfectionnement ultérieur. Enfin, et peut-être surtout, les centres de vacances et de loisirs mettent en relation des jeunes et des adultes qui vont mener ensemble une entreprise commune. Dans un centre, il vous arrive de côtoyer des enfants, ainsi que les encadreurs issus de différentes régions du pays. Encadrer des petits Marocains, Algériens, Tunisiens ensemble, c'est encore mieux. Une colonie de vacances internationale est plus enrichissante en contacts, apports culturels, et plus vivante en émotions diverses. Leur brassage permet non seulement d'élargir leurs horizons mais de tisser des liens de fraternité et d'amitié entre jeunesse maghrébine et du monde. Grâce à l'action des animateurs ayant une formation et une expérience solides (enseignants et étudiants pour la plupart) suffisamment jeunes pour être sensibles aux problèmes des jeunes et conscients des buts et des objectifs visés pour répondre à leurs attentes, à l'action aussi de l'encadrement (directeur, intendant, cuisinier, médecin, surveillant de baignade) que la colonie vit sa plénitude. Les lieux d'hébergement jouent un grand rôle dans la réussite du séjour. Il y a des centres qui jouissent de toutes les commodités : dortoirs et réfectoires spacieux, bien aérés, eau chaude pour les douches, théâtre de verdure, piscine … mais la majorité des centres de vacances chez nous sont des camps de toile (cuisine, réfectoire, douches, sanitaires sont en dur). Des établissements scolaires sont souvent réquisitionnés. A éviter ! Car ils ne sont pas fonctionnels, se trouvant en milieu de cité urbaine, le dépaysement pour l'enfant n'est pas assuré. Préserver la jeunesse Soustraire les enfants à la rue qui est le réseau d'influences néfastes qui enveloppent l'enfant de toutes parts, les exemples qu'il a sous les yeux, les paroles qu'il entend, les sentiments qu'il devine, les mœurs dont il s'imprègne, les habitudes qu'il contracte : fumer, chiquer, commettre furtivement des petits vols, l'attrait du gain facile, s'adonner à des jeux dangereux, s'exposer aux dangers de la route qui connaît actuellement une importante croissance de la circulation automobile… Les vacances d'été voient la grande majorité de nos enfants livrés à eux-mêmes. C'est la rue qui les prend avec ses passants, ses incidents, sa vie qui n'est pas toujours bien édifiante, car c'est par une véritable endosmose qu'agissent « ces influences muettes ». Au cours de l'année scolaire, soustraire aussi les gamins à la rue en les confiant, après les heures de classe, à des œuvres péri-scolaires (activités sportives, artistiques, maisons de jeunes, centres de plein air…) dévient une nécessité. Ce qui atténuera le phénomène de la délinquance qui prend de l'ampleur ces derniers temps dans notre pays. Au niveau de la wilaya de Constantine, 130 mineurs des deux sexes, auteurs de différents délits ont été placés par les autorités judiciaires auprès du service Soemo cette année (Quotidien d'Oran du 19 juillet 2009). Les centres de vacances méritent d'être multipliés et plus largement pris en considération. Dans l'ensemble des interventions scolaires et culturelles, ils occupent une place dont l'importance grandit et revendiquent à juste tire les moyens de leurs ambitions : accueillir tous ceux qui le désirent et tous ceux qui ne bénéficient pas de vacances. Ces centres de vacances et de loisirs, avec les diverses animations qu'on y pratique contribuent à donner et à garder chez l'enfant algérien. « Une jeunesse de l'intelligence » : l'esprit d'équipe, actif, ouvert, chercher à apprendre, à se cultiver, à réviser ses jugements, esprit droit, esprit d'observation, esprit critique « Une jeunesse du cœur » : être aimant, tolérant, généreux. « Une jeunesse de l'âme » : avec ses enthousiasmes, la passion de la justice, le dévouement à une idée, l'attrait de l'idéal. « Ah ! Les jolies colonies de vacances, merci papa, merci maman, tous les ans, je voudrais que ça recommence »… Pierre Perret. L'auteur est Directeur d'école retraité et ancien directeur de centre de vacanceset de loisirs.