La région de Tébessa renferme plus d'une centaine de sites archéologiques. C'est un véritable musée à ciel ouvert, qui demeure néanmoins sans surveillance, sans un inventaire des richesses. Le phénomène de dilapidation du patrimoine a connu une nette recrudescence ces dernières années. Un archéologue, qui connaît bien la région, nous déclare à ce propos : «Des milliers de pièces léguées par les civilisations romaine, byzantine, arabe ou autres sont chaque année livrées à un pillage en règle, et de fait un véritable commerce juteux des trafiquants qui opèrent une véritable saignée de ces biens culturels. Le trafic, qui ne date pas d'hier, est encouragé par des collectionneurs européens. Ce sont des commanditaires qui incitent, par le biais de Tunisiens, certains habitants des frontières à effectuer des fouilles clandestines, surtout dans les sites non surveillés se trouvant dans des zones éparses.» Peu à peu, ce trafic s'est organisé, allant jusqu'à utiliser des cartographies. Avec la complicité de Tunisiens et d'Européens, des Algériens se présentent, cartes en main, se faisant passer pour des archéologues, afin de subtiliser en toute tranquillité des objets précieux tels que des têtes en marbre, des poteries et autres, au niveau des différents sites de la ville de Tébessa. Ces réseaux recourent également à la contrefaçon. Un membre de l'association Minerve pour la sauvegarde du patrimoine archéologique explique à ce propos : «Cette méthode consiste à photographier une pièce archéologique en 3D pour en faire une copie ; celle-ci remplacera la pièce authentique dans les musées.» Nous saurons ainsi que la région de Tébessa est actuellement perçue comme étant la plaque tournante de ce genre de trafic. Depuis qu'une brigade spécialisée dans la préservation des biens culturels a été mise en place dans les trois institutions : la gendarmerie, les douanes et la police, l'étau tend à se resserrer sur les trafiquants. Ainsi, une pièce archéologique datant de l'époque romaine a été récupérée en septembre dernier par la brigade de la lutte contre le trafic des biens culturels ; l'objet en question, en bronze, représente la tête du Christ et est estimé à 5 millions de dinars. Par ailleurs, au début de l'année en cours, un réseau de trafic de pièces archéologiques a été démantelé par la brigade de la recherche de la gendarmerie dans la commune de Ouenza. Neuf personnes spécialisées dans ce trafic ont été arrêtées à Oued El Gassab, à mi-chemin entre la commune de Ouenza et Taoura (wilaya de Souk Ahras), lieu d'une transaction entre les trafiquants et les éléments de la gendarmerie qui se sont fait passer pour des collectionneurs de pièces archéologiques. Cinq pièces de valeur, en l'occurrence des statuettes en bronze, un chandelier juif et d'autres pièces remontant à l'époque romaine, ont été récupérées. Une tête en bronze à 5 millions de dinars Peu de temps avant, de nombreuses pièces romaines avaient été subtilisées d'un site archéologique dans la commune d'El Houidjbet et les auteurs présumés de ce vol sont, affirme-t-on, de nationalité tunisienne. Une enquête sera enclenchée par les services de la Gendarmerie nationale et, un an plus tard, plus de 53 pièces de monnaie et une statuette datant de l'époque romaine seront récupérées par les services de police à Tébessa, alors qu'elles étaient sur le point d'être acheminées vers la Tunisie. Cela, sans compter le nombre important d'opérations avortées de fouilles suspectes au niveau des sites archéologiques. C'est le cas, par exemple, de la mise en échec, début 2007 à Tébessa, d'une opération d'exportation frauduleuse d'objets composés d'une colonne portant des inscriptions romaines, des jarres, des pierres gravées d'inscriptions byzantines et d'autres datant de l'ère préhistorique. Sur les sites de Gastel, d'Elma Labiod, de Tébessa et de Besseriani, à l'extrême sud de la wilaya, des pièces de monnaie, des poteries, des sarcophages, des pans de mosaïque… ont été détournés par des inconnus, du fait que la région se trouve à quelques encablures seulement des frontières. La statue de l'Etoile filante (une femme nue) a disparu il y a 15 ans de cela et a été cédée à un prix dérisoire à un Italien, qui l'attendait sur le sol tunisien. Elle sera heureusement récupérée par la brigade de la gendarmerie de la lutte contre le trafic des biens culturels. On citera aussi le cas de la statue de Jeanne d'Arc, debout, portant une lance à la main, qui avait également disparu. Un pillage en règle facilité par le fait que la région, qui fait frontière avec la Tunisie, possède des couloirs incontrôlés, permettant aux trafiquants de faire passer leur précieux butin.