Il est plus de 18h quand les deux artistes entrent dans la salle, précédés de la troupe de zorna, sous les applaudissements et les youyous du public. Invités à monter tous deux sur la grande scène du théâtre, là où ils se sont de nombreuses fois produits, les deux artistes sont accueillis par le président de l'association, Sid Ali Bensalem et le présentateur Mourad Zerouni. La cérémonie est animée par plusieurs chanteurs algériens qui ont côtoyé pour la plupart les deux acteurs, comme Mohamed Lamari, Hamidou, Chaou Abdelkader et de nouveaux noms ayant rejoint le milieu artistique et culturel dans la chanson moderne algéroise, comme Rachid Khali ou kabyle, comme le jeune Mohamed Sam. A tour de rôle, ils ont rendu hommage aux deux artistes à leur manière en leur exprimant leur reconnaissance pour avoir tant donné à la culture algérienne, sous les applaudissements du public qui approuvait. Madani Namoun, né le 7 mars 1944, cet homme discret et sobre mais jovial, a incarné plusieurs rôles durant sa carrière en 50 ans, passant de l'officier français dans Les portes du silence, réalisé par Amar Laskri, en 1987, à celui du père d'une modeste famille, victime de la compression du personnel dans le feuilleton El Imtihane Essaâb, de Nazim Kaïdi, recevant ainsi le Fennec d'Or en 2007, dans sa 4e édition, pour la meilleure interprétation masculine, après avoir brillé, entre autres, par ses interprétations dans d'autres feuilletons comme El Laïb (Le Joueur), Chafika, Azraa YaN'bet ou encore dans le film Leïla et les autres. Il a fait ses débuts avec Réda Falaki dans des émissions pour enfants, puis rejoignit la troupe de théâtre avec feu Mahiedine Bachtarzi, Mustapha Kateb, Abdelkader Alloula et d'autres qui ont été ses maîtres et ses compagnons sur les planches comme à l'écran, sans oublier son professeur Allel El Mouhib. Madani Namoun, l'acteur au large sourire, se consacra corps et âme à l'art sans concession. Il devient à son tour le «Professeur» comme en a témoigné, lors de la soirée d'hommage, Mourad Zerouni pour avoir tourné avec lui dans des films. Enfin, Madani Namoun a rendu hommage pour sa part à celle qui l'a supporté durant une partie de sa carrière : sa femme. Ahmed Kadri, né le 18 décembre 1934 à La Casbah d'Alger, plus connu à travers son personnage humoristique Krikeche, extraverti et drôle, a marqué le théâtre et l'écran alors qu'il se produisit aux côtés de Kaci Tizi Ouzou, un duo irremplaçable. Cet homme simple se voue désormais à une honorable mission pour donner le sourire et entendre le rire des enfants. Elève de Djelloul Bachdjerrah, Ahmed Kadri abandonne la tragédie pour le burlesque où il excelle. En 1959, il a créé sa première troupe, Nedjmet Es-Sabah, qui regroupait une quarantaine d'interprètes. En 1962, il sillonna le Sud avec son personnage Krikèche. Pour cette troupe, Krikèche a écrit, jusqu'en 1967, 26 pièces d'une durée de vingt minutes à deux heures, dont des tragédies comme El Mal iferreq ou El ikhwane. Les deux artistes ont reçu des cadeaux «symboliques» de la part de l'APC d'Alger-Centre pour se rendre aux Lieux Saints de la Mecque pour une omra. Omar Taïane, artiste et personnage connu de la radio El Bahdja, qui sera honoré en 2011, aux côtés de la comédienne Doudja Hachaâchi, par l'association artistique et culturelle Troisième millénaire, dira : «Quand j'ai revu Madani Namoun et Ahmed Kadri, je me suis replongé dans mes 22 ans ; depuis, une longue traversée a duré à leurs côtés.»