C'est dans le cadre d'un programme d'activités culturelles initié par Euro-Med, dernièrement, dans un site archéologique à Cherchell (quartier Caïd Youssef) autour de la mémoire de l'eau en Méditerranée, qu'une équipe composée d'archéologues et de bénévoles issus de l'AREA-ED (Association de réflexion, d'échanges et d'actions pour l'environnement et le développement) sous la direction de l'association française APARE (Association pour la participation et l'action régionale) que l'idée de visiter la Casbah d'Alger a germé au sein du groupe. Autrement dit, cela vaut la chandelle de faire conjuguer le travail associatif avec le tourisme culturel et plonger dans l'histoire d'une mémoire ancestrale. Car voir Alger et ne pas arpenter les venelles de l'antique médina, c'est comme visiter Venise et ne pas emprunter ses gondoles. Après une halte sur le parvis de Notre-Dame d'Afrique et une petite virée dans la bourgade de Bologhine, la petite caravane de touristes a rallié la villa du Millénaire, via la maison de l'artisanat, avant d'entamer le parcours touristique à partir de l'une des huit portes de la ville érigée, par Manad Ibnou Ziri : Bab Ejdid, située en contrebas de la citadelle qui s'étale sur 1,1 km2. Munis de leurs appareils numériques pour immortaliser, au fil de l'itinéraire, le patrimoine endormi et voler des scènes de vie, les touristes n'ont pu avoir accès à Dar Essoltane qui, soulignons-le, fait l'objet de restauration depuis une trentaine d'années. En cet été aoûtien chargé de moiteur, il était difficile pour nos hôtes de dénicher une quelconque terrasse pour se rafraîchir. Morne cité Plusieurs fois, lorsqu'un groupe de visiteurs tient à sillonner les rues de La Casbah , le parcours devient lassant, voire harassant, faute d'aire de repos regroupant quelques commodités pour d'éventuelles virées. « Il faudra tout de même une petite logistique pour mettre à l'aise les touristes et leur faire découvrir les curiosités, du moins ce qu'il en subsiste », dira le guide encadreur de circonstance, Redouane Kechkoul, un Casbadji, qui est sollicité pour user de son tour de génie dans le but de servir le patrimoine. « Je regrette que les autorités lésinent sur les moyens susceptibles d'offrir un espace visant à accueillir les touristes », dit-il. Cela ne l'empêche pas, en effet, de se mettre à l'ouvrage lorsqu'il s'agit de se préparer, en conséquence, avec les moyens de bord, pour accueillir un groupe de touristes en quête de découverte. Contrairement à nos voisins immédiats de l'est et de l'ouest où « les commodités de base et les services afférents au patrimoine sont offerts au détour de chaque rue, a fortiori quand la chose colle au secteur du tourisme, chez nous c'est la dèche », déplore Yasmine, relayée par Simon : « C'est un beau patrimoine à visiter, certes, mais nous aurions souhaité nous imprégner des fragrances de son terroir, plonger au cœur de son patrimoine immatériel dans une douérate, humer une certaine atmosphère d'antan, à travers les corps de métiers, l'art culinaire, et quelques qa'adate casbadjies, etc., mais les murs décrépis et non moins chargés d'histoire et de hauts faits d'armes traduisent une certaine désolation », résument-elles sur un ton amer. Des palais à capitaliser Une ambiance pesante qui peine à susciter quelques bribes de souvenance, sommes-nous tenus de conclure. Le groupe dévale lentement la rue des Maghrébins, avant d'arpenter la rue des Zouaves et la rue Sidi Ramdane où il étanche sa soif dans une fontaine contiguë à l'une des plus anciennes mosquées, sinon la première dans la médina d'Alger, Djamaâ Sidi Ramdane. Les touristes passent à travers les sabates et défilent du regard les bâtisses confortées par des étaiements, non sans zoomer avec leur « Canon » d'autres demeures dont l'encorbellement rehausse les parois fraîchement chaulées. Quelques haltes sont observées par nos hôtes dans une échoppe de brocante, avant de marquer une autre pause chez un artisan dans l'art appliqué et deux ou trois dinandiers pour s'offrir quelques souvenirs. La main experte en artisanat n'a plus pignon sur rue, et les corps de métiers disposés, jadis, en enfilade dans les ruelles, ont laissé place à un négoce plus rémunérateur. Situation d'abandon Au cœur de la médina, des gravats jonchent des espaces pleins de vides. Il ne reste que des pans de murs qui témoignent d'îlots d'habitations, autrefois fastes, comme Zenqat El Khendaq qui débouche en aval sur « Hwanat Sidi Abdellah »' dont le dépavage renseigne sur le réseau hydraulique mal entretenu. Une tranche de patrimoine qui a fini par céder à l'outrage du temps conjugué à l'incurie de l'homme. Nous poursuivons notre parcours labyrinthique, en faisant l'impasse sur la fameuse légende de Dar El Maâkra (l'Impure), l'histoire de la zaouia Sidi ben Ali (réhabilitée), l'ombre du saint Sidi Bougueddour qui plane sur des lieux sombres ou encore le cimetière des Deux-Princesses (Nfissa et Fatma) où toute trace a été rasée par de bien-pensants dévots et dont aucune plaque n'a daigné utile de perpétuer cette mémoire collective pour la postérité. Plus bas, un autre espace aménagé en aire de jeux s'ouvre sur le Musée national des arts et traditions populaires où il est permis de visiter seulement le rez-de-chaussée et le premier étage, le niveau supérieur étant fermé pour travaux, nous dit-on. Quant au palais Dar Essouf, entièrement restauré, mais fermé à double tour, le ministère de tutelle ne sait plus quoi faire de ce joyau ni comment le mettre en valeur. Aussi, si le Musée de la miniature, de l'enluminure et de la calligraphie (sans manuel-guide expliquant l'histoire du palais) draine quelques timides expositions, le Mausolée du Saint patron d'Alger, Sidi Abderrahmane qui jouxte ceux de Sidi Flih et Sidi Mançour, reste le théâtre vénéré de gens qui défilent, perpétuant la pratique d'un rite confiné dans les dervicheries et l'offrande en retour d'une grâce. Celui des ex-voto.