Ce qui était une tendance conjoncturelle ces dernières années s'affirme comme une démarche commerciale pérenne. Le Ramadhan, et surtout les six millions de musulmans (recensés comme tels) vivant en France, constituent un marché que lorgnent avec convoitise les grandes surfaces en réservant une place de choix aux produits et aliments de consommation courante pendant le mois de jeûne, des céréales aux fruits secs, épices, beurre et dérivés à la viande hallal et pâtisseries. Paris De notre bureau Cette offensive marketing met à rude épreuve les petits commerces de proximité communautaires, sommés de suivre le mouvement, bien qu'une majorité de clients d'origine musulmane continue à privilégier les épiceries et autres enseignes familiales de leur quartier. Dans les supermarchés, l'offre « hallal » s'est considérablement diversifiée ces toutes dernières années avec des rayons spécifiques, placés en pole position et visibles dès l'entrée des magasins. « Carrefour » propose de la charcuterie hallal comme du jambon de dinde, des saucisses de poulet… « Géant Casino » avance plus de 400 références de produits hallal, soit de 3 % à 4 % de l'offre totale. L'offre de produits hallal qui remonte à une vingtaine d'années dans les grandes surfaces, était limitée en produits, circonscrite à certaines zones géographiques dites à forte concentration de populations dites musulmanes et discrètes. Aujourd'hui, elle s'affiche de façon ostentatoire, voire tend à se banaliser et à s'installer durablement, au-delà du Ramadhan. Elle est aussi l'objet d'une grande créativité de la part des grandes enseignes dont plusieurs ont créé leurs propres marques pour répondre à une clientèle issue de différentes classes sociales et exigente en qualité. Et la deglet nour algérienne ? Sur les étals parisiens la « deglet nour », estampillée « made in Tunisie » est omniprésente. Nous avons cherché, en vain, la deglet nour d'Algérie, considérée comme la meilleure variété au monde et très prisée pendant le Ramadhan. Pourquoi la deglet nour dont l'Algérie est le premier producteur mondial est-elle si rare en dehors des frontières ? Avons-nous mal cherché ? Est-ce un problème de conditionnement et de stockage dans des chambres froides au niveau des producteurs et dans les ports et aéroports ? De frêt ? De mise aux normes internationales ? De distribution ? De dynamique d'exportation ? L'Algérie, avec une production annuelle, toutes variétés confondues, de l'ordre de 500 000 tonnes dont 200 000 tonnes de deglet nour (chiffre de 2005), n'est-elle pas en train de perdre (n'a-t-elle pas déjà perdu) d'importantes parts sur les marchés extérieurs au profit de la Tunisie. Le commerce extérieur a enregistré, entre 2003 et 2007, une recette de 92,43 millions de dollars pour une exportation de 54 710 tonnes selon les statistiques d'Algex. « En quantité, nous exportons depuis quelques années, précise un fin connaisseur de cette filière, à peine 10 000 tonnes par an, soit 2% de notre récolte annuelle de dattes, ce qui est insignifiant comparé aux 30% que réalisent nos homologues tunisiens dont la production est moins importante que celle de l'Algérie. » (El Watan du 2 janvier 2006). Selon le Groupement interprofessionnel des fruits tunisiens, la Tunisie serait aujourd'hui le premier exportateur mondial de deglet nour. Avec une production de 130 000 tonnes, elle exporterait 40 000 à 50 000 tonnes par an. Première source de devises fortes après les hydrocarbures, l'exportation de dattes en Algérie ne jouit pas de l'intérêt et de l'attention qui lui sont dûs en matière de professionnalisation et d'organisation. La mise à disposition des professionnels des moyens techniques et logistiques, de facilitations réglementaires et bancaires en rapport avec l'objectif escompté résulte d'une volonté et d'un choix politiques clairement définis. A signaler que la deglet nour est produite et récoltée en octobre. Pour l'exporter en août cela signifie des moyens de stockage et de conditionnement efficients pendant plusieurs mois, capacités dont ne disposent pas les producteurs algériens, contrairement à leurs homologues tunisiens. A noter aussi que la Tunisie qui a consolidé ses parts de marché, voire qui a largement grignoté celles de l'Algérie, vise cet autre objectif de récupérer à son profit exclusif le label « deglet nour ».