Quand on manie le pinceau pendant vingt ans avec cette précision et cette dextérité qui font les grands artistes, on ne peut que se regarder soi-même comme artiste à part entière. Mais quand le talent s'appuie solidement en plus sur une œuvre de l'importance de celle de Mme Saliha Khachtoutah, la question de savoir si vers le passé ou vers l'avenir que son auteur se tourne ne se pose que de façon subsidiaire : l'œuvre parvenue au stade de la maturité se détache doucement de tout lien pour s'en aller vivre sa propre vie. Cela est d'autant plus vrai pour Mme Saliha que sa production picturale se caractérise par un foisonnement extraordinaire. L'artiste, qui a exécuté une centaine de tableaux avec talent. demeure égale à elle-même : fraîche, dispose et géniale. D'où vient que la veine créatrice demeure toujours aussi vive chez elle, sans s'épuiser ni s'essouffler jamais ? C'est qu'elle plonge comme nous disions au cœur de l'actualité. De là le sentiment d'un perpétuel renouvellement des sources et des sujets. La décennie noire lui inspire par le déchaînement de la violence et des horreurs une dizaine de tableaux, alors que la bande de Gaza confrontée quotidiennement à l'agression sioniste lui fournit le thème de six tableaux. La condition de la femme lui sert de prétexte pour en peindre autant. Mais la palette d'inspiration impressionniste ou cubiste travaille aussi les portraits d'artistes de renom comme Aït Menguellet. On voit par exemple le plus adulé des chanteurs kabyles vivant donner lieu un tableau fort ressemblant. De même les chansons de ce dernier sont exécutées sous forme de tableaux. La colline apparue à la place de celle qui a disparu (paroles de Lounis Aït Menguellet) est un véritable travail d'orfèvre. Artiste à part entière, Mme Khachtoutah gère chez elle, à Tazmalt un atelier où elle enseigne le métier de peinture sur soie, ainsi qu'au CFPA d'Aghbalou. La maîtrise de cette technique lui a valu une proposition de l'usine de textile de Toulouse pour qu'elle dessine les motifs qui seront imprimés sur les robes qui sortiront de ses machines d'impression. Les échantillons qu'elle avait envoyés à la direction de cette usine ont retenu et charmé l'attention de ses responsables. L'obstacle pour concrétiser un tel rêve vient de l'impossibilité à disposer d'un visa pour se rendre en France.