«C'est une situation d'incertitude, mais sans aucun doute, c'est aussi une rupture, un point d'inflexion. La politique a touché terre. Superman n'est plus Superman, c'est un être humain qui a abusé de son corps et qui en paie, aujourd'hui, le prix», estime Margarita Lopez Maya, historienne et coordinatrice du livre Idées pour débattre du socialisme du XXIe siècle. Hugo Chavez a reconnu, jeudi, avoir été opéré d'une tumeur cancéreuse détectée à Cuba, lors d'une visite officielle, et suivre depuis sur place un traitement strict, au moment où déjà, pouvoir et opposition ont les yeux rivés sur le prochain scrutin de fin 2012. Le président du premier exportateur de brut sud-américain et chef de file du socialisme étatiste latino-américain est au pouvoir depuis 1999, réélu à trois reprises avec de confortables majorités. Encore populaire après douze ans de pouvoir, avec 50% de soutien, il entend briguer un nouveau mandat. Pourtant, rien n'indique aujourd'hui que ses plans politiques verront le jour. Jeudi, de Cuba où il se trouve depuis le 5 juin, il a exprimé l'espoir de se remettre pleinement, sans donner de date de retour au Venezuela. «C'est une nouvelle scène politique. Chavez n'a pas de remplaçant. Il s'agit d'un leadership messianique et d'un pouvoir très centralisé. Cette situation n'a pas seulement un impact sur le gouvernement mais aussi sur l'opposition», selon Alexander Luzardo, professeur en droit politique. L'après-Chavez en pointillé… Si le Président renonce à ses aspirations pour 2012, plusieurs candidats pourraient faire leur apparition dans les deux camps, anti et pro-Chavez. Au PSUV (parti socialiste, du Président), comme il n'existe pas de figure de «second Chavez», il peut en résulter une prolifération de candidats potentiels. Dans l'opposition, il peut aussi y avoir plusieurs autres candidats, si l'adversaire n'est plus Chavez, l'opposition s'étant construite ces dernières années essentiellement par rapport à la figure du Président. Il y a des «groupes que le président parvient à unir, mais qui entre eux ne peuvent ni se voir ni se parler», souligne Lopez Maya. Selon Demetrio Boersner, docteur en sciences politiques et ancien ambassadeur, cette situation pourrait au contraire avoir un effet positif sur ces groupes, favorisant «un dialogue et un certain rapprochement entre camps» irréconciliables. «Le gouvernement peut ressentir le besoin d'un minimum de consensus national. Le Président divise depuis des années les Vénézuéliens entre Gentils et Méchants», dit-il. «Le pays entre dans une phase délicate. Il faut de la maturité pour préserver la stabilité démocratique et éviter un conflit interne. Quand il y a eu un fort leadership, il faut une transition concertée entre le gouvernement et l'opposition», abonde Luzardo.