– Votre exploitation agricole semble florissante. Vous ne manquez donc de rien… C'est le travail d'une vie. Je passe le plus clair de mon temps sur cette terre, à surveiller les cultures sous serre, les arbres fruitiers et le développement des palmiers. Si j'avais un problème à citer, je dirais que c'est celui des semences qui me préoccupe le plus. Nous utilisons des semences importées et les résultats sont parfois décevants. Le fellah ne devrait pas être confronté à de telles surprises. On devrait procéder à des recherches, pour constituer une banque nationale des semences, adaptées à notre climat et qui donnent les meilleurs rendements, dans les instituts et les laboratoires. – Avez-vous bénéficié de l'aide de l'Etat pour développer votre exploitation agricole ? J'ai sollicité un prêt pour l'acquisition d'une batterie de poules pondeuses, mais la banque a refusé sous prétexte que je n'ai pas d'acte de propriété. J'ai préféré m'endetter auprès d'amis et de gens de la famille. La majorité des fellahs sont dans cette situation. Le ministère de l'Agriculture pense à une solution pour régulariser les documents de propriété des agriculteurs, mais nous attendons toujours. – Comment et où vendez-vous votre production ? Qui en fixe les prix ? Je vais au marché de gros de Leghrous. Les prix sont fixés par les grossistes en fonction d'une «bourse» informelle basée sur l'offre et la demande. Cette année, beaucoup de fellahs ont perdu des millions en misant sur la tomate ; elle est descendue jusqu'à 10 ou 12 DA le kilo. Certains en ont jeté des tonnes. S'il existait une unité de conditionnement qui rachèterait nos surplus, le marché serait mieux régulé et les agriculteurs seraient prémunis contre les pertes comme celle-ci. Pour des produits très demandés, comme cette année la courgette, les grossistes, très au fait de la situation des marchés, l'achètent sur pied. Ils viennent avec leurs propres camions sur les exploitations et chargent eux-mêmes la marchandise. Ils ont de meilleures marges bénéficiaires que nous. – Qui défend vos intérêts socioprofessionnels ? Je ne suis affilié à aucun syndicat, ni chambre agricole, ni à aucun parti. Ma seule crainte est qu'une catastrophe naturelle vienne détruire les serres ou qu'une maladie comme la mineuse de la tomate ou le boufaroua dévaste les cultures. Nous affinons d'année en année nos techniques de culture et nos résultats s'améliorent. Si les agriculteurs de Biskra avaient plus d'électricité, une main-d'œuvre plus qualifiée et un véritable accompagnement technique des services publics, ils pourraient faire des merveilles.