Routes barrées par des barricades, des carcasses de voitures jonchent les voies express, des colonnes de fumée montant au ciel dans plusieurs quartiers de la capitale Libreville… Au Gabon, la proclamation attendue de la victoire hier du fils de son père, Ali Ben Bongo, à la présidentielle a tôt fait de mettre le feu aux poudres. Première cible des manifestants déchaînés, supporters des deux candidats malheureux Mba Obame et Pierre Mamboundou, la France. Le consulat général de France à Port-Gentil a été en effet incendié par des opposants. Les manifestants en voulaient sans doute à Paris pour son soutien actif et passif à l'élection controversée de Ali Ben Bongo. Le Quai d'Orsay a pris la menace très au sérieux en ayant pris des mesures préventives pour éviter d'autres attaques contre les intérêts français au Gabon. Bernard Kouchner a assuré « qu'un dispositif était prêt ». En s'en tenant au chiffres communiqués hier, Ali Bongo, fils du défunt président, a été élu avec 41,73% des voix président du Gabon devant André Mba Obame (25,88% des voix), ex-ministre de l'Intérieur, et Pierre Mamboundou (25,22%), candidat indépendant, a déclaré le ministre de l'Intérieur Jean-François Ndongou. Ali Bongo devrait donc succéder à son père Omar Bongo Odimba, mort début juin après 41 ans de pouvoir. Avant même que les résultats ne soient confirmés part la commission électorale, le poulain de Paris s'est empressé d'enfiler le costume de président tandis que ses opposants affirment rejeter les résultats. « Je serai le président de tous les Gabonais (...) sans exclusive », a notamment déclaré Ali Bongo. Bongo est mort, vive Bongo ! Depuis son quartier général de campagne, à Libreville, il s'est engagé à respecter ses promesses, disant vouloir « dans la continuité, apporter des changements nécessaires » à ce pays d'environ 1,5 million d'habitants, riche en pétrole mais aux richesses inégalement réparties. Mais ce discours « d'investiture » est loin d'être accepté par ses adversaires qui ne reconnaissent pas la victoire de Bongo. Les partisans de Obame et Mamboundou n'ont pas attendu le signal pour sortir dans la rue et protester bruyamment, voire violemment contre Bongo mais aussi contre la France…Les troubles continuaient hier après-midi à être cinghalais dans beaucoup de villes du pays. Bruno Ben Moubamba, l'un des candidats malheureux, a estimé que les violences, notamment anti-françaises, dans le sillage de l'annonce de la victoire d'Ali Bongo, allaient « s'accentuer ». « Ce qui est train de se passer va s'accentuer. Les Gabonais n'acceptent pas ce coup de force. Les Gabonais sont chauffés à blanc », estime M. Ben Moubamba, qui avait observé une grève de la faim d'une quinzaine de jours pour demander le report du scrutin. M. Ben Moubamba a accusé la France de « jouer un jeu trouble » enjouant « l'indifférence par rapport au coup de force électoral. C'est un mauvais calcul ». « J'accuse certains milieux affairistes français de faire croire à l'appareil d'Etat français que la démocratie est nuisible aux intérêts de Total, Eramet (manganèse) et Areva (uranium) », a conclu M. Ben Moubamba. Sans doute gêné dans cette posture de devoir aider le fils d'un défunt dictateur « ami » à mettre le pied à l'étrier du pouvoir de manière peu cavalière, la France affiche profil bas. Elle se limite à des appels au calme non sans exhorter les adversaires de Bongo d'accepter le « verdict des urnes et les institutions du Gabon ». Comme quoi la France a déjà plié la présidentielle gabonaise et anobli Ali Bongo, l'homme qu'elle voulait à la tête du Gabon par ce qu'il est – exactement comme son père : un chouchou de Paris. La « Françafrique » a encore de beaux jours devant elle. Quant à la démocratie, les Gabonais devront attendre la fin de la dynastie Bongo.