Le patronat refuse que la levée des contraintes liées à la mobilisation des crédits documentaires « soit transférée à l'appréciation des banques ». C'est ce qu'a déclaré hier Mohand Saïd Naït Abdelaziz, président de la Confédération nationale du patronat algérien (CNPA). Joint par téléphone, il estime que cette formule « est de nature à créer des passe-droits et générer des traitements injustes et sélectifs ». Car d'après lui, ce seront les PME qui subiront, comme à l'accoutumée, le diktat des banquiers. Les décisions liées à l'assouplissement du crédit documentaire par voie bancaire sont donc remises en cause par le patronat, qui craint d'ores et déjà que cette procédure engendre un « monopole bancaire ». Cette procédure a été prise, faut-il le rappeler, suite à la montée au créneau des patrons s'insurgeant contre l'instauration du crédit documentaire, y voyant un obstacle de taille pour l'acquisition des matières premières. La loi de finances complémentaire 2009, très controversée, avait imposé aux opérateurs économiques le crédit documentaire comme seul moyen de paiement des opérations de commerce extérieur. Le gouvernement a quelque peu assoupli les contraintes de trésorerie et les coûts d'engagement et de mobilisation des crédits documentaires. M. Naït Abdelaziz s'est attaché à défendre à nouveau l'importance de la concertation afin de faire émerger un cadrage juridique cohérent et censé. « Il a fallu réfléchir à une méthode qui ne mette pas en danger le secteur productif. Le gouvernement peut établir une liste des activités et des produits concernés par le crédit documentaire. Maintenant qu'on veuille assouplir le crédoc afin de permettre l'acquisition des produits semi-finis et des intrants nécessaires à la production nationale, que cela se fasse dans la transparence et que l'on évacue l'idée de laisser aux banquiers le soin d'inscrire des appréciations pour tel ou tel opérateur », tempête le président de la CNPA. Le délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers (ABEF), Abderrahmane Benkhalfa, a fait comprendre récemment que « les banques sont prêtes à prendre les dispositions nécessaires avec leur clientèle qui importe des produits semi-finis et des intrants nécessaires à la production nationale pour atténuer au maximum les contraintes de trésorerie et les coûts d'engagement et de mobilisation des crédits documentaires ». La question qui se pose est de savoir si les banques sont réellement prêtes à jouer le jeu, surtout lorsqu'on sait que celles-ci font l'objet de plusieurs reproches à propos du financement des PME. L'Algérie vient d'être classée 135e par la Banque mondiale en termes d'obtention de prêts. Dans un classement établi par l'institution de Bretton Woods et la Société financière internationale, l'Algérie a perdu plusieurs points sur le baromètre Doing Business qui mesure la réglementation des affaires. Sur 183 économies, l'Algérie arrive donc à la 135e place en matière d'obtention de prêts nécessaires au développement des activités économiques. L'on imagine mal que le système bancaire algérien, réputé pour être à la traîne, puisse prendre en charge le problème lié à l'assouplissement des contraintes de trésorerie et des coûts d'engagement et de mobilisation des crédits documentaires. C'est ce que l'on craint justement chez les opérateurs économiques. Dans les milieux bancaires, nous avons appris que les dispositions à même d'atténuer les contraintes liées à la mobilisation des crédits documentaires ne sont pas encore « moulées ». Le patronat estime également que les PME algériennes sont les plus exposées aux dangers que pourrait générer une telle procédure, eu égard aux pressions et aux coûts de la trésorerie.