Le mérite de Samir Aït Belkacem est d'être le premier à avoir fait de l'adaptation un vrai métier, là où d'autres n'y voyaient qu'un passe-temps. Son objectif est de tendre de plus en plus vers la professionnalisation, même si les moyens manquent cruellement comme il l'explique : «Nous sommes en train de faire le travail de tout un Etat avec des moyens dérisoires. Normalement, c'est à l'Etat qu'incombe la tâche de la promotion et de la prise en charge de la culture amazighe», dit-il. Au-delà du fait de rendre accessible en berbère de Kabylie des chefs-d'œuvre du cinéma mondial, le travail de Samir s'est paré de vertus collatérales inattendues en devenant un outil didactique et pédagogique. Grâce à ses films, des enfants apprennent ou réapprennent le kabyle. Il arrive de plus en plus souvent que des parents rentrés de France ou du Canada, ou même d'Alger, pour des vacances au bled, lui rendent ce bel hommage : «C'est grâce à votre film, qu'il regarde 4 à 5 fois par jour, que mon fils apprend le kabyle». Les enfants apprennent et répètent des expressions idiomatiques que Samir et ses amis puisent de leur quotidien, des œuvres de Mohya, Cheikh Mohand Oulhocine et tant d'autres. Certaines répliques des films sont devenues cultes et ont ainsi intégré le langage en usage dans la rue ou les cours de récré. D'un esprit curieux et très ouvert sur le monde, Samir est un perfectionniste qui fait attention au moindre détail quand il adapte une œuvre. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ce biologiste de formation est un autodidacte qui a investi le monde du doublage par passion. Avant tout, c'est la réalisation d'un rêve d'enfant que d'offrir à d'autres enfants deux heures de bonheur. «J'ai passé 5 nuits sans dormir pour doubler Li Mucucu», avoue Samir. Il faut dire que les films sont si bien adaptés que beaucoup de gens sont pris au piège. Ils pensent que les films ont été originellement tournés en kabyle. «Où avez-vous bien pu dénicher le lion de Marnia pour le faire tourner dans votre film ?», ont demandé certaines âmes bien candides. Li Mucucu a connu un tel engouement que l'on a même vu des boucheries se mettre à vendre le DVD du film. La reconnaissance du public prend quelquefois des formes vraiment inattendues. Dans quelques semaines, Samir va partir au Canada à l'invitation de l'Association culturelle amazighe Ottawa Hull (ACAOH), pour donner deux ou trois conférences sur ce travail de doublage qui, soit dit en passant, est en train de le faire sortir de l'anonymat et, accessoirement, du pays. Cerise sur le gâteau, l'association lui a offert une formation en doublage dans un studio de renommée mondiale. Ainsi, Samir sera probablement le premier Algérien à recevoir une formation dans ce domaine. Une fois de retour au pays, il compte bien en faire profiter ses amis et collaborateurs.