Pucci, Marnia ou Mucucu 1 et 2, c'est Samir Aït Belkacem. Il a, certes, mis la main sur de bons comédiens, mais il demeure l'ingénieur du son et le directeur artistique. Il prête même sa voix ainsi que celles de sa fille et de son épouse à des personnages. « Il faut qu'un jour nous arrivions à avoir des métiers dans le doublage » confie-t-il. Comme la traduction en matière littéraire, celui-ci est un passage obligé pour avoir accès aux films et documentaires. Louis de Funès fait rire en hongrois et en chinois et on peut suivre les aventures de Shrek qui jure, plaisante, en kabyle. On ne peut développer sa culture sans s'ouvrir à celle des autres. C'est ce qu'a compris très tôt un homme comme Muhend Uyahia qui s'est inspiré de grands classiques du théâtre qu'il a su enrober d'une âme kabyle. On peut seulement regretter que le créneau ait ouvert l'appétit à certains qui offrent des doublages de piètre qualité. Enseignant de formation, Samir Aït Belkacem n'a jamais songé un jour qu'il introduira la magie du cinéma dans les foyers. « Tout a commencé comme un jeu et une plaisanterie » reconnaît l'enfant de Ain El Hammam. Ils sont pourtant rares ceux qui, en Kabylie, ne possèdent pas une version de ces succès qui sous d'autre cieux ont fait rêver enfants et adultes. « Notre ambition, dans une société où les liens se sont distendus, est de faire réunir aussi les familles autour d'un spectacle » explique-t-il. L'écho des succès des Mucucu a débordé sur Alger et les DVD prennent place dans la valise de retour de chaque émigré. En utilisant les ressources de la langue kabyle, riche en proverbes et expressions et en intégrant des chansons pour répondre aux besoins de la nouvelle génération, son travail s'est hissé, en trois années, au rang de phénomène de société. « Dans le Mucucu 3 nous avons par exemple utilisé des chansons de Brahim Izri, Meksa, pour que ceux qui ne connaissent pas redécouvrent ces artistes de grand talent ». Il a su surtout avec habileté et bonheur éviter l'écueil des néologismes dont l'abus fait souvent perdre à la langue sa fraicheur et sa saveur. Samir Aït Belkacem, accompagné de quelques comédiens, est venu jeudi dernier s'exprimer à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Il était l'invité de Slimane Belharrat qui, chaque mois, invite des artistes, des créateurs, pour une rencontre avec le public. Le « père » « d'Ali D wali » a longuement parlé de sa passion, de ses choix et de l'importance du doublage. Quelques comédiens furent invités pour des imitations de voix qui ont ravi l'assistance. « Certes, dira Aït Belkacem, c'est un divertissement mais il s'agit aussi d'un outil d'apprentissage du kabyle pour ceux qui en ont perdu ou délaissé son usage ». Le doublage est un univers où le comédien découvre de multiples gammes de sa voix, d'autres façons d'appréhender son jeu. Samir Aït Belkacem a effectué un stage de formation au Canada où il a approfondi surtout le côté technique. Depuis 2009, Studio Voice, installé à Ain Hammam, avant d'ouvrir récemment un bureau à Tizi Ouzou, est devenu une sorte d'usine à rêves où le kabyle prouve qu'il a des ressources pour véhiculer toutes sortes de réflexions et d'émotions. L'équipe songe déjà à une version en kabyle de « L'opium et le bâton » pour, dit-il, « rendre à César ce qui appartient à César » et à une autre pour un film hindou. Mais d'ores et déjà le troisième Mucucu est en vente.