-Mostaganem : Les masters de la discorde Alors que la rentrée universitaire s'étire à n'en plus finir, les inscriptions dans les différents masters sont en train de se transformer en véritable chemin de croix pour les postulants. Pourtant, lors des grèves de janvier dernier, dans un souci d'apaisement, le ministère avait organisé des réunions entre les enseignants et les délégués des étudiants afin de trouver les formules pouvant baliser l'accès à la fois aux masters académiques et professionnels et, par conséquence, au doctorat. Une rencontre nationale, qui devait faire la synthèse des rapports régionaux, avait également pour mission d'énoncer les principaux critères d'accès au second palier du système LMD. Aujourd'hui, alors que la grande majorité des parcours arrivent au niveau de la première année du master, l'ensemble des filières du système universitaire est en butte à des cohortes d'étudiants. Licence en main, ils sont en attente du sésame leur ouvrant les portes du master 1. Comme personne n'avait songé à en codifier la clé d'accès, c'est pratiquement 100% des bacheliers inscrits en première année de licence qui s'agglutinent devant les masters et qui lorgnent invariablement du côté du doctorat. La tutelle, complètement dépassée, tente de renvoyer le dossier aux responsables pédagogiques, car à l'évidence, l'accès aux masters et à son corollaire le doctorat passait obligatoirement par un gros goulot d'étranglement que personne ne voulait voir. Mieux, lors des réunions centrales, c'est à qui des recteurs présentaient le taux de passage le plus élevé sous les fourches caudines du LMD. Larmes Manquant cruellement d'encadrement et à court d'imagination, le ministère édicte en sourdine une directive ouvrant l'accès aux titulaires d'ingéniorat, de licences et de DESS du système classique, circulaire qui ramènera dans le flux des dizaines de milliers de diplômés chômeurs. Sous la pression, de nombreux masters seront mis en activité, les critères d'accès étant laissés à l'appréciation des enseignants et des comités pédagogiques. Chacun tentera alors de trouver les critères de décantation propres, créant des distorsions entre les parcours et provoquant un sentiment d'abandon chez les milliers de postulants. Déroutés, dépités et colériques, les étudiants sont totalement désemparés. Ils n'ont qu'une phrase qui fuse dès qu'on les aborde : «Nous avons été trompés, personne ne nous avait dit qu'il y aura une sélection à la fin de la licence.» Etudiante en arts plastiques, Amel peine à retenir ses larmes : «Nous avons tout misé sur le master et le doctorat. Maintenant, on nous dit que nous n'avons pas d'encadrement, je ne sais pas quoi dire ni quoi faire, c'est une trahison.» «Le système nous a menés en bateau», renchérit Abdallah qui peine à trouver un concours de magister en sciences agronomiques ou en biologie. Les rares concours ouverts attirent des milliers de candidatures. En attendant, le démarrage des enseignements se met poussivement en place. Certains départements ne savent pas encore dans quel site les cours seront dispensés. Rares sont les facultés qui ont entamé les enseignements avant la fête de l'Aïd. Partout, le relâchement est patent sans que l'on sache d'où proviennent les blocages. Ecrasé par le nombre, le département d'anglais, jadis fleuron de l'Ouest, vient enfin de trouver un chef en la personne du professeur Abbès Bahous. -Tamanrasset : Etudiants «déconnectés» En dépit des gros moyens déployés et des équipements mis en place, le centre universitaire de la wilaya de Tamanrasset, El Hadj Moussa Ag Akhamokh, ne répond toujours pas aux exigences des quelque 1700 étudiants, toutes spécialités confondues, qui s'apprêtent à rejoindre les amphithéâtres pour cette rentrée universitaire. Ce qui provoque le mécontentement des organisations estudiantines. «Avant la fin de l'année écoulée, nous avons notifié aux services compétents tous les problèmes rencontrés par les étudiants durant leur cursus universitaire tout en affichant notre bonne volonté de contribuer à l'amélioration des conditions sociopédagogiques des étudiants. Cependant, la bureaucratie imposée par l'administration est un frein et une opacité à toutes nos démarches», se désole Mohamed Ould Elbarka, représentant de l'Alliance pour le renouveau estudiantin national (Aren), avant d'ajouter : «A Tamanrasset comme dans d'autres wilayas du pays, certaines organisations estudiantines, pour ne pas dire toutes, ne sont pas invitées à assister aux différentes rencontres organisées par l'administration qui n'aime pas rendre compte de la réalité du terrain et cultive l'indifférence. Personnellement et pour ne citer que cet exemple, je vois mal un pavillon de recherches fonctionner avec des moyens dérisoires et qui ne répond en rien aux normes requises.» Juste à côté de lui, Agari Cheikh, étudiant en quatrième année lettres arabes et également membre de l'Aren, enchaîne : «En plus d'une insuffisance criante en informatique, la connexion au réseau internet, pourtant indispensable, est quasi inexistante dans ce pavillon.» Désengagement Le même constat a été fait pour la bibliothèque du centre, pauvre en ouvrages. Toutefois, le problème le plus préoccupant reste la suppression des sciences de la matière de la liste des spécialités, alors qu'elle était incluse au programme des filières enseignées l'année dernière. «Le problème s'est donc posé pour les recalés qui n'ont plus le choix que de faire un transfert vers d'autres filières telles que la géologie. C'est inconcevable», se lamente Bika Bidari, représentant de l'Union nationale des étudiant algériens (Unea) qui dénonce aussi avec virulence le désengagement de l'administration quant à l'ouverture d'autres spécialités, dont les langues française et anglaise. Abdelkader Ouarzig, étudiant en troisième année de sciences économiques invoque, quant à lui, «les difficultés rencontrées dans le système LMD. L'université a certes ouvert le concours de master pour les titulaires d'une licence, mais elle ne les prend pas en charge à défaut d'encadrement. Les admis sont donc orientés vers l'université de Ouargla». Interrogé sur cette question, le directeur du centre, Smaïl Rouina, a expliqué que «la préparation du master au niveau de l'université de Ouargla, dont le nombre d'étudiants admis cette année est évalué à 35, est due en effet au manque d'encadreurs et d'enseignants de rang magistral. Toutefois, ce problème sera résolu incessamment puisque cette année, nous avons déjà eu quatre nouveaux professeurs venus des universités d'Oran, de Laghouat et de Ouargla». Un département de français devrait aussi être ouvert en collaboration avec l'université d'Alger, mais aucune date n'est encore avancée. Pour ce qui est de la suppression de la spécialité des sciences de la matière, le directeur précise que «cette décision a été prise suite au manque enregistré en matière de laboratoires. Néanmoins et avec la réception des dix nouveaux laboratoires dont le taux de réalisation est à 100%, nous relancerons à nouveau cette filière». Et de poursuivre : «Pour la rentrée universitaire 2011-2012, le centre sera doté de 2000 nouvelles places pédagogiques qui porteront le nombre total à 4000 places. Il est également prévu d'inaugurer l'Office des publications universitaire qui contribuera, à coup sûr, à l'enrichissement de la culture livresque des étudiants.»
-Aïn Defla : «Amphis» surchargés A peine l'année universitaire entamée au centre universitaire de Khemis Miliana que le nouveau directeur, Mohamed Bezzina, pense déjà aux deux prochaines rentrées qu'il voit «très chaudes», selon ses propres termes. En effet, le flux incessant de nouveaux étudiants complique la tâche des responsables démunis face au manque de places pédagogiques. Khemis Miliana accueille, par exemple pour cette rentrée, 4000 étudiants au lieu des 2000 initialement programmés. Conditions d'études, d'hébergement, de restauration et de transport… Les difficultés se multiplient. Dans l'urgence, des laboratoires ont été aménagés en salles de TD et des mesures pédagogiques exceptionnelles ont été également introduites. Il faudra tout de même attendre trois ans pour que 8000 places pédagogiques supplémentaires soient dégagées. D'ici là, le centre est à la recherche de structures désaffectées dans la commune. Les transferts d'étudiants d'autres wilayas ont surtout posé problème dans les filières où la pression est la plus forte : français et sports, deux filières qui manquent par ailleurs d'encadrement. Des mouvements de protestation contre les mauvaises conditions d'hébergement dans la résidence des filles à Soufay ont eu lieu récemment et risquent de reprendre si rien n'est fait, menacent les résidentes.
-Oran : Les cités U, nouvelles favélas Insalubrité, insécurité, manque de matériel… Il ne fait pas bon habiter dans une résidence universitaire quand on suit des études à Oran. Pour les résidents du «Volontaire», cité universitaire des années 1970 située près de l'IGMO, le souci numéro un est assurément le manque d'hygiène, notamment pour ce qui est de la cantine. «Il m'arrive souvent, à voir la chorba douteuse, que je décide d'acheter de quoi manger chez le gargotier du coin», témoigne un étudiant. Si le transport, le matin, est assuré par deux bus qui se relaient d'heure en heure, il faut dire que l'après-midi, à partir de 17h, il devient difficile de trouver un bus. «Ce qui nous pousse alors à rejoindre la cité par nos propres moyens. Des dépenses supplémentaires dont on se passerait…» «Le Volontaire», aux murs et aux toilettes délabrés, aurait aussi besoin d'une rénovation en bonne et due forme. En cette nouvelle année, si le Wifi est assuré dans l'espace internet, les ordinateurs, eux, sont toujours éteints. Il n'y a donc que les étudiants équipés d'ordinateurs qui ont le loisir de se connecter… Et encore ! L'espace Wifi est si étroit que même les étudiants doivent faire la chaîne pour prendre place, celle la plus à même de leur assurer une bonne connexion. Plus grave : alors que la température a nettement baissé, les douches ne sont toujours pas disponibles. A Belgaïd, appelée «cité des 8000 lits», ouverte depuis moins d'un an, la situation n'est pas meilleure. Ce pôle de 8000 lits englobe trois cités : pour filles, pour garçons, et une troisième mixte. La plus détériorée est sans aucun doute celle des garçons. Cette cité souffre à peu près des mêmes problèmes que «le Volontaire». L'eau est disponible, mais les douches sont encore fermées. Pareil pour ce qui est d'internet. «On a seulement onze postes pour un millier d'étudiants !» Plus inquiétant : les travaux de construction de la cité, encore en cours, posent de sérieux problèmes de sécurité. «Faute de vigiles et les cartes magnétiques n'étant pas encore opérationnelles, n'importe qui peut pénétrer dans l'enceinte de ce pôle et on reste sans cesse sur le qui-vive, témoigne un étudiant. A l'extérieur, le paysage est quasi désertique. Si une étudiante est suivie par des voyous, qui va venir la défendre ? Moi, j'ai un ordinateur portable dans ma chambre. Qui me garantit sa sécurité ?» En mai dernier, une bagarre a éclaté entre les résidents de ce pôle et quelques habitants de Sid El Bachir. Plusieurs portes des chambres universitaires, à l'intérieur de la cité pour garçons, ont été défoncées ces derniers mois par des inconnus.
-Tizi Ouzou : Cherche encadreurs désespérément Il y a un manque récurrent en matière d'encadrement pédagogique dans les différents départements de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Au département de français, plusieurs étudiant,s admis en quatrième année et qui s'apprêtent à préparer leur mémoire de fin d'études, n'ont pas trouvé d'enseignants encadreurs. A tel point que les étudiants se soucient plus du choix du promoteur que de celui du thème. Hamid, étudiant en quatrième année, explique : «Ceci signifie que, n'ayant pas trouvé d'encadreur, un étudiant motivé dans un certain domaine, la didactique par exemple, risque de s'orienter vers une autre spécialité, peut-être moins motivante.» Le manque de professeurs universitaires a été également signalé par les étudiants du département de pharmacie. Même constat à la faculté des sciences économiques et de gestion. Fahem, étudiant en deuxième année, nous a informé que le département accuse un manque accru en enseignants d'anglais. «Au moins une vingtaine de groupes n'ont pas d'enseignants d'anglais.»
-Blida : Le campus d'El Affroun, une coquille vide Après quatre années de travaux soutenus, les entreprises chinoises ont livré, à la rentrée de l'année universitaire 2010-2011, une partie des blocs pédagogiques du nouveau campus d'El Affroun, relevant de l'université de Blida. Une fois achevé, ce nouveau pôle s'étendra sur 300 ha et accueillera près de 30 000 étudiants. Il soulagera l'ancien campus de Soumaâ qui croulait sous le nombre sans cesse croissant d'étudiants. Sous la pression des milliers de nouveaux bacheliers qui arrivent chaque année, ce campus est pratiquement saturé. Pour la rentrée 2010/2011, les départements d'arabe, de français, de sociologie et de psychologie ont été les premiers à «essuyer les plâtres», car il faut dire que l'université à été réceptionnée sans que toutes les commodités soient fonctionnelles. Les enseignants et les étudiants ont été surpris par l'état d'avancement des travaux. Ainsi, des mouvements de protestation s'y déroulent à longueur d'année. «On nous avait dit que l'université était prête, mais après une année, nous constatons qu'il y a beaucoup de choses à faire encore. Les routes d'accès vers le pôle universitaire, la clôture, la sécurité, la restauration, le transport, les raccordements souterrains, le bitumage, les équipements pédagogiques… semblent défaillants», s'inquiètent-ils. Des parents d'étudiants nouvellement inscrits dans ce campus ont été effrayés par l'immensité des lieux. Le restaurant n'arrive plus à satisfaire la demande depuis l'arrivée de milliers d'étudiants des départements d'anglais et d'italien, déménagés vers le nouveau campus. Les responsables du département de droit de l'université de Blida ont refusé leur transfert au nouveau campus d'El Affroun, faute de commodités.
-Boumerdès : Rentrée en stand-by Le mouvement de grève enclenché depuis dimanche par les étudiants de l'université M'hamed Bougarra de Boumerdès n'est pas près de s'estomper. Hier encore, la quasi-totalité des facultés était fermée. Les grévistes protestaient contre «les nouvelles mesures prises récemment par l'administration quant aux modalités d'accès au palier supérieur». Ce débrayage a été suivi également par les nouveaux bacheliers dont la majorité menace de boycotter l'année en raison de l'inadéquation des spécialités auxquelles ils ont été destinés avec celles étudiées au lycée. Hier, la tension est montée d'un cran à la faculté des sciences suite à une bagarre entre certains étudiants et des agents de sécurité qui se sont opposés énergiquement à la fermeture du portail du campus. Ce mouvement de grève a été mené suite à l'accumulation de problèmes d'ordre pédagogique et le durcissement des conditions d'accès en master. Les étudiants demandent aussi l'application de la réglementation en vigueur et l'annulation des décisions prises récemment sans concertation avec leurs représentants. «L'administration refuse de dialoguer avec nous. Nous ne savons plus à qui nous plaindre. Tout le monde se rejette les responsabilités. Nos recours n'ont jamais été étudiés. Les conseils de discipline se tiennent à huis clos et sans la présence de nos délégués», s'indignent-ils avec amertume. Les étudiants du système LMD disent avoir été surpris «par l'attitude de l'administration qui a accouché de lois à la fin de l'année dans le but d'augmenter le nombre de recalés». «On a exigé que nous ayons plus de 10 /20 dans l'unité fondamentale pour accéder au palier supérieur, alors que la réglementation prévoit l'obtention de 90 de crédit uniquement», déplorent des étudiants en sciences de la matière. Aucune décision n'a été prise pour examiner les revendications soulevées par les étudiants.
-Sétif : «On ne veut pas être des cobayes» Même si elle a retrouvé son calme, la faculté des sciences économiques et commerciales du deuxième pôle de l'université Ferhat Abbas de Sétif, secouée le 19 octobre dernier par de graves incidents à cause de la singulière orientation des étudiants le wilaya de Béjaïa, obligés de poursuivre leur cursus universitaire à plus de 100 kilomètres de leur domicile, l'objet des heurts est toujours d'actualité. Pour rappel, le mouvement de grève s'est transformé en guerre entre étudiants. Les projectiles balancés par des bandes en furie ont saccagé la façade en verre de la faculté. Un mois après, en revenant sur les lieux où les carreaux qui ont volé en éclat sont remplacés, des étudiants de Béjaïa confient : «Nous déplorons les dégâts occasionnés à la faculté, qui est un bien collectif. Mais nous ne sommes en rien responsables de la casse, car nous ne voulions rien d'autre qu'exprimer, et dans le calme, notre courroux vis-à-vis d'une inique orientation.» «On aurait dû manifester à l'université et devant le siège de la wilaya de Béjaïa, où rien n'a été fait pour accueillir un aussi important contingent d'étudiants de la région, à la traîne en matière d'infrastructures universitaires», précisent nos interlocuteurs qui insistent : «Pour nous calmer, les différents responsables ont promis de booster les capacités d'accueil de l'université Abderrahmane Mira. On n'est pas dupes, sachant qu'on ne peut pas réaliser des résidences universitaires ou des milliers de places pédagogiques en claquant les doigts», fulminent les étudiants qui ne s'arrêtent pas là. «En nous faisant de fausses promesses, à savoir nous inscrire l'année prochaine à Béjaïa, les responsables doivent se rendre à l'évidence : on ne veut pas être des cobayes. Trouvez-vous normal qu'on fasse la première en langue arabe et la deuxième à l'université de Béjaïa où l'on étudie en français ?», concluent quelque peu dépités de jeunes étudiants. «Sur les 12 000 nouveaux inscrits à l'université de Sétif, plus de 4200 étudiants, dont 1200 de Béjaïa, ont été orientés vers la faculté. Il ne faut pas se voiler la face, la requête des étudiants est à la fois légitime, objective et juste. Cette manière de faire de certains bureaucrates, très loin de la réalité du terrain, porte préjudice à la qualité de l'enseignement dispensé. Il est quasi impossible d'assurer un cursus qualitatif à douze sections de 250 étudiants chacune et assurer des travaux dirigés (TD) dignes du nom, à plus de 130 groupes de 35 étudiants chacun. Comment voulez-vous former des économistes ou financiers selon des standards internationaux dans pareilles circonstances ?» s'interrogent des enseignants.
-Batna : «Déportation» tous azimuts à Barika Le centre universitaire de Barika a été inauguré lundi dernier… en catimini. Moussa Zireg, recteur de l'université Hadj Lakhdar de Batna, contrairement à son habitude, a tenu à ce que cet événement ait lieu loin de la presse et de l'opinion publique. De quoi souffre cette nouvelle infrastructure au point de mériter un traitement qu'on inflige aux pestiférés ? Ce centre universitaire est en effet le premier dont bénéficie une daïra abritant une population d'à peine 100 000 habitants. Répond-il à des besoins avérés ? Non. La démocratisation des études universitaires fait du zèle en Algérie. Bientôt, chaque village aura son université et même son aéroport, ironisent des enseignants de Batna. Mais c'est l'actualité tumultueuse accompagnant la rentrée universitaire qui semble le mieux expliquer la situation. En effet, la création du centre n'étant pas justifiée par un quelconque déficit en matière de places pédagogiques, le rectorat a dû recourir au remplissage des amphis par une population estudiantine sommée de rejoindre le lieu contre son gré. Les nouveaux inscrits, munis d'un «mauvais» bac, sont systématiquement envoyés à Barika. Ceux surtout, ayant émis le vœu de rejoindre la faculté des langues, notamment le français et l'anglais, sont les plus concernés. Mais le stratagème fonctionne encore mieux avec les étudiants qui demandent à changer de filière. Ceux ayant introduit une demande de transfert sont tous orientés vers le nouveau centre. Cette stratégie conçue au mépris des doctrines pédagogiques a soulevé de nombreuses protestations et pas seulement à l'intérieur des campus. Elle est surtout venue s'ajouter aux sérieuses perturbations qui déstabilisent déjà l'université de Batna. Dans la guerre de clans, aux ramifications tribales, opposant des responsables de l'université pour des parts de pouvoir, des parties, notamment les organisations estudiantines, ont recours à des méthodes extrêmes, comme la fermeture des départements, pour faire pression et obtenir l'annulation des transferts pour leur clientèle. D'ailleurs, à ce jour, les cours n'ont pas encore débuté à l'université Hadj Lakhdar. Les enseignants aussi rechignent à travailler dans ce centre, en dépit d'alléchants avantages promis par l'administration. De leur côté, des parents d'étudiants se sont manifestés pour dénoncer l'envoi forcé à Barika de leurs enfants. Ils ne s'expliquent pas l'idée que les bacheliers de Barika soient inscrits à Batna et ceux de Batna à Barika. Ceci concerne davantage les filles, sachant que Barika est située à 100 km du chef-lieu de la wilaya de Batna. L'Etat est de plus obligé de garantir transport, hébergement et restauration pour les étudiants envoyés à Barika. Des services qui ont leur coût économique et dont la facture n'est pas justifiée, sachant que le campus Hadj Lakhdar est loin d'être arrivé à ses limites. L'université de Batna, qui compte quelque 60 000 étudiants, réceptionne donc ce nouveau centre après celui du pôle universitaire de Fesdis. Avec ses 11 instituts, 22 000 places pédagogiques et 12 000 lits, le nouveau pôle universitaire de Fesdis, situé à 15 km de Batna, a droit au titre d'université à part entière. Le projet homologué par le président Bouteflika pour remercier Batna de l'avoir soutenu contre Ali Benflis pendant la présidentielle de 2004 a tourné à la controverse. L'inauguration annoncée pour la rentrée universitaire 2010/2011 n'a pas eu lieu, non pas à cause de retards dans les travaux, mais faute d'étudiants. Le scénario est renouvelé cette année puisque étudiants et enseignants refusent de déménager. Ces derniers avancent un argument solide : ils sont bien là où ils sont et rien ne justifie le déménagement !