A s'en tenir aux données de la Direction générale des impôts (DGI), sur l'évolution des recettes de la fiscalité ordinaire durant ces quelques dernières années, cette question paraît ne pas être aussi tranchée. De fait, selon les chiffres de la DGI, sur un montant global de 1421,1 milliards de dinars de recettes recouvrées en 2010, hors hydrocarbures, taxes douanières et domaniales, l'IRG-salaires représente quelque 239,3 milliards de dinars. Aussi, à la lumière de ces chiffres, qui du reste ont évolué quasiment dans les mêmes proportions sur ces trois dernières années, l'IRG des salaires représente à peine quelque 16% des recettes fiscales ordinaires. Un pourcentage que le Premier ministre, Ahmed Ouayhia, a pourtant jugé, lors de la tripartite d'octobre dernier, si prépondérant dans la structure de la fiscalité ordinaire, qu'il ne faut point, selon ses dires, demander à l'Etat de consentir un quelconque abattement en la matière. Or, de l'avis de nombre de fiscalistes, si la logique ainsi mise en avant dans le discours officiel peut tenir la route d'un point de vue strictement comptable, elle ne peut cependant être tout à fait cohérente d'un point de vue économique, voire même au plan budgétaire. De fait, le discours que développe le gouvernement autour de la question de la baisse de l'IRG des salaires place l'importance de cet impôt dans la seule optique de préserver la structure de la fiscalité ordinaire. Ce discours occulte en ce sens le poids de l'importante manne fiscale tirée des hydrocarbures, celle-ci étant présentée comme une ressource aléatoire, car trop tributaire des fluctuations du marché pétrolier mondial. Pourtant, pour certains spécialistes de la chose fiscale, l'évolution favorable qu'observent ces dernières années les recettes pétrolières peut plutôt servir de couverture pour approfondir la réforme de la fiscalité en Algérie, en agissant surtout sur l'assiette fiscale à travers des révisions à la baisse des niveaux de certains impôts indirects comme la TVA, et même l'IRG-salaires. L'objectif escompté étant d'asseoir les conditions d'une meilleure répartition de l'impôt, en veillant à assurer, de manière équitable, son élargissement à l'ensemble des catégories de contribuables. Une telle démarche induirait logiquement un recul des pratiques frauduleuses et donc plus d'efficacité dans les recouvrements fiscaux et plus de recettes pour le budget de l'Etat ; ce qui permettra, à terme, de compenser largement le manque à gagner qui découlerait d'une réduction de certains niveaux de taxation. C'est dire, en somme, que la thèse mise en avant par le gouvernement sur la prépondérance de l'IRG-salaires pour le budget de l'Etat dénote surtout de l'absence d'une stratégie fiscale claire, où la fiscalité découlerait d'abord d'une vision économique cohérente et non d'un simple contexte où les impôts prélevés à la source doivent rester figés, vu que les autres ressources fiscales peuvent être aléatoires. Une réforme fiscale efficiente et rationnelle ne peut, en effet, consister en de simples restructurations des démembrements de l'administration fiscale. Pas plus qu'une vision économique de la fiscalité ne peut se limiter à de foisonnants dispositifs d'exonérations fiscales pour promouvoir l'investissement, sans jamais en mesurer la portée et les résultats. Dans son rapport d'appréciation sur l'avant-projet de loi portant règlement budgétaire de l'exercice 2009, la Cour des comptes n'a d'ailleurs pas manqué de mettre en évidence la faible maîtrise de l'assiette fiscale et de la matière imposable, ainsi qu'un manque à gagner dans la collecte de certains impôts, du fait notamment des déficits en moyens mis en place pour le suivi des contribuables au niveau des inspections et des recettes. La même instance évoque au demeurant un constat global de faiblesse évidente des recouvrements effectués par voie de rôles, par rapport au produit des impôts prélevés à la source.