Le candidat du monde arabe pour le poste de directeur général de l'Unesco, en l'occurrence le ministre égyptien de la Culture, n'a finalement pas recueilli la majorité nécessaire à son élection. Il s'est fait battre en définitive par la Bulgare Irina Bokova. Plutôt surprenant, non !? Un commentaire ? Cette élection a été surpolitisée, il n'est donc pas aisé de la traiter comme les précédentes dans lesquelles le principe sacré onusien de la rotation des régions avait fonctionné normalement. Sur le plan de la procédure, il s'agit probablement d'un report de voix faute de consensus. La candidate bulgare, qui connaît bien l'Unesco, doit avoir fait une forte campagne auprès des représentants des pays à l'Unesco qui orientent le choix de leurs Etats. Ceci n'est pas négligeable même si cela n'a pas été déterminant. Pourquoi, d'après vous, cette défaite alors que M. Hosni est parti grand favori ? Résulte-t-elle des pressions du lobby sioniste ou du caractère peu crédible de la candidature égyptienne ? A mon sens, nos amis égyptiens ont fait deux erreurs d'appréciation : la première c'est celle de croire que l'Union africaine et la Ligue arabe feront preuve d'une discipline de vote. La seconde a été de se satisfaire des assurances données par Israël pour services rendus au processus de paix au Moyen-Orient. Le ministre Hosni a été attaqué en Europe, en France notamment siège de l'Unesco, et aux USA plus qu'en Israël. C'est dans ces deux parties du monde que l'on recrute les plus inconditionnels et les plus intransigeants lobbies pro-israéliens. A posteriori, pensez-vous que l'Algérie – qui a soutenu la candidature de Farouk Hosni – aurait dû présenter son propre candidat ? L'Algérie aurait-elle pu avoir plus de chances d'obtenir le poste de directeur général de l'Unesco ? Je pense que le ministre Hosni a dignement représenté l'Afrique et le monde arabe. C'est une élection et il faut se résoudre à accepter ses résultats qui reflètent la réalité du poids de l'Afrique et du monde arabe. Ceci n'enlève rien au fait que l'Egypte reste la première puissance diplomatique dans le monde arabe tout simplement parce qu'elle a su, contrairement à l'Algérie d'aujourd'hui, tirer avantage et de son histoire et de sa géographie. Pourquoi, selon vous, l'Algérie a soutenu le candidat égyptien ? Y a-t-il eu un marché entre les présidents Bouteflika et Moubarak. Si oui, de quelle nature aurait pu être ce marché ? Je suppose que parce que notre pays a évalué ses chances et celles de l'Egypte qui avait fait bien avant nous une grosse campagne pour son candidat au sein de l'UA et de la Ligue arabe. Je pense que le réalisme a prévalu chez nous. Contrairement aux années 1970-80, l'Algérie est de moins en moins représentée dans les institutions internationales. Pourtant ce ne sont pas les compétences qui manquent. A quoi cela est dû d'après vous ? Se peut-il que cela provienne de la faiblesse de notre politique étrangère ? En politique étrangère, comme en tout d'ailleurs, il faut avoir une identité. Chez nous, elle est devenue une question de politique intérieure pour être employée pendant 10 ans comme un levier dans le rapport de forces internes. Un Etat sérieux n'a pas tant besoin de prestige que de poids réel qui se mesure à son engagement économique et politique dans sa région et une position claire et tranchée sur tout ce qui la touche de près ou de loin. C'est à ce seul prix qu'on se fait écouter et respecter. Le reste fait partie du côté spectacle de la diplomatie.