Les pronostics ont été déjoués. Finalement, le ministre égyptien de la Culture, Farouk Hosni, a échoué jeudi dans sa tentative d'accéder à la direction générale de l'Unesco, lors du premier tour de l'élection devant désigner un successeur au Japonais Koïchiro Matsuura. “La délégation égyptienne accueille très favorablement le résultat du scrutin du premier tour de l'élection du directeur général de l'Unesco, qui a eu lieu aujourd'hui jeudi. M. Hosni a reçu le soutien de 22 pays membres du Conseil exécutif. Ces résultats confirment le soutien très large et diversifié que le candidat égyptien a reçu par les différents groupes régionaux, constituant une base solide pour les prochains tours de ce cette élection”, a sobrement réagi la délégation égyptienne. Le mode de désignation est complexe. Les neuf candidats peuvent encore se représenter jusqu'à un cinquième tour prévu mardi. À ce moment-là, le vainqueur sera désigné à la majorité simple. Le deuxième tour était prévu hier (vendredi) à 20 heures et le troisième aujourd'hui. Il départagera les deux premiers du quatrième tour. Farouk Hosni a obtenu 22 voix sur les 30 nécessaires à une élection au premier tour. Il a devancé une candidate bulgare, Irina Bokova (8 voix), la commissaire européenne autrichienne Benita Ferrero-Waldner (7 voix) à égalité avec l'Equatorienne Ivonne Baki et le Russe Alexandre Iakovenko. L'Algérien Mohamed Bédjaoui, soutenu par le Cambodge, alors que son pays s'est rallié au choix de la Ligue arabe en faveur de Farouk Hosni, n'a obtenu aucune voix. Le candidat de l'Egypte n'a donc pas récolté tous les suffrages promis. Le vote étant, il n'était pas possible de connaître les bulletins qui lui ont fait défaut. Cette issue inattendue a complètement relancé la course. Et en coulisses, les grandes manœuvres étaient engagées hier. “Hosni, c'est impossible”, disait un diplomate occidental. Avec une Autrichienne, une Bulgare et une Lituanienne, l'Europe se voyait en mesure de s'emparer de l'Unesco. Ce serait la première fois que l'organisation serait dirigée par une femme. La candidate de l'Equateur présente l'avantage d'être d'origine libanaise. Son élection pourrait être un lot de consolations pour les Arabes. Le candidat de l'Egypte a finalement payé pour ses positions jugées antisémites. Mais aussi pour son rôle de censeur. Le président Moubarak n'a pas entendu les avis des dirigeants occidentaux qui lui ont conseillé de proposer un candidat plus consensuel au lieu de cet apparatchik honni même par les intellectuels de son pays. Les intellectuels français et les organisations juives, qui ont fait campagne contre Farouk Hosni, semblaient, avant ce vote, s'être résolus à le voir arriver à la tête de l'organisation de l'ONU pour la science, la culture et l'éducation. “Sans doute est-il déjà tard” pour “barrer la route à un homme dont tout le passé plaide contre les idéaux de l'institution”, a écrit l'un des intellectuels engagés contre lui, le philosophe français Bernard-Henri Lévy, dans une tribune publiée par l'hebdomadaire Le Point. Une très vive polémique a éclaté après que M. Hosni eut déclaré en mai 2008 qu'il “brûlerait” les livres en hébreu qu'il trouverait en Egypte. Le centre Simon-Wiesenthal, organisation juive contre l'antisémitisme, s'est élevé contre une désignation qui constituerait un “anathème pour ce temple de la culture et du dialogue appelé l'Unesco”. Il a recensé les actes ou déclarations “antisémites” de Farouk Hosni, l'accusant notamment d'avoir invité au Caire le négationniste français de la shoah, Roger Garaudy, ce que le ministre égyptien dément. Le prix Nobel de la paix Elie Wiesel, avec Bernard-Henri Lévy et l'intellectuel Claude Lanzmann, ont eux aussi dénoncé le “naufrage annoncé” de l'Unesco, accusant M. Hosni d'avoir multiplié les déclarations “nauséabondes”, comme sur “l'infiltration des juifs” dans les médias internationaux, et de représenter un régime pratiquant la censure. M. Hosni, qui avait affirmé en mai “regretter” ses propos sur les livres israéliens selon lui sortis de leur contexte, s'était de nouveau défendu à la veille du scrutin de tout antisémitisme. Dans ce vote, ce sont les considérations diplomatiques qui dominent. Israël a indiqué qu'il ne ferait rien contre son élection, en signe de conciliation avec l'Egypte, et les Etats-Unis seraient sur la même position. Des responsables français ont fait savoir qu'ils soutenaient le candidat égyptien. Le choix du Conseil exécutif, qui réunit par rotation 58 des 193 pays membres, doit désigner l'un des neuf candidats pour un mandat de 4 ans. Son choix doit ensuite être entériné en octobre par la Conférence générale, l'Assemblée plénière de l'Unesco. Cette institution onusienne est chargée de mettre en œuvre des programmes pour l'éducation, la sauvegarde du patrimoine, ou encore d'agir en faveur de la liberté d'expression.