Montréal. De notre correspondant Fin connaisseur du fonctionnement et des arcanes du pouvoir algérien, l'ancien animateur de l'émission Aldjaliss sur l'ENTV et éphémère chargé de communication à l'APN intervenait sur invitation du groupe Médias Maghreb de Montréal. La conférence qui avait pour titre «Le Printemps arabe, un an après : révolte, ingérence et islamisme» a attiré un public nombreux composé majoritairement d'Algériens et de Maghrébins venus l'écouter parler de l'Algérie. D'emblée, il a regretté que ce débat ne puisse pas avoir lieu dans une université algérienne, puisque cette dernière ne produit plus rien depuis une vingtaine d'années. Echéance électorale oblige, Fodil Boumala s'est attelé à démontrer que le pouvoir algérien prépare un scénario qui lui évitera d'être jugé ou poursuivi par le peuple algérien. Un pouvoir qui a basé sa stratégie sur «la violence, l'exclusion et la non-reconnaissance des textes fondateurs du pays». Si en 1992, le régime d'Alger, en déposant Chadli et arrêtant le processus électoral, a été sauvé au nom de la République et de la démocratie par des républicains et des démocrates; aujourd'hui, il est en train de négocier avec les islamistes, et ce sera l'islamisme qui sauvera le système en place. L'agrément de quelques partis, qui vont voir le jour dans les semaines à venir et dont la moitié est islamiste, permettra à ces derniers de piquer directement dans l'électorat du FLN et du RND qui leur permettra de siéger dans le prochain Parlement. Au final, le pouvoir aura la paix sur tous les fronts, c'est ce qui se passe en Egypte, c'est ce qui s'est passé avec une légère différence en Tunisie et d'une façon flagrante au Maroc. D'ailleurs, selon Boumala, il ne faut plus analyser l'islamisme dans la région en dehors du paradigme du pouvoir. Il affirme qu'il lui est intrinsèque. Ils font un bloc. Il rappelle que ce sont les salafistes du parti Ennour qui défendent le mieux, actuellement, le conseil militaire égyptien. Les Frères musulmans eux-mêmes n'ont jamais été dans le processus révolutionnaire qui a fait tomber le régime Moubarak – à ne pas confondre avec leur présence à travers leurs réseaux de prise en charge sanitaire, de nourriture, etc., ils ont tenté par la suite de récupérer le mouvement. Pour comprendre pourquoi les peuples votent pour les islamistes, il est nécessaire, selon lui, d'analyser la structure mentale des sociétés de la région. Fodil Boumala, dont le propos oscillait entre l'académique et le discours politique, n'a pas caché son incrédulité face à la possibilité du régime de se réformer de l'intérieur. Il faut avoir aussi le courage, selon lui, de reconnaître que l'Etat central tel que greffé sur le pays depuis son indépendance n'est plus en mesure de le gérer et qu'il faut commencer à réfléchir au concept de régionalisation. Manipulés ? Lamine Foura, président de Médias Maghreb, avait parié sur un débat chaud et il a été bien servi, en mettant dans le même panel Fodil Boumala et deux intervenants sceptiques face aux événements du Printemps arabe : Ahmed Bensaâda, d'origine algérienne et vivant au Canada depuis une vingtaine d'années, docteur en physique et auteur d'un essai sur le rôle des Etats-Unis dans le Printemps arabe Arabesque américaine : le rôle des Etats-Unis dans les révoltes de la rue arabe paru en avril dernier aux éditions Michel Brûlé (Canada). Pour lui, rien n'est spontané dans les événements qui ont suivi l'immolation de Mohamed Bouazizi, flirtant ainsi avec une théorie du complot dont il s'en défend énergiquement. Les Etats-Unis s'y étaient préparés en formant un bataillon de cyberdissidents tunisiens, égyptiens, yéménites… prêts à en découdre pacifiquement et à travers les réseaux sociaux facebook, Twitter et YouTube avec les pouvoirs sur place. Sur les 120 pages, Ahmed Bensaâda a réalisé un travail de recherche très documenté, mais ne donne pas vraiment une réponse sur le pourquoi «de la décision de changer les régimes sur place par les Etats-Unis». Son écrit trouve aussi écho chez Mezri Haddad, ancien ambassadeur de Tunisie à l'Unesco, qui participait à la conférence en direct de Paris par visioconférence. Dans son livre La Face cachée de la révolution tunisienne. Islamisme et Occident : une alliance à haut risque (éd. Apopsix), il affirme que le Printemps arabe n'est qu'un scénario déjà écrit par l'administration Bush dans son plan de construction du Grand-Moyen-Orient. Autant d'affirmations qui ont fait sortir Fodil Boumala de ses gonds. Ainsi, le modérateur Frédéric Castel, chercheur à l'UQAM, avait à gérer le clash, prévisible, avec Ahmed Bensaâda. Boumala s'est senti insulté, lui le cyberdissident qui base toute sa stratégie de communication sur les réseaux sociaux (Res Publica II sur facebook). Toutefois, il n'est pas allé au-delà du procès d'intention en reprochant à Bensaâda le choix de son sujet sans l'attaquer sur le fond et détruire son argumentaire.