Maintenant que l'Algérie a ratifié l'Accobams, la voilà obligée de former ses scientifiques… Oui, en ratifiant ce traité, elle s'est engagée à s'occuper de ces espèces, notamment en formant les jeunes à la cétologie. Par ailleurs, tous les ans, nous sommes tenus de présenter un bilan national. Pour l'instant, nous n'avons effectué que des observations occasionnelles, avec la participation des pêcheurs et des plaisanciers, mais nous devons faire mieux. Pour cela, il faut un engagement politique et des moyens. Peut-on imaginer un jour que l'Algérie mettra en place une aire marine protégée comme celle qui existe entre la France, Monaco et l'Italie ? Oui, on peut débuter par des aires spécifiques. J'ai par exemple proposé un projet d'espace à l'Ouest entre les îles Habibas, l'île Rechgoun et la côte. Ou au large du cap Chenoua ou à l'Est, dans la zone d'El Tarf près de la frontière tunisienne. Les Tunisiens et les Italiens ont d'ailleurs demandé aux Algériens une association pour une aire protégée à l'image de Pelagos, sanctuaire pour les mammifères marins de Méditerranée (entre l'Italie, la France et Monaco). C'est un triangle réservé aux observations, où les pêcheurs ne peuvent pas accéder. Pollution, filets dérivants, collisions… Quelles sont les menaces qui pèsent sur les cétacés de la Méditerranée ? La première menace est celle des filets. Les mammifères marins sont comme les humains : ils ont besoin de remonter à la surface pour respirer. S'ils sont pris au piège dans des filets de pêcheurs, ils meurent asphyxiés. Le courant les entraîne alors sur la plage où ils s'échouent. Les blessures au museau et aux ailes nous indiquent qu'ils se sont débattus dans des filets. La pollution est aussi un vrai problème : lorsque nous analysons des échantillons – fragments d'organe, de muscle ou graisse – prélevés sur les animaux échoués, on trouve beaucoup de métaux toxiques : du mercure, du plomb, du cadium et même du chrome. Enfin, les cétacés, en particulier les rorquals et les cachalots, paient très cher l'intensité du trafic en Méditerranée. Leurs museaux fracassés indiquent des collisions avec les ferries et les méthaniers. Depuis le début de l'année, plus de cinquante échouages ont été enregistrés grâce au réseau. Ce dernier comprend le centre universitaire d'El Tarf, l'Institut des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral, à Alger, et le laboratoire de surveillance environnementale dont je m'occupe à l'université d'Oran.