L'entreprise en difficulté au centre des débats Puisque déjà, dans la loi de finances complémentaire pour 2011 (LFC 2011), un dispositif a été mis en place pour la prise en charge, par le Trésor, des intérêts relatifs à la période d'ajournement(1) de trois (3) années, dans le cadre du rééchelonnement des dettes des entreprises algériennes confrontées à des difficultés vis-à-vis des banques et établissements financiers. Les banques ont ainsi eu la base réglementaire qui leur permettait de rééchelonner les créances sur les entreprises en difficulté, avec un différé de trois années durant lesquelles le Trésor public prend en charge les intérêts ; cette prise en charge étant également assurée pour les entreprises dont les programmes de restructuration et de développement ont été approuvés par le Conseil des participations de l'Etat et pour les prêts aux entreprises algériennes dans le cadre du financement de leurs programmes d'investissement. Si l'entreprise en difficulté n'est pas définie en tant que telle dans le dispositif de rééchelonnement de la dette bancaire et à présent dans celui de la dette fiscale, il ne faut cependant oublier que le code de commerce algérien traite de ce sujet en faisant l'obligation à tout commerçant et toute personne morale de droit privé, même non commerçante qui cesse ses paiements, de faire la déclaration de cessation de paiement en vue de l'ouverture d'une procédure de règlement judiciaire ou de faillite(2) . Le droit algérien du règlement judiciaire et de la faillite prévoit néanmoins que des mesures de désintéressement des créanciers peuvent être prises par l'autorité publique habilitée par voie réglementaire.(3) Cas du rééchelonnement de la dette fiscale Dans le cas du rééchelonnement de la dette fiscale, à titre dérogatoire, la base réglementaire est contenue dans l'Instruction n° 034 du 15 janvier 2012 de la DGI qui, sous son objet, catégorise le traitement de l'endettement fiscal des entreprises en difficulté sous l'intitulé de l'amélioration de l'environnement fiscal de l'entreprise. Cette procédure dérogatoire est une mesure qui devrait satisfaire de nombreuses entreprises, car sans aller jusqu'à l'amnistie fiscale, l'administration abandonnera, par ce dispositif, les pénalités d'assiette et de recouvrement et échelonnera le recouvrement des droits en principal jusqu'à trois ans. Le sujet de l'amnistie fiscale souvent a été controversé, défendu par les uns et détracté par les autres. Présentée par certains comme le moyen de résoudre la structuration d'une administration fiscale moderne portée sur la gestion des recettes à venir compte tenu d'un lourd historique, l'amnistie fiscale aurait été difficile à appliquer dans le contexte algérien pour affranchir notamment les fraudeurs alors que la législation fiscale algérienne est sur une tendance inverse, qui vise à contrer l'acte frauduleux utilisé déjouer la charge fiscale. Ramenée au contexte de la dette fiscale, ainsi traitée par l'instruction n° 034 de la DGI, une entreprise en difficulté est celle qui n'a pas pu solder sa dette vis-à-vis de l'administration fiscale, tel qu'elle existait au 31 décembre 2011, y compris la dette constituant le solde d'un ancien échéancier, mais en cours. Dans ce cas si des pénalités ont été déjà réglées, la procédure permet leur annulation, au cas par cas, sur formulation d'une demande de remise gracieuse. Le point fort de la procédure est dans l'abandon des pénalités, tant d'assiette que de recouvrement, par l'administration fiscale, au terme de la procédure du recouvrement des droits principaux rééchelonnés, l'abandon des pénalités devenant dans la forme implicite et donc sans demande préalable du contribuable. L'avantage de l'abandon des pénalités de retard est également garanti aux entreprises qui n'auront pas entrepris la démarche du rééchelonnement de la dette fiscale, mais qui auront payé en totalité les droits en principal. Entreprises concernées L'instruction de la DGI précise que les entreprises concernées sont les entreprises de droit algérien soumises au régime du bénéfice réel et qui feront la demande d'application de la mesure du rééchelonnement. La circulaire de la Direction des opérations fiscales et du Recouvrement précise que le dispositif est également applicable aux entreprises soumises au régime simplifié. La formalisation de la demande est donc importante puisque constitutive du déclenchement de la procédure, encore faut-il être une entreprise éligible, notamment : – Etre une entreprise individuelle dont le chiffre d'affaires excède les dix (10) millions de dinars, conséquemment soumise au régime du bénéfice réel y compris le régime simplifié, ou – Etre une personne morale forcément soumise au régime du bénéfice réel,et pour chacune des catégories souhaitant en faire la demande ne pas avoir fait l'objet d'un dépôt de plainte par l'administration. La circulaire de la Direction des opérations fiscales et du Recouvrement précise que les entreprises qui sont inscrites au fichier des fraudeurs sont exclues de ce dispositif.Les entreprises étrangères présentes sous la forme d'établissement stable ou celles n'ayant pas d'installation professionnelle permanente en Algérie, mais qui ont opté pour le régime d'imposition du bénéfice réel selon les dispositions de l'article 156 bis du code des impôts directs et taxes assimilées, devraient également être exclues du dispositif, ne s'agissant pas d'entreprises algériennes. Sur ce sujet, il est important de relever que nonobstant le fait que le dispositif ait été conçu pour améliorer l'environnement fiscal de l'entreprise, son application permettra certainement à l'administration de solder un grand nombre de contentieux et de recouvrer les droits en principal. Sur ce plan, le recouvrement de ces droits réclamés aux entreprises étrangères aurait gagné à faire partie du périmètre du dispositif, si ce n'était la motivation initiale de l'accompagnement de l'entreprise algérienne. Il reste que les entreprises non concernées peuvent demander un examen particulier, après avis d'une commission ad hoc en place au niveau de l'administration centrale, chargée de traiter les cas non prévus par l'instruction de la DGI. La circulaire de la Direction des opérations fiscales et du Recouvrement portant application de l'instruction 034 de la DGI précise que la commission est présidée selon le niveau de compétence, par le Directeur des grandes entreprises ou les directeurs des impôts de wilaya, et avec pour membres, les Sous-directeurs chargés du recouvrement, des opérations fiscales et du Contentieux ainsi que des receveurs et chefs d'inspections concernés. Qu'est-ce que le moratoire ? Appliqué au dispositif mis en place par la DGI, le moratoire est une convention par laquelle, l'administration fiscale, en sa qualité de créancière sur une entreprise éligible au dispositif, convient avec cette entreprise, en dehors de toute procédure contentieuse, d'accorder un échéancier de paiement.Cette convention n'est pas une innovation dans son principe puisque le code des procédures fiscales traite sous son titre III des sursis et des échéanciers de paiement. En effet, l'article 156 du code des procédures fiscales prévoit qu'en matière de recouvrement, le receveur des impôts peut accorder des échéanciers de paiement de tous impôts, droits et taxes de toute nature et généralement de toute créance prise en charge par l'administration fiscale à tout redevable qui en fait la demande et qui soit compatible avec les intérêts du Trésor et les possibilités financières du demandeur. L'innovation et la spécificité du dispositif résident dans : – le délai de la mise en place du moratoire, pour bénéficier d'un rééchelonnement total de la dette prenant effet à compter de la fin de la période du moratoire, cette dernière ne pouvant pas aller au-delà du 31 mars 2013, – la période du moratoire de douze mois qui constitue une sorte de période de trêve permettant de suspendre les actions qui devaient être engagées par l'administration afin d'éviter d'aggraver la situation du débiteur, – la date butoir de la mise en place du moratoire qui entraine un prorata du rééchelonnement envisagé, et – le calendrier de paiement qui peut s'étaler sur trente-six (36) mois Il reste que pour des raisons de logique et de faisabilité du dispositif, l'administration doit toujours exercer l'appréciation des capacités financières de l'entreprise en rapport avec le montant de la dette fiscale. En pratique, les dates sont essentielles, retenez-les ! La signature de l'engagement de paiement des droits en principal, qui vaut moratoire, doit intervenir au plus tard le 31 mars 2012, pour pouvoir bénéficier d'un moratoire de douze mois. Au-delà de cette date et jusqu'au 31 mars 2013, la durée du moratoire est portée proportionnellement à la période comprise entre la date de signature de l'engagement de paiement et la date butoir du 31 mars 2013. Ainsi, un engagement signé le 1er octobre 2012 ne serait valable que pour la période des six derniers mois et ne devrait pas empêcher, en toute logique, l'administration de réclamer les droits échus sur la période non couverte par le moratoire. Il en est forcément de même pour les entreprises qui n'auront pas signé leur engagement de paiement avant le 31 mars 2013 et qui devront payer l'intégralité des dettes – pénalités comprises – sans rééchelonnement. L'instruction de la DGI rappelle qu'à défaut d'exercice de la procédure de rééchelonnement les entreprises débitrices restent tenues par les échéances réglementaires et devront payer les droits et pénalités réclamées dans les délais réglementaires. Quant au rééchelonnement proprement dit, outre le fait que le dispositif le prévoit sur une période de (36) trente-six mois, les chefs d'entreprises devront s'assurer que le report de la liquidation de leur dette fiscale, exprimée au 31 décembre 2011, alignée sur les obligations des exercices suivants, pourra être supporté par la trésorerie à venir de leurs affaires. C'est ce qui fait partie, pour les entreprises en difficulté, des plans de redressement, sans quoi l'endettement devient une spirale sans fin. Pour ceux qui sont plus chanceux et qui disposent d'une trésorerie suffisante, sans compromettre leur gestion à venir, la demande de paiement immédiat, sans recours au moratoire et à l'échéancier de paiement, les dispensera automatiquement des pénalités d'assiette et de recouvrement. Ce même avantage est également réservé aux entreprises qui recourront au moratoire et à l'échéancier de paiement, au terme de l'échéancier dument honoré. La connaissance et l'application, d'une part des dates butoir et d'autre part des dates d'échéance en valent bien la peine. Note : (1)Terme utilisé dans la LFC pour 2011-article 73- pour désigner le rééchelonnement des dettes bancaires des entreprises en difficulté. (2)Article 215 du code de commerce. (3)Article 217 du code de commerce.