Poursuivant son chemin depuis 1992, la biennale de Dakar est l'unique grande manifestation qui consacre sa sélection aux artistes africains vivant sur et hors du continent. Elle est devenue aujourd'hui un rendez-vous incontournable pour la promotion et la révélation des artistes d'Afrique et de la diaspora africaine. Le fait d'être réservée uniquement aux artistes africains lui permet de se singulariser par rapport à d'autres événements et biennales. En effet, on peut observer qu'aujourd'hui la tendance générale dans les grandes expositions est d'offrir un panorama de l'art contemporain toujours plus homogène : les œuvres qui y sont présentées et les artistes invités se retrouvent dans différentes villes, biennales, foires et autres événements à travers le monde… C'est ainsi que, la plupart du temps, dans les expositions consacrées à l'art contemporain du continent africain (sur le continent ou ailleurs), on retrouve les mêmes réseaux qui, généralement, mettent en avant des artistes, au talent certes indéniable, mais dont la consécration affirmée (le plus souvent uniquement par le fait d'une reconnaissance européenne) fait qu'ils dominent la scène internationale et continentale de l'art. Pour la Biennale de Dakar, qui dispose d'un budget limité, accepter des artistes internationaux, compte tenu de la frilosité dont témoignent la plupart des grands artistes envers les manifestations de moindre envergure, c'était courir le risque de se transformer en une manifestation semblable aux autres, mais de deuxième série, car ceux-ci n'y participent (quand ils acceptent) qu'avec des œuvres moins importantes. Par contre, limiter la biennale au continent africain constitue une spécificité qui permet à Dak'Art de présenter aujourd'hui un panorama différent et d'être une des expositions de premier ordre dans son secteur en suscitant un intérêt de niveau international, ce qui demeure actuellement unique. De cette tendance panafricaine affirmée de l'exposition découle son organisation. Elle se particularise par sa simplicité et son parti pris délibéré : pour participer, il suffit de présenter un dossier de candidature selon le règlement émis par le secrétariat de la biennale et son directeur et posséder un passeport d'un pays du continent africain. La biennale n'invite pas les artistes, mais les choisit parmi ceux qui proposent leur candidature, hormis pour les expositions-hommages individuelles, organisées librement par des commissaires internationaux. Ce système de candidature sur dossier a l'avantage d'être économique, de produire des résultats plus originaux et d'assurer l'ambition d'être plus ouvert et plus démocratique. Cependant, la qualité des expositions de Dak'Art n'est pas déterminée uniquement par ce type d'organisation. Elle dépend du comité international de sélection et du jury, de la qualité des œuvres et du désir d'assurer la représentation de la création artistique sur le continent. La sélection de Dak'Art 2012 revêt indubitablement ce souci de montrer l'image la plus représentative possible de ce qui se passe sur le continent, avec des artistes issus des pays les plus prolifiques artistiquement comme de ceux dont on voit rarement les œuvres dans les expositions. Ainsi, la Tanzanie, le Rwanda, l'Ethiopie… sont présents dans cette sélection où se côtoient des artistes confirmés comme des «découvertes», tout comme elle donne une idée de la diversité des médiums utilisés et des différentes visions du monde. On considère souvent que les biennales qui ne se déroulent pas en Occident se concentrent sur des questions liées au contexte où elles ont lieu, plutôt que sur une idée du globalisme. Ce n'est pas tout à fait faux. Mais, parler de son contexte en Afrique ou hors du continent revêt une dimension plus large. Cela signifie que l'on peut aborder des problématiques planétaires. L'histoire de l'Afrique en fait partie et, aujourd'hui plus que jamais, les questions d'échanges, de développement, de territoire et de représentation sont en relation directe ou implicite avec les arts visuels, les dynamiques sociales, les politiques culturelles et… le marché. Les différentes éditions de Dak'Art ont illustré et continuent d'illustrer ce fait. Est-il nécessaire de rappeler que la production et la circulation intense, sinon effrénée, d'images dans le monde qui servent la mondialisation ou le globalisme (ou l'occidentalisation… ?) ont changé bien des choses dans le monde. Ainsi, les manifestations culturelles ont tendance à s'uniformiser, ce qui, apparemment, devient la condition d'une image de marque internationale et un sésame pour entrer dans le concert des grandes biennales. C'est le cas, par exemple, des biennales d'Istanbul ou de Sharjah, événements locaux réduits à leurs débuts, qui se sont lancées dans des investissements considérables dans ce sens. Indépendamment des résultats, se limiter à l'art contemporain africain tout en donnant à Dak'Art une spécificité, lui confère une visibilité croissante, encourageant les visites de commissaires, journalistes, critiques, galeristes, collectionneurs et autres acteurs de la scène artistique internationale. De même, elle engendre la production d'événements non officiels et la naissance d'infrastructures et d'associations d'art, augmentant du même coup son impact, car la qualité d'un événement culturel est aussi déterminée par son réseau d'influence local, transfrontalier et international. La particularité de Dak'Art relève de l'action combinée de facteurs naturels et humains et de leurs interrelations. A ce propos, l'intérêt stratégique de Dak'Art réside bien dans la promotion d'un paysage et d'un territoire artistiques et esthétiques en se concentrant à la fois sur l'art et sur l'Afrique.