Pour présomption de fraude sur l'origine, les services de contrôle a posteriori de la direction régionale des Douanes de Annaba (DRDA) ont décidé de rouvrir l'ensemble des dossiers relatifs aux déclarations d'importation de produits sidérurgiques tunisiens réalisées dans le cadre de la convention Grande zone arabe de libre-échange (Gzale). Un à un et de la date d'entrée en vigueur (2009) de la convention régissant les produits bénéficiant d'un régime tarifaire préférentiel au sein de la Gzale à ce jour, les certificats d'origine des bobines, billettes, tôles laminées importées via les postes-frontières de Souk Ahras et El Tarf devraient, à ce titre, être examinés sous la loupe des uniformes grises. L'opération a été enclenchée suite à la détection d'un cas de fraude avéré lors d'une opération de contrôle du certificat d'origine fourni par un importateur aux inspecteurs de la brigade commerciale de Souk Ahras, a-t-on appris de sources sûres. La manœuvre frauduleuse de l'importateur tendant à bénéficier des dispositions de franchise des droits de douanes, comme prévu dans la convention communautaire arabe, a été déjouée. Une procédure contentieuse a été engagée à son encontre. «Dans son dossier d'importation de la Tunisie, la tôle laminée était déclarée d'origine tunisienne, alors que le certificat d'origine annexé indiquait que la valeur ajoutée du produit est de 92% d'origine algérienne avec un taux d'intégration de 8%. Comment a-t-il pu obtenir un certificat attestant de l'origine tunisienne de son produit, alors que les bobines de tôle laminée à chaud ne sont pas fabriquées en Tunisie ?», s'interroge notre source. De simple tentative de fraude ou de contentieux commercial, l'affaire a pris une toute autre dimension. L'ambassade de Tunisie à Alger s'en est même mêlée, a-t-on appris. Pourquoi ? Dans le cadre de l'enquête déclenchée par l'administration douanière et dont les investigations devraient s'étendre aux opérations réalisées depuis 2009, les plus gros importateurs nationaux ont été invités à fournir d'autres documents d'accompagnement attestant la traçabilité de l'acier acheté auprès de leurs fournisseurs tunisiens. Saisis par leurs clients algériens, ces derniers ont vivement contesté la démarche des Douanes algériennes estimant que «l'authenticité des certificats d'origine délivrés par la chambre de commerce de leur pays ne pouvait être remise en cause». Une démarche qui n'a pas également été du goût des diplomates tunisiens. Ces derniers, s'adressant à la direction générale des Douanes, rappellent que «cette demande n'est pas conforme aux dispositions de la loi portant création de la Gzale, notamment son article 28 prévoyant que le pays d'importation peut solliciter, dans le cadre d'un contrôle de l'origine des marchandises introduites, l'authentification du certificat d'origine présenté dans le dossier de dédouanement». Les diplomates tunisiens ont appelé, dans la même missive, au «strict respect des dispositions législatives et réglementaires mises en œuvre dans le cadre de la réalisation de leur contrôle». La question que d'aucuns se posent : pourquoi un tel affolement via les canaux diplomatiques pour une simple affaire de contentieux commercial ? Les exportateurs tunisiens ne voudraient pas voir filer entre leurs mains le juteux marché algérien. Car le spectre de l'insertion de la tôle dans la liste négative des produits exclus de l'avantage préférentiel de la Gzale se précise. C'est du moins ce que laisse entendre un haut responsable de la DRDA : «Eu égard à la réaction étrange de la chambre de commerce et de l'ambassade tunisiennes, nous allons donc proposer à notre tutelle d'inscrire ce produit dans la liste négative de la Gzale. Nous n'avons pas la latitude ni les moyens de pousser nos investigations au-delà des frontières pour vérifier l'authenticité de l'origine de la tôle, et ce, bien que nous soyons persuadés qu'elle est issue des bobines d'El Hadjar, donc entièrement algériennes.» Car à la lecture du prospectus joint à la déclaration de l'importateur en question, et il n'est certainement pas le seul, il ressort que «les deux principales opérations de transformation que subissent les bobines de tôle laminée à chaud consistent en le refendage – cisaillement des bords bruts de la bobine – et la coupe en longueur. Ce qui ne confère pas le caractère de l'origine tunisienne aux tôles importées d'Algérie et découpées en Tunisie. Le taux d'intégration prévu par l'article 09 de la convention ne peut donc être évoqué». D'où proviennent donc ces bobines de tôle laminée à chaud ? C'est ArcelorMittal Annaba qui les exporte vers la Tunisie où, avant d'être réintroduites sur le marché algérien sous forme de tôle, elles subissent une «transformation» pour permettre aux exportateurs/importateurs de se conformer aux critères de définition de l'origine ainsi qu'aux règles de cumul édictées par la convention Gzale. Parmi les pays de la Gzale exportateurs vers l'Algérie, c'est la Tunisie qui s'est taillée, en 2011, la part du lion.