– L'Algérie s'est lancée dans des projets de grande envergure, de dessalement de l'eau de mer. Est-ce une solution stratégique tout à fait adaptable au contexte algérien à long terme ? Dans les années 80, l'expérience algérienne en matière de dessalement de l'eau de mer a été étroitement liée au développement de l'industrie et tout particulièrement de l'industrie pétrolière et sidérurgique. Le recours au dessalement en vue d'un usage destiné exclusivement à l'alimentation de la population en eau potable a fait toutefois son entrée ses dernières années. L'augmentation rapide des besoins en eau dicte impérativement la recherche de nouvelles sources d'approvisionnement en AEP et le lancement d'aménagements hydrauliques nouveaux. Les aléas pluviométriques enregistrés notamment à partir des années 2000 (une pluviométrie conséquente) ont malheureusement réduit l'impact attendu de ces investissements. D'où la nécessité d'imaginer des solutions complémentaires et parfois même de remplacement. Le littoral algérien est long de quelque 1200 kilomètres, présentant aussi une salinité réduite en saison de pluie. L'eau de mer représente une ressource inépuisable, qui renforce le volant de manœuvre disponible entre les mains des responsables en charge du secteur en situation de crise par exemple durant les périodes prolongées de sécheresse. Ajoutons à cela le fait qu'une densité accrue de population et d'industrie grande consommatrice d'eau se trouvant à proximité de la mer. Il y a aussi la disponibilité de la ressource énergétique tant fossile que renouvelable en optant par exemple aux systèmes hybrides (énergie renouvelable/énergie fossile) permettant de diminuer les coûts de production de l'eau. Donc, le dessalement de l'eau de mer représente une solution économiquement durable et nécessaire même sachant que l'Algérie se trouve dans une zone de transition climatique subissant tour à tour les effets xériques (venant du Sud) et les courants froids et humides venant du Nord.
– Les stations de dessalement de l'eau de mer utilisent la technique de l'osmose inverse. L'Algérie importe à des coûts élevés des membranes spéciales composant les blocs de traitement de l'eau de mer. Si l'Algérie s'est lancée dans des projets de dessalement très prometteurs, n'est-il pas une urgence de tout premier plan de développer la synthèse des membranes ? Sur un plan technique, le marché mondial est dominé par le procédé de distillation ou MSF (Multi Stage Flash). Toutefois, l'osmose inverse connaît un essor considérable. Elle est compétitive par rapport à beaucoup de systèmes à grande capacité, car elle présente les avantages suivants : – Le contrôle de niveau de prétraitement permet de sauver les performances des membranes et augmenter leur durée de vie, et par conséquent réduire le coût de l'eau produite par cette technique. – Elle ne nécessite qu'une faible consommation d'énergie grâce à l'utilisation de l'énergie résiduaire ou des systèmes hybrides, énergie fossile/ énergie solaire ou éolienne. Les techniques membranaires utilisées pour le traitement de l'eau de mer sont des techniques de pointe et sont nouvelles à l'échelle industrielle en Algérie. Il ne s'agit pas seulement de la membrane elle-même, mais il faut développer tout le système de traitement. D'autre part, et avant de synthétiser des membranes, il faut comprendre ce que nous avons comme capital de savoir-faire technologique dans la synthèse membranaire et le maîtriser. Cette étape est indispensable afin de pouvoir améliorer les modèles de membranes déjà existantes et synthétiser de nouvelles membranes plus efficaces du point de vue rendement, durée de vie et consommation d'énergie. Cela afin que la solution de dessalement de l'eau de mer par cette technique soit une option économiquement fiable à grande échelle sachant l'étendue de la cote algérienne. Après quelques années de fonctionnement, c'est le moment de commencer à fabriquer des modules membranaires algériens et synthétiser des membranes locales suivant nos besoins. La rencontre internationale de formation sur les techniques membranaires organisée à l'UDES de Bou Ismail le 23 mai dernier rentre dans cet axe, car il est important de faire l'échange incontournable avec les spécialistes européens qui sont très avancés dans ce domaine. – La technique de l'osmose inverse demande de très fortes pressions osmotiques, et est très consommatrice de l'énergie électrique. Cela pousse dans un avenir proche à aller vers des systèmes hybrides en matière de fourniture d'énergie électrique. Où en est-on sur ce volet-là par rapport à l'existant ? Les stations de dessalement recourent-elles actuellement à ces systèmes hybrides ? L'UDES a organisé en collaboration avec l'université de Chlef une journée sur l'eau et l'énergie le 21 mai à l'université de Chlef. Dr Nachida Kesbadji Merzouk a présenté une conférence sur l'utilisation des énergies renouvelables telles que l'éolien ou le solaire et ceci dans un but de réduction du coût du mètre cube d'eau potable dessalée. Ce qu'il faut savoir est que la consommation moyenne est de 4 à 5 KWh/m3 d'eau salée, mais l'utilisation dans une certaine proportion de l'électricité issue d'une énergie renouvelable telle le solaire en priorité ou l'éolien peut réduire efficacement le coût lié à la potabilisation d'une eau dessalée. Il est intéressant de savoir aussi qu'on peut utiliser l'énergie solaire dans le traitement des eaux usées et les eaux urbaines en recourant aux méthodes d'oxydation avancées telles que la photocatalyse membranaire ou bien les bioréacteurs à membrane. Ces eaux peuvent être utilisées en agriculture, pour certaines cultures, ce qui serait économiquement rentable en économisant pour d'autres usages les eaux souterraines et les eaux superficielles. – Quelles sont vos recommandations pour faire du choix du dessalement de l'eau de mer une option stratégique extrapolée à grande échelle ? En recourant aux techniques membranaires, on devient capable d'épurer même les liquides industriels corrosifs sans prétraitement onéreux. En outre, leur durabilité permet de les utiliser dans des applications comme la purification des eaux saumâtres, dessalement et traitement des eaux polluées par des produits corrosifs et même pour la désinfection de l'eau. Donc, l'objectif de recherche maintenant est d'améliorer des membranes à base de polymères à haute performance afin d'améliorer la combinaison de résistance aux températures élevées et aux produits chimiques agressifs. Les membranes et les dispositifs à base de fibres creuses de la gamme innovante font actuellement l'objet de recherches pour les applications de séparation les plus exigeantes selon l'objectif d'usage en aval de l'eau traitée. La fonction recherche et développement dans le domaine de la synthèse membranaire nécessite tout d'abord la connaissance des propriétés physico-chimiques de l'eau à traiter telles que le degré de salinité ou de pollution, le type de polluants, ainsi qu'elle doit répondre aux objectifs en aval demandés de ce traitement : eau potable, eau de rejet ou pour l'irrigation, eau de baignade, de process… Je pense qu'il est temps de redynamiser l'échange entre les différentes institutions de recherche et industriels algériens et étrangers. C'est d'ailleurs une nécessité pour développer la recherche dans le domaine de traitement des eaux par les techniques membranaires. Il y a en 2012 des propositions de projet de recherche dans le futur proche entre les chercheurs algériens et, CERTH greece (Grèce) ; ITM-CNR, Italy (Italie) et Karlstruhe university of Germany (Allemagne). Les instituts et universités se doivent aussi d'inclure dans leurs programmes d'enseignement la préoccupation du dessalement. Des programmes de recherche doivent être mis au point avec les instituts, les universités, les centres de recherche pour apporter des solutions aux problèmes techniques et économiques qui se posent au dessalement. Il faut suivre le développement de la technologie membranaire dans le monde en matière de dessalement et veiller à un transfert de technologie effectif dans notre pays. Initier des réalisations expérimentales avec les autres secteurs d'activité dans un but de recherche et de maîtrise des technologies des procédés.