C'est un hold-up que vient de commettre Abdelaziz Belkhadem pour rester à la tête du Front de libération nationale (FLN). Après une première journée ébranlée par une forte contestation et pendant laquelle n'ont pu commencer les travaux de la session ordinaire du comité central jusqu'en début de soirée, le secrétaire général du FLN a fini, après l'échec de la médiation menée par le comité des «sages», par s'imposer par la force. Une force qu'il exhiba à l'intérieur de la salle de conférences de l'hôtel El Riadh de Sidi Fredj où ses détracteurs, mobilisés, demandaient le recours à l'urne pour mettre fin à la situation de crise qui mine le parti depuis plusieurs années. Ses pourfendeurs l'accusent de faire un usage vulgaire de la violence. Selon Mohamed Bourezame, membre du comité central, rencontré hier sur les lieux, Abdelaziz Blkhadem «a mobilisé des gens qui n'ont rien à voir avec le parti pour frapper les vrais militants». Il affirme que 700 personnes séjournent aux frais du parti dans les hôtels du complexe de Sidi Fredj et de Zéralda, alors que le nombre des membres du comité central ne dépasse pas les 233 personnes. Les contestataires ont été même empêchés, hier, de tenir une réunion à l'hôtel El Riadh. L'accusation de M. Bourezame est loin d'être une vue de l'esprit. Alors que nous discutions avec un ancien militant du FLN, un membre du CC, qualifié d'ailleurs par un opposant à Abdelaziz Belkhadem «de chef de milice», est venu vanter «sa victoire» en lâchant : «Vous avez vu, on leur a mobilisé 400 jeunes de Tipasa.» De vrais gaillards qui ont agressé les contestataires et ont protégé le secrétaire général qui avait lancé furtivement, avant-hier soir, les travaux de la session ordinaire du comité central. Les vigiles déployés ont même fait usage de bombes lacrymogènes. Selon un membre de cette instance, Abdelaziz Belkhadem, alors que les contestataires lui demandaient de partir, annonçait qu'il était soutenu par 221 membres du comité central qui lui ont renouvelé leur confiance. «Il n'y a eu ni vote à main levée ni rien, l'on s'interroge d'ailleurs d'où est-ce qu'il a sorti la liste, certainement celle contenant les signatures des présents à la session», commente un de ses opposants. Ses partisans ne se sont pas suffi de la violence. Une véritable machine de propagande a été mise en place. Elle lance la première intox : «Les contestataires ont hué l'hymne national.» Hier matin, après avoir donc fait le vide, le secrétaire général du FLN a prononcé un discours devant une assistance composée essentiellement de quelques membres du comité central, et de parlementaires du parti nouvellement élus dont beaucoup d'entre eux, indique une source du parti, n'ont pas la qualité de membre du CC. Abdelaziz Belkhadem a bombé le torse en annonçant devant ses partisans que «le FLN s'en est sorti indemne, même s'il y a eu des affrontements». «La crise fait désormais partie du passé», a-t-il dit en minimisant les graves incidents qui ont émaillé la session du comité central. Aucun mot évidemment sur son refus d'aller à l'urne pour légitimer son maintien à la tête du FLN. «Il a choisi une autre voie, alors que le vote lui aurait permis de mieux asseoir sa crédibilité.» Mais la peur de se voir éjecté l'a conduit à faire des choix qui enfoncent davantage le FLN dans la crise. Après ce qui s'est passé, ses opposants se sont retirés. Selon l'un d'eux, ils étaient 168 membres à avoir quitté la salle pour se réunir, la journée durant, dans les locaux d'une kasma du parti à Alger.