Mini séisme dans le monde de l'image : un projet de loi visant à apposer une étiquette « retouchée » sur chaque photo modifiée via un logiciel informatique pourrait bien changer l'allure des magazines féminins. Sans parler de l'impact de ce dernier sur le paysage visuel global... Le texte proposé par la député UMP, Valérie Boyer, s'appliquerait également à la publicité, aux photos d'art, aux visuels de packaging. L'utilisation quasi systématique de photoshop par la presse et les vendeurs d'images est aujourd'hui un secret de Polichinelle. En 2009, tout le monde sait que Dior lisse copieusement le minois de Sharon Stone, que les cheveux soyeux de Laetitia Casta doivent plus à l'informatique qu'aux extraits de gelée royale signés Elsève et que le galbe surnaturel des jambes homologuées Oenobiol n'a rien de très réel... Du coup, plus personne ne s'offusque du fait que la publicité fixe aux femmes des objectifs irréels, en les mystifiant à coups de gomme virtuelle et de morphing de pixels. Or, si cette envie de lisser à l'extrême les canons de beauté touche de plein fouet le monde de la pub, que dire de celui de la mode ? Pourtant, c'est ici que les choses se corsent... car si d'un côté il y a clairement publicité mensongère, on trouve de l'autre, une véritable envie de jouer avec l'image de manière artistique. En effet, qu'importe si Mert & Marcus modifient leurs modèles via des pinceaux numériques : leur désir est non pas de retranscrire la réalité, mais bien plus de travailler la photo à la manière d'une toile. Cependant, il va tout autrement lorsque Mario Testino affine généreusement la silhouette de Jessica Alba, faisant passer l'actrice pour plus mince qu'elle ne l'est vraiment... Le problème s'avère donc bien plus complexe qu'il n'y paraît, une loi ne pouvant à l'évidence traiter de la même manière tous les produits visuels. Et si c'est avec une certaine jouissance que l'on verrait une avalanche de pastilles « photo retouchée » envahir l'espace publicitaire, on apprécierait beaucoup moins de découvrir les œuvres d'Annie Leibovitz ou de Steven Meisel parasitées par un tampon « bonne conscience gouvernementale ». D'ailleurs, le projet de loi a beau n'en être encore qu'au stade embryonnaire, les réactions diverses fusent déjà de toutes parts, prouvant à quel point le sujet est épineux. Rédacteur en chef du magazine Wallpaper, Tony Chambers déclare ainsi que les photos ont toujours « menti » et qu'elles sont à prendre avec du recul. De son côté, Marc Ascoli — en charge des campagnes Chloé ou Jil Sander —- avoue que même si parfois il y a des abus (allant jusqu'à rendre méconnaissable un mannequin), on ne peut édicter une loi à ce sujet, la désignation du juste milieu entre retouches artistiques et mystification dommageable à la santé mentale des adolescentes ne pouvant être que totalement arbitraires. Quant à Katie Grand (rédactrice en chef du magazine Love, qui fit récemment le buzz en déshabillant Beth Ditto sur sa couverture), elle revendique le droit de mettre en lumière des personnalités différentes, des beautés hors normes, afin de promouvoir l'individu et non une fausse image du corps. Elle se déclare ainsi en faveur d'une utilisation modérée de photoshop, à condition que celui-ci serve l'art et non le marketing. Dans les autres rédactions, les avis sont également partagés : férus de cuisses flageolantes et de ventres libidineux, les tabloïds sont pour éradiquer totalement les photos retouchées, tandis que les parutions telles que Elle préféreraient conserver leur libre arbitre sur le sujet.