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Bouteflika prépare son départ pour 2014 et après !

C'est une évidence eu égard à son absence répétée de la gestion du pays durant pratiquement tout ce dernier quinquennat. C'est une spéculation intéressante à savoir, mais en quoi elle peut constituer un souci pour la majorité des Algériens qui ont réellement des préoccupations beaucoup plus graves ? En effet, l'Algérie va très mal non pas pour les crises auxquelles les citoyens sont confrontés : celle du chômage, du logement, de l'envolée des prix et de tous les fléaux sociaux qui rendent leur quotidien extrêmement difficile, mais parce qu'elle n'a aucune vision stratégique claire qui l'assure de son avenir. Après plus de 50 ans qui la séparent des premiers départs des colons, elle reste toujours dépendante économiquement de l'extérieur. Elle a donc raté son indépendance totale et reste néo-colonisée dans le sens qu'a voulu le général de Gaulle et, par l'entremise de son homme de l'ombre Jacques Foccart, de la Françafrique. Il s'agit-là d'une double trahison des différents responsables qui ont eu à conduire le pays depuis pratiquement la mort du président Houari Boumediene.
Nous montrerons plus loin qu'en dépit d'avoir favorisé inconsciemment la constitution du système au pouvoir à ce jour, ce président avait une démarche qui pouvait mener l'Algérie vers son indépendance économique. Cette trahison est l'une vis-à-vis de ceux qui se sont sacrifiés pour l'indépendance politique de ce pays, et l'autre des générations futures qui ne voient pas encore le bout du tunnel. Ce serait une erreur grossière de tout mettre sur le dos de Bouteflika et surtout de croire qu'il est un parrain capable de maîtriser la maffia politico-financière. Il a une part de responsabilité comme tous ceux qui l'ont précédé, mais il compose avec le système qui l'a ramené aux commandes du pays. Qu'on dise qu'il est régionaliste, d'autres l'ont bien été avant lui. Qu'il aurait favorisé ses proches, c'est une pratique courante dans tous les pays du tiers-monde. De nos jours et face à la confusion qui règne dans ce pays, c'est un discours politiquement rentable à tous les niveaux, mais désormais ce n'est pas la réalité qu'on cherche à tout prix de cacher ;
pourquoi ? Le système pour se maintenir au pouvoir tente de surmonter ses contradictions en réduisant la situation actuelle de l'Algérie au seul départ de Bouteflika. En général, trois possibilités s'offrent à un président en Algérie : soit il résiste et dénonce les agissements du système, il est automatiquement éliminé (cas de Boudiaf). Il refuse d'obéir mais se tait, il démissionne avant la fin de son mandat (cas de Chadli et Zeroual). Il compose avec le système et il termine son mandat.
C'est le cas du président en cours d'exercice. Il mènera son mandat à terme et dira : «J'ai mis mon expertise au service de mon pays pour le réhabiliter à l'échelle mondiale.» Il rappellera par ailleurs le rôle actif de l'Algérie dans le Nepad et l'Union africaine, le règlement du conflit de l'Ethiopie/Erythrée, la paix en Somalie, la réhabilitation de la Libye dans ses moments difficiles avec la communauté internationale, la médiation au Soudan et enfin la tentative de rapprochement entre l'Iran et les Etats-Unis, etc. Il vantera certainement les efforts considérables que l'Algérie a accomplis en matière de lutte contre le terrorisme et son avancée pour comprendre ce fléau social qui s'étend d'année en année à travers le monde entier. Enfin, il dira : «Je suis le seul président qui partira en laissant les caisses pleines» (plus de 220 milliards de dollars à l'horizon 2014 selon les prévisions de la banque mondiale). Mais il reconnaîtra, et il l'a fait à maintes reprises, ses échecs, qu'il n'est pour rien pour la constitution de cette manne financière et qu'il n'a pas réussi à mettre en place une stratégie à même de faire sortir le pays de sa dépendance vis-à vis des hydrocarbures. Il reconnaîtra que l'avenir des générations futures est sérieusement compromis. Il l'a déjà dit et il le dira certainement en partant. Après, il prendra sa petite retraite comme tous ceux avant lui. Alors ! est-ce pour autant que les problèmes de l'Algérie sont réglés ? Certainement pas, car le système ramènera quelqu'un d'autre et quelques années plus tard on dira que le précédent était moins pire que celui-là, on perdra encore quelques années et ainsi de suite. Quand est né ce système qui favorise ses membres au détriment de l'existence même de la nation ? Comment fonctionne-t- il ? de quelle manière s'est-il ancré dans la société algérienne et avec la complicité de qui ? Est-il détrônable ? si oui, de quelle façon ?
Le processus de création de ce système est indissociable des étapes de développement de l'économie nationale depuis l'indépendance en 1962. Il s'est développé lui-même et s'est ancré à travers les incohérences de ces étapes historiques et surtout des événements qui les ont réorientés ou affaiblis comme la mort subite du président Boumediene. Pour bien comprendre le système, il faudrait passer en revue les différentes étapes de développement et mettre au point un certain nombre de principes qui ont servi de base au modèle de développement de l'économie algérienne et qu'on tente sciemment, aujourd'hui, de pervertir pour justifier les échecs, quelquefois programmés.

I- De la mise au point de certains principes et concepts

-1- La voie de l'option socialiste choisie par l'équipe au pouvoir au début de l'indépendance de l'Algérie figure bien dans les documents doctrinaux comme la charte d'Alger et entreprise juste par nécessité stricte de développement et non pas par mimétisme ou idéologie comme le prétendent certains écrits(01). La vacance des moyens de production, suite au départ massif des colons et leur abandon au profit de la collectivité, n'offrait pas d'autre choix que la voie collectiviste qui permettait de contourner les difficultés de recherche des critères pour leur partage.
-2- A la veille de l'indépendance nationale, un rapport d'une équipe de sociologues sous la direction de P. Bourdieu subdivisait la population algérienne en six classes essentiellement prolétaires et paysannes. Ceci prouve qu'il n'y avait pas une bourgeoisie puissante pour orienter le pays vers une autre voie. En conséquence, note le rapport, tous les Algériens étaient en majorité au même niveau de vie malgré le fait que les quelques années d'indépendance ont favorisé l'émergence d'une bureaucratie dont les intérêts s'opposaient à ceux des masses populaires(2), mais leur nombre était insuffisant pour influer sur le cours du développement national. Après l'indépendance, les propriétaires terriens et ceux qui détiennent les moyens de production aussi bien tertiaires qu'industriels ne représentaient en fait que 5% de la population(3), avec évidemment aucun secteur stratégique de l'industrie, comme le note P. Bourdieu dans un autre ouvrage(4) : «cette stratification sociale formée de couches fortement pauvres et pour lesquelles l'Etat est apparu comme l'image inversée de l'Etat colonial et il se doit de fournir tout ce que l'autre n'a pas fait et par voie de conséquence la projection d'un Etat à tout faire. Cet état de fait ne peut que confirmer l'objectivité de la voie choisie» en dépit des différentes contraintes qu'a connues l'autogestion durant les premières années d'indépendance aussi bien agricole qu'industrielle, son émergence a empêché la bourgeoisie bureaucratique de s'accaparer des biens collectifs(4) et s'est imposée comme le montre
Koulitchizky : «comme idée mobilisatrice des énergies en face d'une certaine carence du pouvoir politique, elle montre la faiblesse du pouvoir, illustre les mutations que connurent toutes les composantes de la société sous l'exclusive bannière du nationalisme».
Il est apparu une relation intime entre la masse populaire et l'Etat considéré comme seul protecteur des moyens de production communs et en face des différentes difficultés rencontrées par les entreprises autogérées, nombreux sont les travailleurs qui souhaitaient leur passage sous le contrôle de l'Etat (5). En bref, le statut d'un travailleur chez l'Etat est mieux vanté que celui d'une organisation privée. C'est la preuve par 9 que les nouveau riches d'aujourd'hui qui brassent des milliards n'ont de justification que la triche, la fraude fiscale ou la spéculation qui reste le seul moyen d'amasser en près de 30 ans de telles fortunes colossales qui menaceraient aujourd'hui l'existence-même de l'Etat. Ce sont ces données que le plan-test a rassemblées pour préparer les fondements de l'étape allant jusqu'à 1978 qui s'est fortement inspirée du programme de Tripoli, considéré comme conforme aux aspirations populaires. Ceci peut être facilement vérifié en parcourant les grandes lignes du plan quadriennal qui couvre la période 1970-1973 et dont l'objectif primordial était de créer les conditions qui permettaient de fournir un emploi durable à l'ensemble de la population masculine active à l'horizon 1980(6).Quels que soient les moyens utilisés, ce plan visait essentiellement l'épanouissement des citoyens, ce qui est effectivement une aspiration fortement populaire. Les principes retenus pour permettre sa réalisation sont :
• le renforcement de l'indépendance économique en diversifiant les échanges extérieurs et le recours des investissements étrangers comme apport aux moyens nationaux et jamais facteurs dominants ;
• l'établissement de nouveaux rapports de production pour la construction d'une société socialiste ;
• la mobilisation des travailleurs fondée sur leur adhésion et leur association à tous les aspects de la vie économique du pays ;
• l'industrialisation qui doit engendrer un mouvement de croissance auto-entretenue(7). C'est en vrai projet de société que s'érige ce plan, il définit les règles de jeu et fait appel à l'adhésion de toutes les forces vives pour entamer une deuxième révolution, cette fois industrielle et culturelle pour parachever le processus d'indépendance économique, moyennant bien entendu des sacrifices, à l'instar de la révolution armée.
-3- Le modèle de l'industrie industrialisante largement développé et commenté par D. De Bernis(8) est basé sur la création de puissantes sociétés nationales qui agissent pour le compte de l'Etat et capable d'acquérir, capitaliser, consolider et surtout fertiliser le savoir et le savoir-faire au profit de tous les secteurs pour permettre au pays dans un laps de temps raisonnable d'accéder à son indépendance économique. Les intérêts individuels doivent se dissoudre dans l'intérêt général ; c'est pour cela que le schéma des industries industrialisantes ne peut être mené que par l'Etat et ne peut aboutir sans une «Planification rigoureuse»(9). L'inefficacité de ce modèle n'a jamais été prouvée scientifiquement sinon qu'il gênait les capitaux étrangers qui ont tout fait pour l'étouffer dans les pays qui le pratiquaient, entre autres l'Algérie.
II- Des justifications qui ont mené à la dislocation de ce modèle
A la mort du président Boumediene, la bureaucratie naissante qui était jusqu'à cette événement en veille, a saisi l'occasion pour aider des technocrates d'accéder au pouvoir, mais à sa solde. Ces derniers étaient fortement influencés par le modèle américain, certains ont même vécu dans ce pays. Ils ont ramené dans leurs valises des consignes
claires : celles de déstructurer le tissu industriel algérien qui commençait, moyennant des sacrifices énormes à donner ses fruits. Ils ont commencé par un changement de discours dont les implications sur le terrain s'écartaient peu à peu de la ligne suivie pour atteindre les objectifs consensuels et qui est, pour rappel, celui de l'indépendance économique. Le gigantisme des sociétés nationales, l'efficacité selon le principe «Small is beautifful», la tentative d'abandon des hydrocarbures comme stratégie de développement, le désengagement progressif de l'Etat vis-à-vis des différentes institutions publiques, pour, selon le discours politique, une meilleure efficacité budgétaire.
Cette remise en cause a été en réalité(10) à l'origine des multiples formes de résistance des actions collectives (grèves) et aux pratiques individuelles : absentéisme, turn-over, etc. Pour rappel, durant les années 1981-1982, l'absentéisme a tellement inquiété les autorités qu'elles ont impliqué les forces de sécurité et de l'ordre pour procéder à des contrôles en-dehors de l'entreprise jusque dans les lieux publics (cafés et autres). Mais ceci n'a pas empêché cette équipe de poursuivre cette destruction en optant pour une vraie réorientation de l'économie nationale. Le diagnostic semble léger et ne justifie en rien l'amorce d'un tel processus. Un ancien premier ministre rappelle que cette réorientation n'étant pas spécifiquement motivée(11) de par les meilleurs résultats enregistrés avec un secteur public en pleine croissance, car selon le même auteur sa part dans le produit intérieur brut qui était de 34,4% en 1969 est passé à 65,42% en 1978. Enfin, une rente pétrolière de plus en plus croissante et qui permettait de résoudre les différentes contradictions inhérentes au procès de travail(12). A part donc le malaise général de l'été 1977 et qui sera analysé plus loin, rien ne justifiait un tel changement, du moins scientifiquement. Les rumeurs colportées par la bureaucratie au pouvoir se sont soldées pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie par une grève de portée nationale : celle des cheminots en 1978. En tout état de cause, aucune donnée particulière contraignante ne laisse présager une volonté quelconque de changement de ligne de conduite et du rythme de développement qui devait mener à l'indépendance économique, sinon un léger réajustement dans la marche à suivre.
En dépit de l'année de réflexion qui a permis à l'équipe au pouvoir après la mort de H. Boumediene une pause et une évaluation de la situation, le diagnostic n'a pas, semble-t-il, été quantitatif mais se basait sur des opinions et surtout se cachait derrière des décisions supposées collégiales, car le décret 80-242 du 4-10-80 portant sur la restructuration organique et financière des entreprises ne fait allusion à aucun rapport de diagnostic mais à la résolution du 4e congrès extraordinaire du Front de la libération nationale (FLN) et les décisions de son comité central dans ses 2e et 3e sessions. H.Temmar, qui traitait il n'y pas si longtemps les entreprise publiques de «vieilles quincaillerie» soutenait avec M. E Benissad dans une évaluation des perspectives de développement décennal «qu'en 1980, tout changement brutal de stratégie de développement entraînerait un gaspillage des ressources humaines formées à l'industrie et signifierait que les sacrifices supportés par la population l'auront été vains»(13). Et pourtant, ce changement a bien eu lieu. Cette nouvelle voie de développement a fragilisé l'économie nationale en la rendant fortement dépendante de facteurs exogènes. Il aura fallu en 1985 une chute des prix du pétrole, suivi juste après par la détérioration du cours de dollar pour que le pays se mette à genoux, mains liées au FMI. Normalement et en dépit de son caractère brusque, la chute des prix du pétrole ne devait pas surprendre les spécialistes car elle rentrait dans le cadre de la stratégie de l'agence internationale de l'énergie (AIE) en réponse à l'embargo décrété par les pays arabes membres de l'OPEP en 1973.
Il fallait donc s'y attendre et orienter les recettes des hydrocarbures pour renforcer les projets en cours afin de produire des biens d'équipements qui non seulement dynamiseraient l'activité économique mais lui assureraient son indépendance économique de l'extérieur et feraient sans aucun doute face ou du moins amortiraient le choc d'une telle situation encore une fois dans le domaine du prévisible. Quand bien même l'on suivait la logique des initiateurs de ce projet de réorientation au nom de l'efficacité de gestion et de la politique d'ouverture, il aurait donc fallu accepter un programme de réforme structurelle à partir du début des années 1980, puisque la balance des paiements algérienne a entamé son déficit depuis 1982(14) et donc utiliser cette restructuration économique dans le cadre d'un programme avec le Fonds monétaire international et l'orienter ainsi au bénéfice du développement national au lieu peut-être de donner une image fausse qui a dû contribuer à aggraver la situation, désormais aujourd'hui inextricable.
III- Des premières conséquences immédiates
En plus de ce qu'ont constaté les éminents économistes cités plus hauts, la désarticulation du processus intégré a affecté l'économie algérienne sur au moins un triple plan :
• Sur le plan économique
Le peu de savoir et savoir-faire capitalisés par les puissantes sociétés nationales dans les différents secteurs s'est effrité. Les algériens ne savent plus travailler la terre. Elle est devenue un vaste champ artisanal. Le célèbre grenier algérien connu bien avant la colonisation a été bétonné. On importe tout. Le ridicule a été poussé jusqu'au jour où un certain «Azzoug» se présente à la télévision nationale pour proposer d'importer la viande à – 60 DA le kg. Si ce projet avait été concrétisé, que serait devenu l'élevage des bovins en Algérie ? On ne sait plus construire des bâtiments, des routes et on fait appel aux Chinois et aux européens pour le faire. Les catastrophes naturelles comme les différents séismes qu'à connus le pays ont montré l'amère regret d'avoir éclaté la Sonatiba et la DNC. On ne sait plus produire et distribuer de l'énergie sans faire appel aux étrangers. Les techniques d'extraction des hydrocarbures ont été laissées aux américains, sous les bons auspices de l'ancienne puissance coloniale (TFT, Hassi Berkine, Tiguentourine, etc.). L'expertise parapétrolière a été abandonnée au profit des multinationales comme Schlumberger, Wetherford, etc. et, ce, avec la mort programmée de Alfluid, Aldia, pour ne citer que ceux-la. Le boosting des gisements fatigués a été confié aux Japonais sans aucune intervention des nationaux. La base logistique de Beni Mered à Blida était construite pour produire des pièces de rechange grâce à ses puissants fours s'est limitée au moulage des statues pour Riadh El Feth qu'on montre comme une fierté nationale. En somme, on est passé d'une économie en voie d'industrialisation à celle de bric-à-brac qui a permis aux fortunes indûment acquises de s'incruster pour justement former et consolider le système en vigueur à ce jour.
• Sur le plan social
Le modèle de développement choisi n'a pas été gratuit, mais a demandé des sacrifices énormes mais aussi et surtout un coût humain(15) qu'il ne convient pas de considérer comme une conséquence de l'échec du modèle de développement mais plutôt comme un fort tribut payé pour atteindre l'objectif visé. Ils auraient sans aucun doute été facilement dissipés si le rythme de développement n'aurait pas été rompu ou s'ils avaient donné un résultat. Ce coût humain consistait dans un changement radical des structures sociales anciennes.
La dislocation de la famille par migration, l'acquisition de nouvelles habitudes de consommation et de mode de vie, la contradiction entre vie au travail et hors travail, la lutte acharnée parfois humiliante contre le pouvoir bureaucratique, l'acculturation par un procès de travail installé par les sociétés capitalistes censé fonctionner dans les conditions locales, un environnement international hostile à l'industrialisation dans le tiers-monde en général et l'Algérie en particulier pour s'emparer de la matière première à des prix avantageux.
• Sur le plan politique
La notion de bien commun qui constituait le ciment de la cohésion sociale est désormais passée sous silence par toutes les études faites sur le modèle de développement, entre autres sociologiques. Alors qu'elle constitue la base de la démobilisation de par son lien aux valeurs culturelles de la société algérienne(16). L'un des partisans de la politique actuelle d'ouverture disait que « la réussite de cette période tient dans la cohérence de la politique suivie avec les objectifs visés»(17). Cette cohésion disparue, la manipulation est devenue très facile pour être utilisée à des fins partisanes très connue et qu'il est inutile de rappeler ici.
IV- de l'émergence et du développement du système
Trois facteurs ont favorisé l'émergence et l'ancrage d'un système dans la société algérienne :
• une population déroutée par un changement brusque de discours. L'Etat qui l'assistait depuis l'indépendance se désengage subitement sans lui donner la moindre garantie. Cette nouvelle situation la rend facilement manipulable pour devenir une cible facile pour tous les corps étrangers ;
• une bureaucratie fraîchement enrichie mais longtemps en berne a trouvé toutes les conditions favorables pour tisser sa toile d'araignée dans l'espace et dans le temps ;
• un Etat affaibli par une crise qu'il n'avait pas prévue mais qui s'aggrave de jour en jour jusqu'à le pousser à faire appel au FMI.
Les carriéristes du parti unique se chargent de créer des entrées, brèches et des opportunités au sommet de l'Etat pour le compte des nouveaux riches issus de la bureaucratie et ses sbires. Ils prennent leur part et arrosent la majorité de la population pour qu'elle se taise. Ainsi, la loi portant cession des biens vacants de l'Etat a plus bénéficié aux bureaucrates qu'au peuple dans sa majorité. Lorsque le simple citoyen achète un appartement de 60 m2, un membre au sommet prend une villa de 500 m2 pour une bouchée de pain. Ces carriéristes à travers leurs satellites dans les différentes franges de la société (jeunesse, femmes syndicats, corporations, etc.) ont pris le contrôle total pour orienter le peuple là se trouvent leurs intérêts et ceux de leurs commanditaires. Ce cercle s'est agrandi et s'est développé dans l'espace pour fonctionner comme un système dans lequel chacun trouve son compte. Les services se rendent mutuellement par le biais d'un artifice d'encanaillement. L'Etat trouve son compte dans la paix sociale que les carriéristes lui assurent. Ces derniers s'incrustent et s'enrichissent sur le dos du peuple. La majorité des citoyens reçoivent des miettes mais s'en accommodent, pendant que la minorité observe impuissante. C'est ainsi que s'est créé un ordre établi, que toutes les parties essaient de maintenir au détriment de l'existence même de la nation entière et qui reste en vigueur à ce jour. Lorsque le président de la République a nommé un nouveau Premier ministre en la personne de Sellal, la première question que les observateurs se sont posée était de savoir s'il était du système ou pas. Et lorsqu'ils ont appris qu'il y était, ils ont vite compris comment l'Algérie a pu fonctionner avec un gouvernement intérimaire pendant plus de 4 mois.
V- Des crises du système
Ceux qui continuent de penser que l'Algérie a passé son printemps arabe en octobre 88 se leurrent lourdement. La crise de l'été 77, celle d'octobre 88 et les émeutes de janvier 2011 et bien d'autres qui n'étaient pas ostentatoires, ne sont en fait que des purges pour permettre au système de surmonter ses contradictions et retrouver son équilibre.
A chaque fois que l'exécutif tente de mettre de l'ordre dans la gestion du pays pour plus de transparence, le système lui crée un soulèvement ou lance des rumeurs pour le dissuader et ainsi de suite. Il y a réussi à chaque fois.
Cette rentrée 2012/2013 a été selon toute vraisemblance réservée à l'éradication du marché informel de toutes les villes et villages en Algérie. Une telle opération de grande envergure touche directement les intérêts des barons de l'import/export qui utilisent ce circuit pour écouler leurs marchandises. On verra d'ici janvier 2013 les conséquences qui en découleront.

VI- Conclusion
Contrairement aux systèmes russe ou chinois et plus particulièrement celui de la maffia italienne, celui de l'Algérie n'est pas du type «hard», mais relève de la délinquance. C'est surtout la complicité de l'administration qui lui a donné une importance. La banque mondiale conseille l'Algérie vers les grands chantiers : la relance des investissements publics et l'ouverture des capitaux, d'éviter l'effet d'éviction du secteur privé, etc. pour uniquement retrouver une croissance que les occidentaux veulent partager avec elle. Ils se moquent royalement des difficultés internes que rencontrent les gouvernants. Or, ces grands chantiers dans le cas algérien constituent une niche pour le système. Plus nombreux sont les chantiers, plus importants sont les montants de la corruption, plus fort sera le système. C'est pour cela qu'il conviendra d'orienter sa politique vers des axes simples mais qui peuvent nettoyer ou assainir le système, mais persévérer dans leur application quelles qu'en soient les conséquences :
-1- réhabiliter l'administration pour la rendre au service du citoyen. Les fonctionnaires ripoux doivent sévèrement payer et ils sont visibles à l'œil nu. Peut-être faudra-t-il payer plus mais exiger de la qualité des services publics. C'est l'unique façon de stimuler la confiance et susciter l'adhésion du citoyen qui deviendra plus productif et pourquoi pas créateur ;
-2- assurer l'indépendance des juges pour limiter le passe-droit, devenu un phénomène de société ;
-3- intervenir immédiatement pour mettre fin à l'anarchie dans la distribution du revenu national. Des entreprises payent quelquefois 10 fois plus que d'autres sans justification de productivité. Des entreprises étrangères offrent parfois jusqu'à 20 fois le SMIG pour vider le secteur public et re-facturent tout cela pour le travail qu'elles réalisent sans perdre un centime. Mais l'Algérie aura perdu des cadres qu'elle a formés à coups de devises sans compter l'impact négatif sur l'équité sociale ;
-4- mettre de l'ordre dans les opérations d'import/export et surtout assainir et normaliser les circuits de distribution. C'est la seule façon de protéger le citoyen contre l'augmentation des prix et de l'alléger du poids de son couffin ;
-5- il est scandaleux que les marchés parallèles s'établissent près des banques nationales au vu et au su des autorités et dans lesquels des milliards s'échangent chaque jour. Rien ne justifie cela sinon la faiblesse et la complicité des administrations étatiques. Ce marché parallèle est en phase de menacer la nation dans son existence
même ; donc, une lutte sans merci doit être entreprise pour l'éradiquer ou éventuellement le normaliser pour mieux le contrôler et dans un délai très court, etc.
Cet assainissement est préalable pour retrouver l'efficacité des chantiers que recommandent les organisations internationales. Il se peut que ces opérations ne soient pas faciles à mener et peuvent être sanguinaires. C'est pour cela que les différents responsables qui se sont succédé les évitent en les passant chacun à l'autre, mais c'est un mal nécessaire qu'il faut absolument assumer si réellement on pense à l'intérêt de la nation. De toutes les manières, on ne peut pas faire une omelette sans casser des œufs.


– Renvois :
-1) Discours du ministre de l'Economie devant l'assemblée nationale le 30/12/63
-2) P. Bourdieu «Travail et travailleurs en Algérie» ; Edition Mouton Paris 1963 P.382.
-3) J.C.Martens «Le modèle algérien de développement : bilan d'une décennie» ; Edition SNED Alger 1973. P.277.
-4) P. Bourdieu «Question de sociologie» ; Edition Minuit Paris 1973 P.251
-5) S.Koulitchizky «L'autogestion, l'homme et l'Etat : l'expérience algérienne» ; Edition Mouton 1974 P.32
-6)- Préambule du premier plan quadriennal 1970-1973 – Alger 1970
-7) J. C. Martens Op. cit page 53
-8) D.De Bernis in Economie Maghrébine, collectif CRESM-CNRS 1971
-9) D De Bernis «Industrie lourde, industrie légère» in industrialisation du Maghreb ; Edition Maspero 1963
-10) B. Semmoud «Contribution à l'étude de la structure et de la formation des conflits collectifs de travail dans l'industrie algérienne» ; Annuaire de l'Afrique du Nord P.132.
-11- A. Benbitour «L'expérience algérienne développement 62-91 leçons pour l'avenir» ; Edition ISGP Alger 1992 Pp.23-24
-12) A. Bouyacoub «La gestion de l'entreprise industrielle en Algérie» Edition OPU 1987 Pp.10-11
-13) M. E. Benissad «Economie de développement : sous – développement et socialisme» 2e édition OPU Alger 1982 P.147
-14) In perspective N° 34 semaine du 5 au 11-12-91
-15) M. E. Benissad Op.cit.157-165
-16) La conception socio- dynamique du bien commun met l'accent sur la sécurité la culture, le niveau de vie, la liberté et le droit à plus de bien-être. Lire J. C. Fauvet et Xavier Stefan «La socio-dynamique, un art de gouverner» édition organisation Paris 1983 P 123.
-17) A. Benbitour Op cit. P. 41.


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