Dix-sept octobre 1961. Dix-sept octobre 2009. Quarante-huit ans sont passés sur la sanglante répression de la manifestation pacifique, à Paris, de milliers d'Algériens (30 000 environ) contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par Maurice Papon, alors préfet de police de cette commune. Pour que nul n'oublie, des associations françaises ont tenu à commémorer cette triste date en organisant hier un rassemblement sur la place Saint-Michel, à l'endroit où des dizaines de victimes furent jetées à la Seine. Un rassemblement lors duquel ces associations ont demandé à l'Etat français de reconnaître officiellement ce crime commis, réclamant au passage le libre accès aux archives aussi bien pour les citoyens que pour les historiens. Avec quelque 7000 policiers, Maurice Papon a été à l'origine d'un bain de sang. Plus de 200 Algériens avaient été tués (noyés dans la Seine ou exécutés) et plus de 11 000 autres ont été arrêtés. Les manifestants internés dans des centres de détention, dont le Vélodrome d'Hiver, ont subi des sévices d'une violence extrême. Plusieurs historiens et des personnalités connues à l'époque ont fait état des atrocités subies par les manifestants en cette date, qui reste comme une grosse tache noire dans l'histoire de la France. Claude Bourdet, alors conseiller municipal de Paris et aussi journaliste à France-Observateur, avait fait état, devant le Conseil, de l'extrême violence usée contre ceux qui avaient pris part à cette manifestation organisée par le FLN. La machine répressive n'avait épargné personne, ni les vieux, ni les femmes, ni même les enfants. Pourtant, ces manifestants étaient sortis dans les rues de Paris pour réclamer leur droit à l'égalité, leur droit à l'indépendance et surtout défendre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Alors que l'Algérie était proche de recouvrer son indépendance, la France coloniale commettait un autre crime au cœur même de sa capitale. Un crime qu'elle refuse toujours de reconnaître, 48 ans après, malgré les preuves tangibles apportées par les historiens algériens et françaiset les voix qui se sont élevées en Algérie et en France. Près d'un demi-siècle s'est écoulé sans que les séquelles laissées par ces douloureux événements n'aient disparu. « La recherche de la vérité s'impose pour cette période sombre de notre histoire, comme elle s'est imposée pour la collaboration vichyste avec l'Allemagne nazie. Ce n'est qu'à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d'Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd'hui nombre de citoyens ou de ressortissants d'origine maghrébine ou des anciennes colonies », écrit le mensuel français Alternative Libertaire. En Algérie, la fondation du 8 Mai 1945 dit avoir pris acte de cette mobilisation des associations françaises pour commémorer ce drame et « dénoncer le silence des autorités françaises qui n'a que trop duré sur un crime commis sous le ciel obscur de la commune de Paris ». Dans un communiqué rendu public jeudi, la Fondation s'est déclarée « solidaire avec les organisations signataires, représentatives de la France de la fraternité, de l'égalité et de la justice », comme elle se réjouit de voir que ses revendications ont trouvé « sous forme d'actions concrètes les échos souhaités et nécessaires à une issue prometteuse qui se dessine en perspective ». Outre la reconnaissance par la France de tous ses crimes coloniaux, la fondation du 8 Mai 1945 exige « le jugement de tous les criminels qui ont été à l'origine de tous les massacres commis sous l'emprise coloniale ».