Quoi de plus anodin qu'un gant, cet accessoire du costume, qui invariablement au cours de son histoire se présente avec cinq doigts, en peau animale ou en textile, mais dont la forme n'offre que de maigres perspectives de développement et d'innovations. Et pourtant, ce petit objet, dont l'objectif principal est la protection de la main contre diverses agressions, est devenu au fil de son histoire un objet fascinant aux variations, aux significations et aux formes multiples. Son histoire est ancienne. Les premiers gants sont représentés sur les parois d'une grotte sous-marine du paléothique supérieur, soit 27 000 ans avant notre ère. L'Antiquité le considérait comme un simple accessoire de protection, comme le prolongement de la manche. C'est à la fin de l'époque carolingienne que le gant est doté d'une signification symbolique. Au IXe siècle, il entre dans la parure des évêques au même titre que la mitre et la crosse : il devient un symbole fort du pouvoir religieux. Au cours du Moyen-âge, cette signification est renforcée et le gant devient synonyme de pouvoir politique. Ainsi, en droit germanique, le gant est l'insigne de la décision royale. Aucune ville ne peut se doter d'un marché ou frapper la monnaie si l'empereur du Saint Empire germanique n'a pas envoyé son gant de la main droite pour signifier son autorisation. Dès le XVe siècle, le gant entre dans la parure, les femmes le portent à partir de cette époque ; il devient partie du costume, accessoire et bijoux à la fois. Il renvoie au monde du paraître et de la beauté. La cour raffinée d'Henri III l'a doté d'une fonction d'embellissement de la main en le parfumant et l'induisant d'onguents et de crème. Quand Henriette de France épouse Charles 1er d'Angleterre, son unique cadeau de mariage consiste en six paires de gants enrichies de pierres précieuses, tandis que la lecture des inventaires montre combien cet accessoire pouvait se rapprocher du bijou. Gants de dames à crispins, accessoire féminin par excellence, il appartient au monde de la mode. Il est le prolongement du costume, mais il s'en détache pour devenir autonome, doté de son propre langage. Il est une seconde peau signifiante, celle dont Jacob se couvre les mains pour tromper son père Isaac et se faire passer auprès de lui pour son frère Esaü dans la Genèse, celle que revêtent dès le IXe siècle les évêques pour se distinguer du clergé et montrer leur pouvoir, celle dont se dotent les rois et les princes pour exprimer leur puissance. Le gant ouvre donc, à travers son histoire et son usage contemporain, des portes signifiantes diverses et multiples ; il est le reflet de la vie sociale, de l'histoire, de pratiques variées.