La rupture de stocks de médicaments touche de plus en plus de classes thérapeutiques au niveau national ; elle concerne aussi bien les princeps que les génériques. Si le ministre de la Santé, Saïd Barkat, persiste à dire que tous les médicaments sont disponibles, les pharmaciens et les grossistes affirment le contraire. Une virée dans les pharmacies d'Alger et chez certains grossistes nous a permis d'évaluer l'ampleur du problème auquel font face quotidiennement les malades. Ces ruptures, qui durent depuis déjà quelques mois, perturbent sérieusement les traitements des patients qui parfois ont du mal à trouver un substitut. Selon plusieurs pharmaciens, la situation s'aggrave. « Sur une ordonnance de quatre produits, il nous arrive d'en fournir qu'un seul », a déclaré une pharmacienne d'Alger. « Nous nous retrouvons dans une situation très gênante par rapport aux patients », a-t-elle ajouté. Pour elle, la liste s'allonge ; elle concerne particulièrement des produits pour les maladies chroniques ; il est également question de certains produits d'urgence. Il y a deux types de rupture, dit-elle : « Nous assistons depuis quelques mois à la disparition totale de certaines molécules du marché national, des produits essentiels tels que certains antihypertenseurs. A titre d'exemple, le Monotildiem, un médicament qui n'a pas de générique et qui est prescrit pour les hypertendus et particulièrement les femmes enceintes, et un antibiotique indiqué chez les personne allergiques, l'Erythromycine sirop, sont introuvables sur le marché. » La seconde forme de rupture concerne plusieurs produits qui sont présents sous forme cyclique. Une véritable pression touche certains médicaments parce qu'ils sont livrés par quotas, ce qui rend la rotation instable. Elle concerne beaucoup de produits tels que certaines pilules, les collutoires, les bains de bouche, les multivitamines, les antidépresseurs et beaucoup d'autres médicaments. D'ailleurs, une liste de 120 produits est actuellement répertoriée par le Syndicat national des pharmaciens (Snapo). Selon son président, cette rupture touche toutes les catégories de maladies ; il déplore la disparition de certains produits sans explication. Pour lui, une des raisons de cette pression est le monopole exercé par certains grossistes, « ce qui implique directement la vente concomitante ». La liste établie signale l'indisponibilité de Lysanxia (un psychotrope), Tegretol sirop (prescrit pour les épileptiques), Fungyzone (une solution buccale pour les aphtes des enfants et des nourrissons), Thiorphan (pour les diarrhées aiguës), Valium en gouttes et en sirop (anticonvulsif pour les enfants et les nourrissons), ainsi que trois médicaments pour les maladies cardiaques et l'hypertension artérielle, à savoir le Coravasal 2 mg et son générique, le Tahor et son générique en comprimés et l'Amlor également en comprimés. Certains antibiotiques comme Cefacet en sachets, Urobacid et Thiophenicol en comprimés manquent aussi. De multiples raisons sont à l'origine de cette rupture. Il y a lieu de signaler que l'exigence faite par la direction de la pharmacie aux importateurs de réduire de 50%, voire de 60% les programmes prévisionnels est l'une des premières causes de cette pression. L'interdiction d'importation des médicaments fabriqués localement décidée en décembre 2008 par le gouvernement serait également un facteur favorisant cette perturbation du marché. Une décision mise en application dans la précipitation, sans s'assurer au préalable des capacités et des compétences des producteurs nationaux qui n'ont pas pu tenir, apparemment, leurs engagements. Si certains spécialistes de la question imputent cette responsabilité à la lettre de crédit imposée par la loi de finances complémentaire 2009, d'autres estiment que la situation actuelle n'est que le résultat des faux calculs de la direction de la pharmacie et du ministère de la Santé. Pour le responsable de la communication, Slim Belkassem, interrogé à ce propos, il est important de rappeler que l'ensemble des producteurs ont souscrit aux décisions du gouvernement en 2008 à propos l'interdiction d'importation des médicaments fabriqués localement. « La majorité d'entre eux a signé l'engagement soumis par le ministère de la Santé d'assurer un stock de trois mois en matières premières et en produits finis », a-t-il dit.