Au moment où les associations de malades crient toute leur détresse quant aux pénuries de médicaments, estimant que le manque de certains traitements provoque le décès de plusieurs malades, les officiels continuent d'affirmer que la disponibilité des produits est assurée. L'anarchie qui touche le marché du médicament en Algérie continue de susciter de brûlants débats. Le réseau des associations des malades chroniques ne cesse de monter au créneau pour dénoncer une situation chaotique. Les experts en médicaments et produits pharmaceutiques, de leur côté, ne ratent aucune occasion pour appeler à la mise en place d'une politique claire de gestion du médicament afin de faciliter son passage du producteur au consommateur. Et en attendant un épilogue heureux à ce débat, le constat est des plus alarmants. Le Syndicat national des pharmaciens d'officines (Snapo) avait dévoilé, début octobre, la liste des médicaments manquants sur le marché national. 125 médicaments étaient ainsi indisponibles dans tous les points de vente. Le plus grave est que sur cette liste se trouvent des médicaments qui n'ont pas de produits de substitution, comme les produits génériques, par exemple. Cet état de fait menace des centaines de milliers de malades atteints de différentes pathologies. L'Union nationale des opérateurs de la pharmacie (Unop) a, de son côté, alerté les autorités sur une rupture de stock touchant encore plus de produits pharmaceutiques d'ici fin novembre, conséquence de l'instauration du crédit documentaire. Ces sonnettes d'alarme qu'on tire de tous les côtés interviennent, paradoxalement, au moment d'une forte hausse des importations algériennes de médicaments. En effet, au cours des six premiers mois de l'année, l'Algérie a importé pour 908 millions de dollars de médicaments et produits pharmaceutiques, contre 801,9 millions au 1er semestre 2008. Malgré cette hausse substantielle de plus de 100 millions de dollars, il y a une pénurie inexpliquée de produits pharmaceutiques. Le ministre de la Santé, lui, dément l'existence d'une quelconque crise du médicament ou rareté. Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, Saïd Barkat, avait affirmé récemment qu'il n'y avait pas de manque de médicaments en Algérie. “Il n'y a pas un seul médicament qui manque, notamment les médicaments de traitement du cancer ou des maladies chroniques”, avait-il déclaré en marge d'une séance plénière de l'Assemblée populaire nationale (APN) consacrée aux questions orales. “Au niveau de la pharmacie centrale des hôpitaux, les produits sont disponibles pour toutes les maladies chroniques et pour plusieurs mois”, avait-il précisé. Le ministère de la Santé a déjà eu à enquêter auparavant, en juin, sur l'indisponibilité de 75 médicaments sur le marché algérien. Les résultats de l'enquête avaient révélé, selon le département de la Santé, une légère perturbation de la quantité de médicaments dans certaines wilayas. Pour le ministère, la situation a été définitivement prise en charge en obligeant les pharmaciens à avoir recours au médicament générique en cas de rareté mondiale du médicament de référence. Si, comme l'affirme le ministre, les médicaments sont disponibles, où réside donc le problème ? Le réseau des associations des maladies chroniques évoque un problème de dysfonctionnement dans la distribution et l'approvisionnement notamment au niveau des hôpitaux, accusant ainsi le ministère de tutelle de mener une politique hasardeuse dans la gestion du marché des médicaments, ce qui a entraîné une perturbation dans la disponibilité des produits pharmaceutiques. Même son de cloche chez le Snapo qui conclut à une mauvaise gestion et un manque de transparence dans la gestion des médicaments en Algérie. Une gestion de laquelle les pharmaciens d'officine se sentent exclus. Pourtant, ils estiment être les mieux placés pour définir les besoins du marché national parce qu'ils connaissent la réalité du terrain. Par ailleurs, d'autres acteurs du secteur estiment, pour leur part, que l'une des raisons de ces pénuries a pour but de stocker les médicaments et leur gel afin de maîtriser le marché pour faire pression sur le gouvernement et l'inciter à annuler la décision d'interdiction de l'importation des médicaments de production locale tout en les obligeant à acheter des médicaments inutiles voués à la péremption, contre des médicaments introuvables, ce qui est puni par la loi. Ils parlent ainsi d'un lobby composé de barons du médicament qui veillent à la mauvaise gestion de ces produits pour leurs intérêts, pas celui des malades. Toujours est-il quelles que soient les raisons (avouées ou inavouées) de ces pénuries, le ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière reste et restera le premier concerné par cette situation dans la mesure où il est garant du bon fonctionnement du secteur, de la disponibilité des médicaments et de la sécurité des stocks. S. S.