Pour bon nombre de personnes, le nom de Aïn Lehnèche ne signifie absolument rien. Pourtant, c'est un site d'un intérêt particulier pour avoir été le berceau de toute une civilisation dont l'âge est estimé par les chercheurs à environ un à deux millions d'années sur la base des corrélations fauniques avec l'Afrique de l'Est. Ce site se trouve dans la commune de Guelt-Zerga, à 6 km à l'est de la ville d'El Eulma, wilaya de Sétif ; il a été découvert en 1947 par le professeur Camille Aram Bourg, du muséum national de Paris, auteur de plusieurs recherches effectuées sur les plateaux sétifiens dans le cadre de ses prospections paléontologiques menées dans la région. Ce gisement avait livré, lors des premières recherches, une faune villa franchienne (pléistocène intérieur) associé avec une industrie lithique, à savoir les premiers galets taillés en Algérie, dont l'âge se situe aux premiers balbutiements de cette industrie lithique bien avant le paléolithique qui donna les fameux bifaces découverts au Sahara, ainsi qu'une faune aussi riche que variée, tels les éléphants, gazelles, équidés, bovidés, hippopotames, rhinocéros, etc. Ce gisement de grande importance a été fouillé et mis en évidence par des méthodes paléontologiques caractérisées par l'absence d'investigations modernes et systématiques ainsi que par des formes de documentation connues actuellement dans le domaine de l'archéologie. De ce fait, plusieurs questions autour de ce site restent malheureusement sans réponse. Il est à noter que le Professeur Mohamed Sahnouni, chercheur, exerçant à l'université d'Indiana et au centre national de recherches préhistoriques anthropologiques et historiques d'Algérie (CNRPAR), avait pris la relève en effectuant de nombreuses recherches depuis 1987. A la tête de nombreuses missions, le professeur Sahnouni a entrepris différentes campagnes en vue de poursuivre la prospection et des recherches sur cet important site qui s'étale sur plusieurs hectares. Evidemment, l'étude de la stratigraphie des dépôts continentaux du bassin de Beni Fouda, daïra de Djemila, dans lequel le gisement est formé, a été au menu de cette mission, dont ont été en charge, entre autre, des enseignants en archéologie de l'université d'Alger ainsi que des étudiants de graduation et post-graduation. Ce site, en véritable berceau de l'humanité, est occulté, voire délaissé par ceux qui ont la charge de veiller, d'abord à sa protection, et ensuite à sa promotion. Musée à ciel ouvert, Aïn Lehnèche est un véritable pôle scientifique pour les chercheurs et une source première de mouvement touristique pour toute la région, Guelt-Zerga en particulier. En l'absence d'un musée à proximité du site, les différents objets découverts lors des fouilles sont exposés au musée de Sétif. Il est inutile de signaler la dégradation continue du site en l'absence de protection, à savoir une clôture ou du moins un gardiennage. Des animaux, des gens et parfois des véhicules n'hésitent pas à traverser le site de long en large et ce, malheureusement, à l'indifférence générale. Aujourd'hui, il est urgent de prendre les mesures nécessaires pour la protection du site et ce, dans l'intérêt, en premier lieu, du patrimoine national et des chercheurs, et puis, bien entendu, celui des visiteurs.