L'Algérie a rendu un ultime hommage à l'une des figures les plus marquantes du mouvement national. Une foule nombreuse, composée essentiellement de personnalités du monde politique et d'anciennes figures historiques, s'est rassemblée dans l'enceinte du Conseil de la nation pour poser un dernier regard sur l'enfant de Kherrata. Vers 13h, la dépouille, recouverte du drapeau national, a été transportée par une garde d'honneur jusqu'au cimetière El Alia, pour être inhumée aux côtés de ses anciens compagnons de lutte. Au carré des martyrs, beaucoup de personnalités politiques nationales officielles, anciens et actuels ministres, des figures historiques, attendent, en petits groupes, l'arrivée de la dépouille. On remarque la présence du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui s'est retiré avec Saïd Bouteflika, le frère du président, le président du Conseil de la nation Abdelkader Bensalah, le président de l'Assemblée populaire nationale Abdelaziz Ziari, Abdelhamid Mehri, ami du défunt et l'ancien président du Haut-Comité d'Etat (HCE), Ali Kafi. A l'extérieur, beaucoup d'amis du disparu comme Ahmed Mehsas, Lakhdar Bourgaâ, Belaïd Abdeslam, Saïd Abadou (secrétaire général de l'ONM), d'anciens maquisards venus essentiellement de Sétif, d'anciens sénateurs qui gardent de bons souvenir de l'ancien deuxième homme de l'Etat. Il y avait aussi une partie du gouvernement. La présence de l'ancien chef du gouvernement, Ali Benflis, n'est pas passée inaperçue. Tous les photographes de presse se sont rués vers lui. « Il se fait rare depuis 2004, les clichés que nous avons de lui sont anciens, il faut les renouveler », a commenté un photographe. Mais curieusement, ce n'était pas le cas des ministres et responsables présents au carré des martyrs. Aucun d'entre eux n'est allé le saluer de peur d'être accusé d'avoir serré la main de celui qui fut le rival, réel ou supposé du président-candidat Bouteflika en 2004. Heureusement pour l'ancien secrétaire général du FLN, une femme réputée pour son courage, Mme Meriem Zerdani, moudjahida et ex-sénatrice, est allée le saluer chaleureusement et a posé avec lui. A. Benflis s'est refusé de commenter cette « mise en quarantaine », il s'est contenté de dire : « Je viens rendre hommage à un grand militant de la Révolution », ajoutant : « Je fais du sport, j'écris, la politique, à vous d'en parler. » Quand le ministre de l'intérieur, Yazid Zerhouni, arrive, son collègue des Moudjahidine, Mohamed Cherif Abbas, a déjà presque terminé la lecture de l'oraison funèbre. Ce dernier a rappelé les valeurs patriotiques du défunt et son engagement politique aux côtés des militants nationalistes juste après les événements de Mai 1945. M. C. Abbas a évoqué également l'engagement de Bachir Boumaza en faveur de la cause palestinienne. Après l'oraison funèbre, le corps a été mis sous terre vers 13h30, alors que la plupart de ceux qui étaient là commentaient la vie politique nationale, certains chuchotant sur les sénatoriales, d'autres sur les projets. Les affaires se traitent aussi au cimetière ! Abdelhamid Mehri, quant à lui, évoquait avec quelques anciens des souvenirs de Boumaza : « Il était un militant exemplaire. On vient de perdre quelqu'un d'une grande valeur. » Même si beaucoup d'Algériens ne partageaient pas ses idées et ses positions politiques, Bachir Boumaza reste l'une des figures marquantes de l'histoire contemporaine de l'Algérie. Le respect qu'il inspirait se reflétait aussi dans la diversité des personnes qui ont assisté à son enterrement, hier. Même ceux qui l'avaient humilié durant le fameux épisode du Sénat, en avril 2001, étaient là, ne tarissant pas d'éloges à son égard. Une façon de se repentir face à la mort. Il faut rappeler que Bachir Boumaza avait été « chassé » du Sénat de la manière la plus humiliante. Un douloureux moment qui l'aura durement marqué, à vie. Un article publié hier par notre confrère El Khabar cite des extraits des mémoires du défunt : « Certains sénateurs du FLN et du RND et d'autres appartenant au tiers présidentiel m'ont insulté et m'ont menacé avec des armes. Un général membre du Sénat m'a menacé avec son arme en me disant : ‘Je vais te déshabiller.' » « Ils m'ont demandé de rentrer chez moi en violant gravement la Constitution. Et tout ça dans le but de satisfaire le vœu du président Bouteflika, qui avait décidé de me congédier pour désigner à ma place Mohamed Cherif Messaâdia ». « Cette humiliation m'a causé le diabète qui a failli me terrasser », rapporte notre confrère Habet Henachi du journal El Khabar. De son vivant, Bachir Boumaza avait toujours refusé de publier ses mémoires. Il avait confié récemment que c'était « pour ne pas ajouter d'huile sur le feu ». Des mémoires qui vont sans doute lever le voile sur un certain nombre d'évènements qui ont secoué le pays, notamment depuis l'indépendance. Pour peu que sa famille décide de les publier.