« Attention aux provocations algériennes ! Les Algériens sont des spécialistes en la matière. » Nous voilà donc parés d'une belle réputation de gens prompts à créer des problèmes. Le Caire (Egypte) De notre envoyé spécial Samedi matin, 11h, heure locale. C'est le premier jour depuis notre arrivée au Caire où l'on voit autant de voitures arborant l'emblème égyptien. La journée est chômée et la circulation est un peu plus fluide que d'habitude. Tout de rouge habillés, des groupes de supporters prennent la direction du stade, banderoles déployées. Il y a peu de drapeaux aux balcons et les citoyens vaquent le plus normalement du monde à leurs occupations. Quelques banderoles accrochées çà et là informent les citoyens des endroits où des écrans géants ont été mis à leur disposition. L'ambiance a beaucoup changé par rapport aux jours précédents, mais elle est sans commune mesure avec la fièvre qui s'est emparée des villes algériennes et dont les échos nous parviennent, étouffés. Les télévisions et les radios se sont mises à l'heure du match très tôt. Plateaux, directs à partir du stade, interventions d'artistes renommés ou d'analystes, micro-trottoir, tout est bon pour décrire l'ambiance et faire vivre la fièvre du foot. Les journaux parus hier ne sont pas en reste. Ils consacrent tous leurs principales pages à l'événement, quand ce ne sont pas des suppléments entiers. Un seul mot d'ordre revient partout : « Ya rab ! » Dans les églises, dans les mosquées, chez eux, sur les plateaux télé ou à la une des journaux, les Egyptiens prient avec ferveur. Ils prient Dieu de leur accorder la victoire. Les télévisions diffusent des chansons spécialement composées pour l'occasion et repassent en boucle les buts marqués par Aboutrika et compagnie. En particulier ceux marqués contre l'Algérie en différentes occasions. Les présentateurs lancent également d'incessants appels au public afin d'éviter toute forme de dépassement. Ils ont visiblement une peur bleue d'être dépassés par les événements et de perdre le match sur tapis vert, comme cela s'est passé avec l'équipe du Zimbabwe il y a quelques années. Message passant en boucle sur toutes les chaînes : « Attention aux provocations algériennes ! Les Algériens sont des spécialistes en la matière. » Nous voilà donc parés d'une belle réputation de gens prompts à créer des problèmes. Echaudés par l'épisode de l'agression de l'équipe nationale algérienne, les services de sécurité égyptiens ont décidé, cette fois-ci, de sortir les grands moyens pour que le match se déroule sans incident notable. Petit exemple vécu. Votre serviteur a reçu un coup de téléphone à 1h pour savoir si je me rendais au stade pour le match. La police m'informait que si telle était mon intention, ils mettaient à ma disposition une voiture et un de leurs éléments pour ma protection. Charmante initiative, mais franchement, elle n'était pas aussi urgente que cela, au point de troubler un sommeil si précieux dans une ville aussi bruyante. Le lendemain matin, un policier est là, à la porte de l'hôtel. Profitant d'un moment d'inattention, votre serviteur lui fausse discrètement compagnie pour prendre la température des rues du Caire. A mon retour, un couple d'heures plus tard, le policier me lance un regard aussi noir que l'uniforme qu'il arbore. La direction de l'hôtel m'informe de manière ferme mais diplomatique que, désormais, pour ma propre sécurité, je devais signaler tout déplacement, y compris au supermarché du coin. « Tamam ? », « Tamam ! Metchakirek awi awi, ya saâdate el bey. » Me voilà donc avec un encombrant ange gardien collé à mes basques. En fin d'après-midi, les voitures se font de plus en plus rares. Le vacarme infernal qui caractérise si bien la ville du Caire a cessé. Tout le monde s'empresse de rentrer chez soi voir le match. Le temps est gris et un peu froid. Le Caire retient son souffle, au point que l'on a l'impression que mêmes les eaux du Nil ont arrêté de couler.